Éditorial du Monde. La volonté du gouvernement de lancer la construction de nouveaux réacteurs de type EPR interroge au regard des sévères difficultés dans lesquelles la filière se débat. Une consultation de la société et de ses élus s’impose.
La France est un cas unique dans le monde : plus de 70 % de l’électricité provient des 58 réacteurs nucléaires dont dispose le pays. Les centrales françaises ont été construites dans les années 1980 et 1990, et beaucoup d’entre elles vont bientôt atteindre quarante ans d’exploitation. Un âge crucial, puisque c’est celui qui était envisagé comme date limite au moment de leur mise en service.
La loi énergie-climat, votée en septembre, fixe un objectif clair : atteindre en 2035 un mix électrique à 50 % d’origine nucléaire et 50 % issu d’énergies renouvelables. Cet horizon va nécessiter la fermeture de 14 réacteurs et un fort développement de l’éolien et du solaire. Mais il rend aussi obligatoire la prolongation de la durée de vie de certains réacteurs pour dix ou vingt ans, si l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) l’accepte. C’est la feuille de route que souhaite suivre le gouvernement, gravée dans la loi et dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). (NDLR : ce que fait une loi, une autre loi peut le défaire. Exemple la loi précédente disait 2025 et celle-ci reporte à 2035 et une suivante pourra encore reporter etc…)
Mais, comme vient de le révéler Le Monde, le gouvernement étudie par ailleurs la possibilité de lancer un nouveau programme de six réacteurs nucléaires, qui seraient construits dans les quinze prochaines années. C’est le sens de la lettre de mission envoyée au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, début septembre, par le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, et par la ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne.
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Cette démarche suscite des interrogations : la France doit-elle se lancer dans la construction de nouveaux réacteurs de type EPR, alors que le seul modèle en chantier en France accuse plus de dix ans de retard et coûte déjà quatre fois plus cher que prévu ? La filière nucléaire française est-elle encore capable de réaliser ce type de programme ?
Le rapport commandé par EDF, à la demande de Bruno Le Maire, à l’ancien président de PSA, Jean-Martin Folz, est assassin sur les errements traversés par les grands acteurs du nucléaire ces vingt dernières années.
Une plus grande transparence
Dans ce contexte, un débat public sur la viabilité de la poursuite du choix du nucléaire s’impose. Le lancement du programme nucléaire, dans les années 1970, s’était fait sans véritable consultation publique. Jouissant d’un apparent consensus, il a ensuite été poursuivi sans remise en question, jusqu’à ce que la filière nucléaire elle-même se retrouve embourbée dans ses difficultés.
Les positions des partisans de l’atome sont connues : une énergie qui émet peu de CO2, un prix de l’électricité relativement bas, une filière qui emploie des dizaines de milliers de personnes. Les opposants au nucléaire ont eux aussi des arguments : des interrogations sur la sûreté et sur la sécurité des sites nucléaires, une gestion des déchets toujours pas résolue – alors que certains resteront radioactifs pendant plusieurs centaines de milliers d’années – et une filière qui reste peu transparente. Sans compter que le coût important de ces nouveaux réacteurs pourrait peser fortement sur les factures d’électricité des Français.
Emmanuel Macron avait promis, dans un premier temps, de prendre une décision sur le sujet à la mi-2021. Puis il faudrait attendre le démarrage de l’EPR de Flamanville – au mieux en 2023. Dans tous les cas, le choix de poursuivre l’option nucléaire mérite mieux qu’une décision prise en coulisses, après des négociations entre EDF et le gouvernement. La société et ses élus ont droit à une plus grande transparence, afin d’être assurés que ce choix sera fait de la manière la plus éclairée possible.
Par Le Monde, publié le 2 novembre 2019 à 11h31
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