NOUVEL ACCROC IRANIEN À L’ACCORD SUR LE NUCLÉAIRE

Téhéran a annoncé mardi la reprise d’un enrichissement dans l’usine souterraine de Fordo, au sud de la capitale. Cette mesure correspond à la quatrième phase du plan de réduction des engagements iraniens en riposte au retrait américain de l’accord.

C’est un nouvel accroc au traité de juillet 2015 (JCPoA) mettant sous contrôle international le programme nucléaire iranien. Comme annoncé, les autorités iraniennes ont encore un peu réduit leurs engagements en matière nucléaire en annonçant la reprise d’un enrichissement, dans l’usine souterraine de Fordo, à quelque 180 kilomètres au sud de Téhéran, qu’elles avaient gelé en vertu de l’accord de Vienne.

Cette mesure correspond à la quatrième phase du plan de réduction des engagements iraniens en riposte à la dénonciation unilatérale de l’accord de Vienne par Washington. Depuis mai, Téhéran a commencé à produire de l’uranium enrichi à 4,5 %, un taux supérieur au plafond de 3,67 % prévu par l’accord mais loin des 90 %, le taux nécessaire pour un usage militaire. L’Iran accumule désormais 5 kilos d’uranium enrichi par jour s’affranchissant de la limite de 300 kilos maximum de stock imposée par le JCPoA.

Stratégie de « pression maximale »

L’annonce du président Hassan Rohani survient au lendemain de l’expiration d’un délai donné par Téhéran afin que les autres parties – toujours signataires au traité – l’aident à contourner les conséquences du retrait en mai 2018 des États-Unis de ce pacte signé entre les 5 +1 (les membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) et l’Iran. Un an plus tard, en mai 2019, l’administration Trump, décidée à appliquer une stratégie de « pression maximale », avait encore durci ses sanctions unilatérales avec la suppression des exemptions dont bénéficiaient encore les huit principaux clients du brut iranien dont, notamment, la Chine, l’Inde et le Japon.

Cette stratégie d’accrocs répétés au traité vise à isoler les Américains tout en évitant l’irréparable. Hassan Rohani a ainsi précisé que les centrifugeuses de Fordo seraient maintenues sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), comme le reste des activités nucléaires de l’Iran, soumis au régime d’inspection le plus strict jamais mis en place par cet organe de l’ONU. Il a aussi tenu à rappeler que les mesures prises par la République islamique étaient « réversibles » et que Téhéran était prêt à revenir à l’application complète de ses engagements dès lors que les autres parties à l’accord de Vienne respecteront les leurs. Il ne ferme donc pas la porte à une reprise des négociations alors que la nouvelle décision risque de faire à nouveau monter la tension dans la région.

Inquiétude générale

« Des négociations en coulisse continuent avec certains pays », a assuré le président iranien. Paris s’est posé en médiateur entre Washington et Téhéran. Emmanuel Macron avait tenté d’organiser à New York, en marge de l’assemblée générale des Nations unies, fin septembre, une rencontre entre Donald Trump et Hassan Rohani. Ce dernier avait refusé au dernier moment le face à face tout en affirmant, lors de son retour à Téhéran, que « le plan français aurait pu être acceptable, d’une certaine façon ».

Le président français proposait un plan en quatre points prévoyant que l’Iran se remette en conformité avec ses engagements de l’accord de juillet 2015 et accepte des négociations pour les prolonger après 2025, mais aussi qu’il mette un terme à sa politique agressive dans la région. En contrepartie, Téhéran obtiendrait la levée des sanctions américaines et pourrait disposer de ses revenus pétroliers. On restait dans le flou à propos du programme balistique iranien, point sur lequel le régime reste intransigeant.

Le nouvel accroc à l’accord complique la donne. « Nous exhortons l’Iran à revenir sur ses décisions contraires à l’accord et à coopérer pleinement avec l’AIEA », a déclaré la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. L’inquiétude est générale. « Nous sommes très préoccupés », a déclaré la porte-parole de Federica Mogherini. La Chine et la Russie estiment que chaque réduction supplémentaire des engagements iraniens rend plus compliqué le sauvetage de ce texte. Avant même l’annonce de Téhéran, l’administration Trump annonçait des sanctions à l’encontre de neuf membres de l’entourage de l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution iranienne, dont l’un de ses fils et son chef de cabinet. La date choisie correspond au quarantième anniversaire de la prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran.

Par Marc Semo,  publié le 5 novembre 2019 à 17h54, mis à jour à 18h09

Photo en titre : Le président iranien Hassan Rohani à Téhéran, le 5 novembre. HO / AFP

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