NUCLÉAIRE : CET AUTRE CONFINEMENT QUI NOUS ATTEND. APPEL À L’INSURRECTION DES CONSCIENCES

Par ces temps de confinement et les réflexions qu’il suscite, il est judicieux de savoir ce qui nous attend en cas de catastrophe nucléaire : le « Codirpa » (1) ou comment les pouvoirs veulent imposer à la population de vivre en milieu contaminé radioactif. Avec cette doctrine élaboré en 2005, l’État a déjà légiféré sur la gestion de catastrophe nucléaire, Ce que nous vivons actuellement avec le virus civid-19 en préfigure le contexte et les modalités.

La directive interministérielle du 7/4/2005 sur l’action des pouvoirs publics en cas d’évènement entrainant une situation d’urgence radiologique, a chargé l’ASN (Autorité de Sureté Nucléaire) d’établir un cadre d’action pour répondre aux situations post accidentelles d’origine nucléaire. En juin 2005 l’ASN a mis en place le « Comité directeur pour la gestion de la phase post accidentelle d’un accident nucléaire » ou CODIRPA. Il est chargé d’élaborer la conduite à suivre que les forces militaires et policières françaises imposeront à la population en cas d’accident nucléaire. Ou tenter de survivre en milieu radioactif mortel.

Les objectifs du Codirpa : continuer le buziness malgré une catastrophe atomique et culpabiliser les populations

Le 21 novembre 2012 l’ASN publie de premiers éléments d’une doctrine visant non-pas à empêcher la catastrophe nucléaire mais à gérer les populations après un accident nucléaire en France. Bien que les accidents de Tchernobyl et de Fukushima soient cités à plusieurs reprises le CODIRPA n’aborde pas de telles catastrophes et ne s’intéresse pour l’instant qu’à « un accident d’ampleur modérée entrainant des rejets de courtes durée (moins de 24 H) avec un retour rapide dans un état sûr de l’installation ». Il ne répond donc pas au réel.

Sur les enjeux sanitaires concernant l’ensemble de la population cette doctrine se base sur des modélisations informatiques élaborées par la « Commission Internationale de Protection Radiologique » ( CIPR) et de l’Institut de Recherche sur la Sureté Nucléaire (IRSN) française qui tentent d’évaluer les effets des rayonnements ionisants (radioactivité). Objectif de ces modélisations: appliquer des normes de pseudo-radioprotection qui protègent l’économie au détriment de la santé humaine. D’où des conclusions visant notamment à affirmer une innocuité des faibles doses par contamination radioactive.

Pour preuves : les préconisations de cette doctrine/idéologie du Codirpa considèrent que l’exposition de la population aux radiations devrait être réduite « à un niveau aussi bas que raisonnablement possible… compte tenu des facteurs économiques et sociétaux ». C’est l’application du principe si cher aux adeptes de l’économie libérale capitaliste de marché celui de l’optimisation économique de toute situation humaine. Son acronyme « ALARA » (As Low As Reasonaly Achievable) dit clairement le positionnement machiavélique des technocrates et du pouvoir : « Aussi faible que raisonnablement réalisable« .

La gestion post-accidentelle nucléaire devra donc impliquer les futures victimes du nucléaire et les acteurs locaux de façon transparente. L’important est de sauvegarder le nucléaire et le business. Les élu-es territoriaux et locaux doivent être ainsi placés devant le fait accompli, sans autre alternative que de devenir les relais de la doctrine mortifère. Ils devront être impliqués « en amont de l’accident, dès le stade de la préparation, dans les réflexions sur les stratégies de gestion des conséquences de l’accident »

Ainsi, avec cette idéologie propagandiste les pouvoirs publics s’enferment dans la négation des risques incommensurables sur la santé des êtres vivants et la contamination des territoires et de la chaîne alimentaire. Perversion intellectuelle et morale de la doctrine du Codirpa : faire croire qu’en cas d’accident nucléaire les dommages sanitaires sont gérables.

