« L’IRAN N’A D’AUTRE SOLUTION QUE DE SE PRÉPARER À LA CONFRONTATION ACTUELLE »

Clément Therme, spécialiste de l’Iran, est chercheur post-doctorant au sein de l’équipe « savoirs nucléaires » du Centre d’études des relations internationales de Sciences-Po.

« La situation géostratégique dans la région est née du retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien. Cette décision a créé les conditions d’une confrontation militaire potentielle avec la République islamique : en déclenchant une confrontation économique avec elle, en prenant des mesures qui conduisent à réduire à zéro les exportations pétrolières iraniennes, les États-Unis ont pris le risque d’un affrontement militaire avec Téhéran. Sur le plan économique, l’Iran n’a pas les moyens de rivaliser avec Washington. C’est pourquoi il cherche une réponse asymétrique qui pourrait créer des conditions nouvelles dans la région, afin que le statu quo ne soit pas la meilleure option pour ses voisins.

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L’idée iranienne, c’est que la politique de pression extrême des États-Unis sur son pétrole ait aussi un coût pour les autres exportateurs régionaux : en premier lieu, l’Arabie saoudite qui, jusqu’à maintenant, a profité de l’embargo américain pour s’emparer des parts de marché iraniennes.

Absence de ligne américaine claire

Dans cette crise, la politique américaine ne suit pas une ligne claire car elle est affectée par la cohabitation de plusieurs centres de décision. D’un côté, Donald Trump voudrait que sa politique de pression maximale conduise à une rencontre avec le président iranien. Mais d’autres, dans son administration, issus de la mouvance des néoconservateurs apparue à l’époque de George W. Bush, souhaitent un changement de régime en Iran. Cette contradiction paralyse la position américaine et ne laisse pas d’autre solution à l’Iran que de se préparer à la confrontation actuelle.

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Les États-Unis ont mis l’Iran dans l’impasse car le risque de l’effondrement économique est réel pour ce pays. Ces pressions économiques de Washington ont conduit les dirigeants iraniens à faire le choix d’une plus grande tension sécuritaire dans la région, ce qui augmente le risque d’un affrontement avec les États-Unis, pour changer la donne régionale. À moins qu’ils parviennent à contourner le blocus américain en exportant leur pétrole en direction de la Chine, de la Russie et de l’Union européenne.

Les États-Unis ont mis l’Iran dans l’impasse car le risque de l’effondrement économique est réel pour ce pays. Ces pressions économiques de Washington ont conduit les dirigeants iraniens à faire le choix d’une plus grande tension sécuritaire dans la région, ce qui augmente le risque d’un affrontement avec les États-Unis, pour changer la donne régionale. À moins qu’ils parviennent à contourner le blocus américain en exportant leur pétrole en direction de la Chine, de la Russie et de l’Union européenne.

Des forces qui poussent à l’affrontement

Si d’autres pays peuvent compenser les pertes économiques iraniennes, alors le régime pourrait renoncer à sa politique de surenchère. Mais ce n’est pas sûr, car il y a aussi des forces radicales en Iran qui poussent à l’affrontement avec les États Unis. Et on ne sait pas ce que sera la réaction américaine vis-à-vis des pays qui feraient affaire avec l’Iran. Je pense en particulier aux pays européens dont l’économie est dépendante du marché américain comme la France.

De son côté, la population iranienne attend le développement économique, non la confrontation avec les États-Unis. Mais si la position américaine se durcit, alors, sous l’effet de la peur, elle risque de basculer du côté des durs du régime et de la priorité donnée aux questions sécuritaires. »

Recueilli par Laurent Larcher, le 22/09/2019 à 14h24

https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/LIran-dautre-solution-preparer-confrontation-actuelle-2019-09-22-1201049198