Les États européens ont inclus la production d’électricité nucléaire dans les secteurs éligibles aux futurs investissements verts. Mais l’Allemagne et le Parlement s’y opposent.
Le nucléaire est-il un investissement vert ? La question divise désormais ouvertement Bruxelles au moment d’établir la « taxonomie » qui doit encadrer et doper la finance verte en Europe. Mercredi, au Conseil, les États membres l’ont en effet ajouté à la liste des activités potentiellement intégrables à des fonds « verts ».
C’est un pavé dans la mare. Le projet présenté l’an passé par la Commission européenne s’en était, après débat, gardé. Le Parlement européen, lui, l’a clairement exclu lors de son adoption du texte, en mars. Parmi les États, le sujet divise le couple franco-allemand. Paris a clairement poussé pour, tandis que l’Allemagne, le Luxembourg et l’Autriche ont tenté, sans succès, de s’y opposer.
Paris contre Berlin
« Le nucléaire n’est ni durable ni sûr », ont argué leurs diplomates. L’inclure à la taxonomie « risquerait de créer un effet d’enfermement à long terme dans ces technologies », a notamment souligné le Luxembourg. « En ouvrant la porte par derrière au nucléaire, le Conseil risque de détruire la confiance des investisseurs et joue un très mauvais tour à la finance durable », condamne aussi l’Allemand Sven Giegold, eurodéputé du groupe des Verts. À l’opposé, ses partisans affirment qu’en l’état actuel des technologies, l’électricité nucléaire est incontournable pour lutter contre le réchauffement climatique.
Mesurer l’impact global
La question devra être tranchée lors des « trilogues » à venir entre institutions pour arrêter le texte final. La Commission joue la prudence. « Nous devons poursuivre les analyses afin de mesurer le risque potentiel que font peser les déchets nucléaires sur nos objectifs environnementaux », y explique une porte-parole.
C’est une position en ligne avec celle du groupe d’experts qui a publié en juin un rapport de recommandations sur cette taxonomie, et ses futures arcanes. Il définit les critères techniques d’éligibilité de 67 activités « pouvant apporter une contribution substantielle à la modification du climat » dans sept grands secteurs, dont l’énergie. Il estime que la production d’électricité nucléaire peut, certes, participer « aux objectifs d’atténuation » du réchauffement climatique, mais que davantage d’analyses sont nécessaires avant de l’intégrer le cas échéant. « L’impact potentiel sur d’autres objectifs climatiques (gestion des déchets, préservation des eaux, biodiversité) semble limiter son potentiel d’inclusion dans la taxonomie », analyse une récente note de Standard & Poor’s.
Encore un long chemin
Au-delà du nucléaire, la difficulté de la tâche sera ainsi de placer précisément les curseurs secteur par secteur. Cela passera par des « actes délégués » (règlements européens) à venir, le projet de directive n’ayant vocation qu’à poser les grandes lignes.
Le rapport des experts, explicite un proche du dossier, préconise une approche « volontairement large pour soutenir les activités déjà peu polluantes mais aussi soutenir et encourager la transition en cours dans de nombreux secteurs ». Seraient ainsi concernées par exemple les voitures électriques, mais aussi certaines hybrides, et des activités connexes favorisant la transition écologique, comme la production de turbine à vents.
Le chantier est vaste et son calendrier dès lors incertain. Alors que la Commission et le Parlement ambitionnent de finaliser la taxonomie dès 2020, les États évoquent l’échéance 2022.
Par Derek Perrotte (Bureau de Bruxelles), publié le 26/09 à 17h07, mis à jour le 26/09 à 17h15
Photo en titre : Centrale nucléaire de Dampierre sur les rives de la Loire. Laurent GRANDGUILLOT/REA
https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/finance-verte-bruxelles-se-divise-sur-le-nucleaire-1135054
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