Contraindre les populations à survivre lamentablement en zone radioactive et instaurer la non-responsabilité légale des exploitants nucléaires

Avec ce précis de manipulation du Codirpa, les pouvoirs publics, au bout d’un certain laps de temps, obligeront les populations à revenir vivre en milieu contaminé. C’est ce qui se met en place à Fukushima (Japon). Il s’agit donc dès à présent de conditionner les esprits et de développer un enfermement structurel administratif des autorités locales et de l’appareil administratif en charge des aspects gestionnaires à tous les niveaux. Une collaboration digne de pouvoirs autoritaristes et morbides où les appareils d’État et de niveaux inférieurs ont su cultiver l’art de la soumission.

Le CODIRPA affirme ainsi que « cela suppose que les acteurs locaux soient impliqués dans cette décision et en capacité d’agir pour améliorer l’état radiologique de leur environnement, pour assurer leur protection et le maintien, voire le développement d’activités économiques et sociales au sein du territoire ». Une singulière et odieuse conception de la transparence dans l’information et de la protection des populations. Cette doctrine est déjà mise en place depuis les années 70  avec l’intégration des élu-es locaux des communes dont les territoires subissent l’implantation des installations nucléaires civiles et militaires. Ils sont associés/intégrés en permanence à la logique nucléariste, moyennant retombées financières non négligeables aussi.

Mais comme les exploitants des installations nucléaires tout comme les États sont démunis de solutions réelles sanitaires et financières pour pallier aux conséquences folles d’un accident nucléaire, une disposition dérogatoire au droit commun a été décrétée : le nucléaire et les exploitants bénéficient d’un régime juridique d’exception à responsabilité́ limitée et aux capacités financières plafonnées. Ils sont donc, de bon droit, exonérés de prendre en charge le coût d’une catastrophe nucléaire.

Comme à la santé et à la vie des populations, le pouvoir et la nucléocratie préfèrent celle de l’économie et de la finance : il faut donc que les victimes du nucléaire se sentent elles-mêmes responsables de ce qui leur arrive. Ce sera à elles de décider de leur sort après la catastrophe. Ce machiavélisme a été imaginé à partir du vécu des victimes de la catastrophe atomique de Tchernobyl en Ukraine du 26 avril 1986. Et vise à l’appliquer à l’ensemble des populations des pays européens. À cette occasion la Commission Européenne a lancé une série d’études sur les conditions de vie dans les territoires contaminés afin de maintenir à tout prix l’activité économique et la position des entreprises privées européennes dans la guerre économique mondiale.

« Ethos » : Vivre autrement dans les zones contaminées (2)

Depuis 1991 la législation biélorusse de gestion de la contamination post-accidentelle nucléaire délimite 5 zones pour les territoires contaminés. L’une d’elles concerne la zone dite « de relogement volontaire » où l’État laisse aux sinistrés le choix de rester ou pas en zone contaminée. Drôle de choix pour des victimes, et souvent guidé par un manque de moyens financiers pour pouvoir aller ailleurs plutôt que par des préoccupations sanitaires. Évidemment la sinistre Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) dont le but est de promouvoir l’usage du nucléaire dans le monde (et non comme se l’imaginent beaucoup de gens de limiter le nucléaire) appuie cette politique en mettant l’accent – l’odieux n’a pas de limite – sur « le traumatisme du relogement » (acte de la conférence AIEA de Vienne 8/12 avril 1996). Le programme de la Commission européenne pour l’évaluation des conséquences de Tchernobyl (1991-1995) va alors se servir de ces « zones de relogement volontaire » comme laboratoires de risques à faire accepter par les populations.

En 1996, la Commission Européenne lance donc un programme dans lequel l’influence de la nucléocratie prime. Il faut lui trouver un joli nom car, dans le nucléaire comme dans toute activité industrielle dangereuse, l’enrobage compte et permet de faire avaler bien des couleuvres aux peuples. Ce sera donc « ETHOS » qui signifie en grec mœurs, habitudes, coutumes. Ce projet est aussitôt confié au cabinet privé Mutadis spécialisé dans la gestion des activités à risques ainsi qu’au Centre d’Étude sur l’Évaluation de la protection dans le domaine nucléaire (CEPN). Un organisme composé étonnement de 4 membres exlusifs de la nucléocratie : EDF, CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique), AREVA, IRSN.

