Bien que le groupe français voie sa situation financière s’améliorer légèrement, le plus dur reste à faire pour son PDG, Jean-Bernard Lévy, à l’orée de son second mandat.
Les chiffres ne sont pas extravagants, mais qu’importe, ils ont de quoi réjouir l’état-major d’EDF. Mardi 14 mai, le groupe a ainsi annoncé des résultats trimestriels en hausse – un léger mieux dû à de meilleures conditions sur le marché de l’électricité.
Il faut dire que les bonnes nouvelles sont une denrée rare chez EDF, tant la situation de l’électricien est difficile. Qu’on en juge : avec 33 milliards d’euros de dette, il doit investir dans les prochaines années entre 55 et 75 milliards d’euros pour mettre aux normes son parc nucléaire. Sans compter l’interminable chantier du réacteur EPR de Flamanville (Manche) et le financement d’éventuelles nouvelles centrales. À l’orée de son second mandat, Jean-Bernard Lévy a trois sujets prioritaires sur la table.
Récupérer la rente nucléaire. D’abord, la direction d’EDF mène un lobbying intense auprès du gouvernement sur un sujet technique, mais majeur : la répartition de la rente nucléaire. Un mécanisme complexe appelé Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) impose à EDF de vendre un quart de la production nucléaire à ses concurrents, à un prix fixe. L’objectif de ce dispositif était de favoriser la concurrence et de tempérer la volonté de Bruxelles de découper l’opérateur historique.
Mais EDF juge dorénavant que cette régulation tue l’entreprise à petit feu, l’obligeant à vendre à un prix inférieur au marché une part significative de sa production, qui provient de centrales largement amorties. Depuis cinq ans, Jean-Bernard Lévy demande au gouvernement de supprimer ce mécanisme, avec un argument : il empêche EDF de financer correctement ses investissements, alors que l’entreprise produit la quasi-totalité de l’électricité en France. À l’Élysée comme à Bercy, les arguments insistants d’EDF commencent à être entendus, ce qui provoque le courroux des fournisseurs rivaux.
Restructurer l’entreprise. À la demande d’Emmanuel Macron, Jean-Bernard Lévy s’est engagé dans un vaste projet de réorganisation d’EDF. L’objectif affiché est d’assurer le financement du nucléaire actuel (de nombreux travaux sont nécessaires pour faire fonctionner le parc), mais aussi futur, puisque EDF espère lancer la construction d’autres EPR.
Le plan que défend M. Lévy, dont il doit présenter les grandes lignes aux syndicats le 20 juin, consiste à découper l’entreprise en deux morceaux : d’un côté, une entité 100 % publique qui détiendrait les activités nucléaires et peut-être les barrages. De l’autre, les activités de commercialisation de l’électricité, les énergies renouvelables, les services et les réseaux.
Le PDG d’EDF doit rendre fin 2019 un projet complet au président de la République. Le sujet est explosif : outre les réserves des syndicats – la CGC a dénoncé mardi « une réorganisation dans l’intérêt des banques d’affaires » –, M. Lévy et l’Élysée devront faire face aux probables tirs de barrage de Bruxelles, des concurrents et de l’opposition.
Assurer l’avenir du nucléaire. Emmanuel Macron a passé, là aussi, une commande précise à EDF : présenter, à la mi-2021, un projet convaincant de construction de nouveaux réacteurs. Mais pour cela, la première inconnue à lever se trouve à Flamanville : le réacteur en construction depuis douze ans, pour une somme de près de 11 milliards d’euros, devrait encore connaître des retards cette année. Or le gouvernement a précisé qu’aucune décision ne serait prise sans démarrage de ce premier EPR sur le sol français.
Ensuite, les équipes de M. Lévy devront apporter la preuve que le nouvel EPR peut être construit en étant bien moins coûteux que Flamanville, et dans des délais plus raisonnables, tout en garantissant les conditions de sécurité exigées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Enfin, ce projet sera présenté à quelques mois de l’élection présidentielle de 2022 : il appartiendra probablement au prochain locataire de l’Élysée de trancher cette épineuse question.
D’autres problèmes plus immédiats se posent à Jean-Bernard Lévy : assurer une fermeture sans encombre en 2020 des deux réacteurs de Fessenheim (Haut-Rhin), gérer celle des deux centrales à charbon opérées par EDF, lancer la mise en œuvre du plan solaire annoncé fin 2017 et essayer de convaincre l’Inde de signer en 2020 un premier contrat pour exporter l’EPR. Sans toutefois oublier un dossier capital : tenter de reconquérir les clients partis vers la concurrence, alors que le groupe perd 100 000 contrats par mois. En cinq ans, EDF a vu s’envoler plus de 3 millions de clients particuliers.
Par Nabil Wakim, publié le 15 mai à 10h32
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/05/15/edf-confronte-a-des-chantiers-colossaux_5462331_3234.html
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