Utilisé comme terrain d’essai des bombes atomiques soviétiques, le territoire du polygone de Semipalatinsk, dans l’est du Kazakhstan, va bientôt être utilisé pour l’enfouissement des déchets nucléaires de l’usine métallurgique d’Oulba.
Le ministère kazakh de l’Écologie, de la Géologie et des Ressources naturelles ainsi que la compagnie Kazatomprom ont signé le 17 février dernier un accord de coopération de protection de l’environnement, rapporte le média kazakh Vlast.kz. Le document prévoit notamment la mise en œuvre d’un projet de rejet de déchets radioactifs sur le site du polygone de Semipalatinsk, ancien terrain pour les essais nucléaires soviétiques. Les déchets enfouis proviendraient de l’usine métallurgique d’Oulba, principal producteur d’uranium, béryllium et tantale du pays.
Le ministre de l’Écologie Marzoum Mirzagaliev s’est exprimé sur Twitter à ce sujet, arguant que la mesure « éliminera autant que possible tout impact des déchets radioactifs sur l’environnement et la population ».
L’initiative correspond à la politique écologique du président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev. Ainsi, un nouveau Code de l’environnement est en cours de rédaction qui prévoit des audits-techniques spécifiques pour plus de 2 000 entreprises, dont Kazatomprom, le géant du nucléaire kazakh.
Semipalatinsk : le cauchemar soviétique ?
Le site de Semipalatinsk est un vestige de l’Union soviétique. Exploité de 1949 à 1989, il couvre trois régions de l’est du Kazakhstan : Pavlodar, Karaganda et le Kazakhstan oriental. En 1949, Moscou y faisait exploser une première bombe atomique. Les deux tiers des essais nucléaires soviétiques se seraient déroulés sur son territoire, soit au total 467 explosions aériennes et souterraines.
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Le choix de Semipalatinsk comme terrain d’essai nucléaire avait alors été justifié par le gouvernement par la faible densité de population aux alentours. Faits démentis par les autorités kazakhes, qui estiment que près de 1,5 million de personnes vivent sur le territoire en 1949. Le nombre réel de victimes des essais n’est pas connu. Pour autant, le directeur de l’Institut de radioprotection et de l’écologie, Serguey Lougachenko, estimait en 2016 que plus de 10 000 habitants avaient été directement impactés, selon le média russe Kommersant. La mortalité infantile et les diagnostics de cancer auraient drastiquement augmenté pendant la période d’exploitation du site. Des tests sont en cours et un rapport d’évaluation devrait paraître à l’horizon 2021.
À l’international, le Kazakhstan est également actif dans la lutte contre la prolifération du nucléaire. En 2010, le pays le plus vaste d’Asie centrale a notamment initié un projet de journée internationale contre les essais nucléaires auprès de l’ONU. Le 29 août, date de la fermeture du site de Semipalatinsk en 1991, est depuis lors la date de commémoration des victimes du nucléaire. Particulièrement actif dans la lutte contre la prolifération, le Kazakhstan est également l’un des premiers États à avoir renoncé à l’arme nucléaire et à avoir déclaré son territoire comme dénucléarisé.
Par Agathe Guy, Rédactrice pour Novastan, publié le 18 février 2020
Photo en titre : Le polygone nucléaire de Semipalatinsk au Kazakhstan est aujourd’hui marqué par les cratères des essais nucléaires, The Official CTBTO Photostream
https://www.novastan.org/fr/kazakhstan/le-polygone-de-semipalatinsk-va-devenir-un-site-denfouissement-de-dechets-nucleaires/
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