L’objectif est d’étudier comment faire acquérir de nouvelles habitudes et une faculté de résilience aux populations en milieu contaminé. Autrement dit une planification sordide de la condamnation à mort de pans entier de population (n’oublions pas que les premiers travaux sur une bombe atomique ont été conduits par les nazis). Ces études européennes sont réalisées dans le village d’Olmany et le district de Stolyn situé au sud-est de la Biélorussie, à 200 km environ de Tchernobyl. Puis, à partir de 1999, les villages de Belaoucha, Gorodnaya, Retchitsa et TérébéjovIls ont été impliqués. Ils serviront aux nucléaristes de sordide laboratoire à ciel ouvert d’un vivant martyrisé. Il y a 500 000 enfants dans les territoires contaminés.

Propagande, manipulation des esprits, culpabilisation et « démarche participative« 

Dès le départ, selon « Ethos« , il faut imprimer dans les têtes un postulat de base : ce n’est pas le nucléaire qui est dangereux mais le psychisme des gens. Corolaire des travaux des pseudos-scientifiques qui se sont vendus à ces forces dominantes : les victimes doivent vaincre leur fatalisme, retrouver confiance et devenir autonomes. Une « culture radiologique » destinée à faire accepter de vivre en milieu contaminé doit donc être inculquée aux populations. Comme la gestion post-accidentelle nucléaire observée en Biélorussie est ingérable par les pouvoirs publics, les objectifs principaux sont d’une part l’individualisation des risques (si vous êtes malade ou vos enfants c’est de votre faute car vous n’avez pas bien fait les choses) et d’autre part la normalisation de l’après catastrophe.

Comme tout ce qui est dégueulasse porte un joli nom, cette propagande d’intégration des victimes à leur propre chemin de croix, va se nommer « démarche participative et durable  d’ETHOS« . Très vite les organismes internationaux vont s’appuyer sur ses conclusions et les renforcer en lançant, en 2003, un autre programme de manipulation à grande échelle : CORE autrement nommé pour que cela sonne mieux « Coopération par la Réhabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés de Biélorussie« . On se veut positif. Il s’agit, ni plus ni moins, de déployer Ethos sur d’autres districts biélorusses touchés par la contamination radioactive.

Ce programme est financé par la Commission Européenne, la France, la Suisse, la Biélorussie et quelques agences onusiennes. Il promeut aussi l’engagement de la « société civile » pour une « réhabilitation durable » dans une  « situation complexe ». Tout ce que les pays comptent comme organismes et associations co-gestionnaires du système politico-économique va être sollicité. Leurs besoins de reconnaissance par les pouvoirs publics devraient aider. D’autant qu’un an plus tôt, en 2002, peu avant le lancement de « Core« , un autre projet européen complémentaire et parallèle est également lancé. Il vise à élaborer un guide de culture radiologique pour le grand public. Son nom, lyrique, est trouvé : « SAGE« . Son objectif : appliquer à l’Europe les recommandations d’Ehos et de Core. Tout est quadrillé à merveille. La population doit rester sage et docile.

Une certaine fraction des élites dirigeantes – avec la complicité ou l’indifférence des autres – est en train d’imposer, de manière si évidente qu’elle en devient aveuglante, une entreprise de domestication comme on en a rarement vu depuis l’avènement de l’humanité (3).

Un aveu derrière le techno-langage et la techno-structure : la catastrophe nucléaire est possible et programmée en Europe

Pour la première fois en Europe, on reconnaît donc officiellement que l’hypothèse d’un accident grave et catastrophique dans une installation nucléaire européenne est possible. Soixante années d’affirmations mégalomaniaques des scientistes nucléaristes et des pouvoirs politiques toutes tendances confondues s’effondrent. Mais peu de gens en feront le constat, trop englués dans le consumérisme, la petite propriété privée, l’infantilisation du père protecteur (État, patron, administration, scientifiques,…) et/ou les bons sentiments du positivisme et du développement personnel prônant la non-conflictualité.

