INFORMATIONS DE L’IRSN SUR LES MESURES DE TRITIUM DANS LA LOIRE

Le 18 juin 2019, l’ACRO a rendu publics les résultats d’une campagne de mesure citoyenne de la radioactivité sur le bassin versant de la Loire. Elle attire l’attention du public sur le niveau élevé d’une des mesures du tritium faite dans la Loire (310 Bq/L) et sur la présence de tritium dans l’eau du robinet prélevée régulièrement à Châtellerault.

Le rapport de l’ACRO appelle les commentaires suivants de la part de l’IRSN:

1/ En ce qui concerne l’ensemble des mesures et observations

À une seule exception, les résultats des mesures réalisées dans le cadre de cette étude sont proches de ceux habituellement mis en évidence par les différentes surveillances réalisées sur le fleuve. Ils montrent notamment:

  • que les produits de fissions ou d’activation émetteurs gamma susceptibles d’être rejetés par les centrales nucléaires ne sont que très rarement détectés dans les matrices indicatrices du milieu fluvial (sédiments, végétaux aquatiques). Le radionucléide le plus régulièrement détecté, le césium 137 (137Cs), provient également des retombées atmosphériques des essais nucléaires et de l’accident de Tchernobyl et ne peut être spécifiquement attribué à l’influence des centrales sur le milieu fluvial ;
  • que le tritium est présent dans l’eau de la Loire1ou de la Vienne à des niveaux proches de ceux observés dans le cadre de la surveillance de l’IRSN. On note toutefois que la méthode employée par l’ACRO (prélèvements ponctuels) fournit des résultats plus variables que ceux produits par des systèmes de prélèvements intégrateurs qu’utilise l’IRSN2. C’est pourquoi on peut observer, dans le cadre de cette étude, des niveaux soit supérieurs soit inférieurs à ceux de la surveillance de l’Institut. Cette différence est intrinsèque aux méthodes mises en œuvre.

2/ En ce qui concerne la mesure d’un niveau de 310 Bq/L dans la Loire à Saumur

Sur une fenêtre d’observation décennale, la surveillance radiologique de l’eau de la Loire faite par l’IRSN (ou par EDF) révèle d’assez grandes fluctuations dans les niveaux de tritium observables. Il existe une assez bonne corrélation (inverse) entre ces niveaux et le débit du fleuve. Ainsi, en aval immédiat de Chinon, ils peuvent varier dans une gamme de 3 à un peu plus de 100 Bq/L.

Les concentrations observées dans la Vienne, en aval de Civaux, varient dans une gamme très analogue mais sont beaucoup moins associées au débit du fleuve3.

1 Même s’il n’a pas été détecté en aval de Belleville, du fait de la méthode de prélèvement utilisée (prélèvement ponctuel une fois tous les trois mois).

2 Les hydrocollecteurs de l’IRSN collectent l’eau en « quasi continu » durant une semaine. Le produit de chaque collecte est ensuite mélangé pour former un échantillon composite représentant un mois de prélèvement qui est ensuite analysé.

3 Car l’exploitant du CNPE pratique une régulation étroite de ses rejets liquides en fonction des débits de la Vienne.

La surveillance opérée par l’IRSN durant les dix dernières années n’a pas permis de mettre en évidence une activité de l’ordre de 310 Bq/L. L’examen plus particulier des résultats de la surveillance faite dans le cadre du réseau national de mesure (RNM) durant la période où a été détectée cette concentration par l’ACRO non plus(voir en annexe)4. Autrement dit, le niveau mis en évidence par l’ACRO n’est pas un niveau habituel et son origine doit être recherchée. À ce stade, les principales pistes d’investigation possibles que l’IRSN examinera dans les prochaines semaines sont :

  • un rejet exceptionnel / non concerté entre différentes installationsd’EDF5;
  • un écart attaché aux différences méthodologiques entre un prélèvement ponctuel et un prélèvement intégré ;
  • une autre source de tritium 6.

3/ En ce qui concerne l’eau de boisson

Le contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine est de la responsabilité de la direction générale de la santé (DGS) et de ses agences régionales (ARS). L’IRSN n’opère donc pas de surveillance régulière des eaux de boisson mais il peut réaliser des études sur le sujet, à la demande de la DGS. Dans le cadre des dernières études qu’il a réalisées7 pour le compte de la DGS et de l’ASN sur les eaux destinées à la consommation humaine (eau du robinet et eaux en bouteille), l’IRSN n’a jamais mis en évidence de dépassement de la référence de qualité utilisée pour le contrôle du tritium (100 Bq/L)8. Les niveaux de tritium relevés par l’ACRO dans les eaux de boisson prélevées dans le cadre de son étude ne dépassent pas non plus cette référence. Ils restent très inférieurs à la valeur guide recommandée par l’OMS (10 000 Bq/L)9.

Rappel : l’estimation des doses reçues par le public réalisé dans le cadre du bilan de l’état radiologique de l’environnement français de 2015 à 201710(sur la base de l’hypothèse d’une consommation journalière de 2 L d’eau fluviale) conduit à des niveaux compris dans la gamme de 0,05à 5 μSv/an pour l’ensemble des fleuves nucléarisés. Ces niveaux sont à mettre en regard de la limite de 1000 μSv/an pour le public.

4 Même si l’Institut ne dispose plus d’un hydocollecteur après la confluence de la Vienne et de la Loire, son évaluation des concentrations de tritium à Saumur à partir des hydrocollecteurs installés en amont ne permettent pas de « remonter » à un tel niveau d’activité.

5 Même si les informations collectées à ce stade ne révèlent pas d’anomalie concernant les rejets d’EDF.

6 En aval des systèmes de surveillance de l’IRSN ou d’EDF.

7 Cf. https://www.irsn.fr/eaux-embouteilleeset https://www.irsn.fr/bilan-eaux-robinet-2008-2009

8 Cette référence de qualité ne constitue pas une limite sanitaire mais un seuil qui, lorsqu’il est dépassé, entraine une investigation complémentaire pour rechercher une éventuelle source de pollution.

9 Activité de tritium dans l’eau de boisson correspondant à une exposition d’environ 100 μSv/an.10Cf. https://www.irsn.fr/BR2015-2017

 ANNEXES

Figure 1 : Concentration en tritium et débit de la Loire (Langeais) pour le CNPE de Chinon.

Figure 2 : Concentration en tritium et débit de la Vienne(Chauvigny) pour le CNPE de Civaux.

Publié le 20 juin 2019

https://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Documents/IRSN_NI-Tritium-Loire_20190620.pdf