DES NAVIRES CIBLES DE MYSTÉRIEUX « ACTES DE SABOTAGE » AU LARGE DES ÉMIRATS

Alors que les États-Unis viennent de renforcer leur présence militaire dans la région pour faire face à des « menaces » iraniennes, la situation se tend dans le Golfe.

MOYEN-ORIENT – Plusieurs navires ont été la cible de mystérieux “actes de sabotage” au large des Émirats arabes unis, selon Ryad et Abou Dhabi, suscitant une montée des tensions dans le Golfe au moment où le secrétaire d’État américain se rend à Bruxelles pour discuter de l’Iran.

Tôt lundi 13 mai, les autorités d’Arabie saoudite, alliées de Washington, ont rapporté des “actes de sabotage” ayant endommagé notamment des pétroliers saoudiens au large des Émirats, autre pays proche des États-Unis qui viennent de renforcer leur présence militaire dans le Golfe dans le contexte iranien.

Deux pétroliers saoudiens ont fait l’objet d’actes de sabotage dans la zone économique exclusive des Émirats arabes unis, au large des côtes de l’émirat de Fujairah, alors qu’ils étaient sur le point de pénétrer dans le Golfe d’Arabie”, a déclaré le ministre de l’Énergie Khalid Al-Falih, cité par l’agence officielle SPA.

Des dégâts significatifs sur deux pétroliers saoudiens

Dimanche, les Émirats avaient eux fait état d’“actes de sabotage” contre quatre navires commerciaux de différentes nationalités, à l’Est de l’émirat de Fujairah, sans identifier les auteurs mais en qualifiant l’événement de “grave”. À Téhéran, les autorités iraniennes les ont jugé “alarmants” et ont appelé à une enquête.

Ces incidents en mer d’Oman sont alarmants et regrettables”, a dit Abbas Moussavi, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, en mettant en garde contre “l’aventurisme (d’acteurs) étrangers” pour perturber la navigation maritime.

La Grande-Bretagne s’est très rapidement dite inquiète d’un risque de conflit “par accident” dans le Golfe en raison du regain de tension entre les États-Unis et l’Iran, a averti lundi à Bruxelles le ministre des Affaires étrangères britannique Jeremy Hunt. “Nous sommes très inquiets du risque qu’un conflit se produise par accident en raison de l’escalade des tensions. Nous allons partager ces préoccupations avec nos partenaires européens et avec Mike Pompeo”, a déclaré Jeremy Hunt à son arrivée à Bruxelles pour une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à laquelle s’est invité le secrétaire d’État américain.

Nous devons veiller à ne pas remettre l’Iran sur le chemin de la nucléarisation. Car si l’Iran devient une puissance nucléaire, ses voisins voudront probablement devenir des puissances nucléaires”, a expliqué M. Hunt. “C’est la région la plus instable du monde et ce serait un pas énorme dans la mauvaise direction”, a averti le ministre britannique.

Le mystère reste entier

Le ministre saoudien de l’Énergie a dit que les actions contre les pétroliers saoudiens n’avaient causé ni victime ni marée noire, mais qu’ils avaient provoqué “des dégâts significatifs aux structures des deux navires”. Un des deux pétroliers était en route pour être chargé de pétrole au terminal saoudien de Ras Tanura en vue d’une livraison à des clients américains, a-t-il précisé.

Ultérieurement, le ministère saoudien des Affaires étrangères a “condamné” un “acte criminel” qui constitue une “sérieuse menace” à la navigation maritime et a “une incidence néfaste sur la paix et la sécurité régionale et internationale”. Comme Abou Dhabi, Ryad n’a désigné aucun responsable. Les deux pays n’ont pas non plus précisé la nature des “actes de sabotage”. Lundi, à la mi-journée, le mystère autour de ces “actes de sabotage” restait donc entier.

Dimanche, le gouvernement des Émirats arabes unis a en revanche appelé la communauté internationale à “prendre ses responsabilités pour empêcher que de telles actions soient commises par des parties cherchant à porter atteinte à la sécurité de la navigation”. Le port de Fujairah est le seul terminal aux Émirats arabes unis situé sur la côte de la mer d’Arabie qui contourne le détroit d’Ormuz, par où passent la plupart des exportations de pétrole du Golfe.

L’Iran a, à plusieurs reprises, menacé de fermer ce détroit stratégique, crucial pour la navigation mondiale et les fournitures pétrolières, en cas de confrontation militaire avec les États-Unis. L’annonce de ces incidents par deux proches alliés de Washington intervient dans un contexte de regain de tension entre Washington et Téhéran après le renforcement des sanctions américaines contre la République islamique, qui a pour sa part suspendu certains de ses engagements nucléaires.

Les États-Unis obnubilés par le dossier iranien

Vendredi, le Pentagone a annoncé l’envoi dans la région d’un navire de guerre transportant des véhicules, notamment amphibies, et d’une batterie de missiles Patriot, s’ajoutant au déploiement d’un porte-avions et de bombardiers B-52.

Dimanche soir, le département d’État a annoncé que le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait décidé de se rendre lundi à Bruxelles pour discuter de “questions urgentes”, et notamment de l’Iran, avec des responsables européens. Il a annulé en conséquence son passage à Moscou, a précisé un responsable américain. Mike Pompeo avait déjà annulé ces derniers jours des déplacements à Berlin et au Groenland pour se consacrer au dossier iranien.

La tension est brusquement montée dimanche en milieu de journée dans le Golfe quand des sites pro-iraniens, notamment Al-Mayadeen, favorable au Hezbollah, avaient rapporté une série d’explosions dans le port de Fujairah, affirmant qu’entre sept et dix tankers avaient pris feu après un survol d’avions américains et français.

Un site clé concernant le pétrole émirati 

Les Émirats arabes unis avaient catégoriquement démenti avant d’annoncer, en début de soirée, des “actes de sabotage” contre quatre navires commerciaux. Lundi, le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe (CCG), Abdullatif al-Zayani, ainsi que l’Égypte, la Jordanie et Bahreïn -trois alliés de Ryad et d’Abou Dhabi-, ont condamné les incidents maritimes de la veille.

C’est un développement dangereux et une escalade caractérisant des intentions diaboliques”, a dit Abdullatif Zayani.

Le petit émirat de Fujairah dispose de deux terminaux pétroliers et d’un oléoduc qui fournit du pétrole en provenance d’Abou Dhabi, où se trouve la majorité des réserves pétrolières des Émirats. Cet oléoduc d’une longueur de 406 kilomètres permet d’acheminer 600.000 barils de brut par jour et surtout d’éviter le détroit d’Ormuz. Le port de Fujairah a une grosse capacité de stockage (70 millions de barils).

Par Le HuffPost avec AFP , publié le 13/05/2019 à 11h29 CEST

https://www.huffingtonpost.fr/entry/arabie-saoudite-golfe-iran-emirats-etats-unis-sabotages_fr_5cd92bcee4b0705e47df1cb7