Donc le projet « Sage » se veut participatif pour permettre à tous les acteurs de « se réapproprier le problème de la gestion de leurs futurs ». Comme c’est joliment dit, on dirait presque du Verlaine. C’est un dispositif à double volet : pédagogico-manipulatoire pour habituer les gens au changement des conditions de vie après une catastrophe, et de responsabilisation-culpabilisation pour que les populations prennent conscience de leur rôle actif dans la phase post-accidentelle atomique. De victime vous devenez responsable voire coupable. Fortiches les manipulateurs! Et il y a un autre  hic : le guide du « Sage » ne s’applique étonnamment qu’aux régions rurales (foin des villes qui concentrent des dizaines de milliers voire des millions de personnes) et ne prend en compte la contamination que par un seul radionucléide : le césium 137. Rien sur les autres radio-contaminants qui sont éjectés dans l’atmosphère lors d’une explosion nucléaire et qui sont tout aussi mortels. Qu’à cela ne tienne, on ne va pas s’embêter avec la rigueur scientifique quand même.

La France terrain de jeu de la monstruosité atomique

Ce projet européen « Sage » est alors prolongé en France, en 2005, par un projet sur le retour d’expérience de post-accident nucléaire que les initiés vont appeler « Parex« . Lancé  par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), il est confié étonnamment, qui l’eut cru et encore une fois, au cabinet privé « Mutadis » et au Centre d’Étude sur l’Évaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire (CEPN). « Parex » rassemble des experts ministériels, des agences sanitaires soi-disant indépendantes mais financées par le budget d’État et dont les dirigeants sont nommés par le gouvernement ou ses représentants, des industriels très intéressés à défendre leurs intérêts, des élus locaux dépendant des retombées financières des sites nucléaires et des ONG toujours en mal de reconnaissance et de validation par les pouvoirs publics.

Deux objectifs sont fixés :

. donner la liberté de choix de rester ou non en zone contaminée  (tu parles d’une liberté) et

. faire participer les populations à la reconstruction de la « qualité de vie » (tu parles d’une  qualité de vie en zone contaminée et avec l’épée de Damocles mortelle sur la tête).

« Parex » débouche alors sur la mise en place par l’ASN du sordide Comité directeur pour la gestion de la phase post accidentelle d’un accident nucléaire ou d’une situation d’urgence radiologique (Codirpa) autrement sous-titré « Guide pour vivre sa demi vie en milieu contaminé« .

On présente une situation complètement anormale comme normale. On s’habitue doucement à des évènements inhabituels. On légalise et on normalise la mise en danger de la vie, on s’accommode de l’inadmissible. Des employés de centrales et notamment des sous-traitants contaminés sans mot dire, des populations entières réduites au silence et à la résignation, des rejets chroniques et continuels tolérés et même homologués, des déchets intraitables qu’on transmet, toute honte bue, à ceux qui viendront après. Pour les technocrates nucléaristes et leurs relais politiciens « On peut très bien vivre dans des zones contaminées« . Pas tout à fait comme avant, certes. Mais quand même. Une demi- vie.  » Et cette furie se propage le plus tranquillement du monde. La pollution radioactive la plus nocive, la plus étendue et la plus prolongée, se disséminant dans les airs, plongeant dans les profondeurs de la terre et se diluant sans fin dans les océans, se fond pour ainsi dire avec quiétude dans les mœurs, dans les usages et jusque dans les jurisprudences. » (3)

C. Proust/ Jean Revest

 (1) (Comité directeur pour la gestion de la phase post accidentelle d’une situation d’urgence radiologique)

(2) source : « La France nucléaire » de Sezin Topçu. Ed Seuil 2013

(3) in « Fukushima, Récit d’un Désastre » de Michaël Ferrier, Édition Gallimard 2012, pages 247, 248 »

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Par Rédaction, publié le mardi 24 mars 2020 à 11h47

http://coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/index.php?post/2020/03/24/Nucl%C3%A9aire-%3A-cet-autre-confinement-qui-nous-attend