INCENDIE À BORD D’UN SOUS-MARIN NUCLÉAIRE EN RADE DE TOULON

Un incendie s’est déclaré vendredi 12 juin 2020  à 10h35 à l’avant de l’un des six sous-marins nucléaires d’attaque de l’armée française, le « Perle », en cale sèche dans l’arsenal militaire de Toulon (Var). Une quarantaine d’employés travaillaient à bord quand le sinistre s’est déclenché. Il a fallu quatorze heures aux 250 pompiers et sous-mariniers pour maîtriser le sinistre, parti dans une zone peu accessible du sous-marin. Les compartiments de propulsion atomique n’auraient pas été touchés selon la préfecture maritime de la Méditerranée tandis qu’étaient recherchés« d’autres foyers » éventuels. Tandis que d’importantes fumées noires se répandaient alentours, les autorités affirmaient qu’il n’y aurait pas eu de rejets radioactifs

Vendredi 12 juin 2020  à 10h35, pour une raison encore indéterminée, un incendie s’est déclaré à bord du sous-marin nucléaire d’attaque le « Perle » (un des six sous-marins nucléaires d’attaque de l’armée française) en maintenance majeure depuis plusieurs mois dans le bassin n°3 de la zone Missiessi de la base navale militaire de Toulon (Var). De premières fumées se sont échappées à l’avant, au niveau du pont inférieur, dans une zone peu accessible et difficile d’accès du sous-marin d’attaque. Le feu s’est propagé rapidement. Les équipes à bord – une quarantaine de salariés – ont dû être évacuées. Les soldats du feu ont dû affronter une «violence inouïe» des flammes et effectuer une intervention qui «n’avait rien d’évident», dans une très forte chaleur, des fumées épaisses et par une progression difficile dans les espaces étroits et confinés du sous-marin.

Quelque 250 personnes, dont une centaine de pompiers et des sous-mariniers, ont été mobilisés pour parvenir à maîtriser le sinistre jusque tard dans la nuit de vendredi à samedi, aux alentours de 0h50. Les pompiers du SDIS83 ont été envoyés en renfort. Si selon la préfecture maritime de la Méditerranée, les compartiments de propulsion atomique n’auraient pas été touchés, les dégâts pourraient être irrémédiables. Et des recherches « d’autres foyers » éventuels se sont poursuivis tout au long de l’intervention des spécialistes. Il a fallu quatorze heures pour maîtriser le sinistre en noyant d’eau le bâtiment et en propulsant de la mousse dans les fonds en tranche avant.

Le chantier de réparation et de modernisation du sous-marin nucléaire, entré en bassin en janvier2020 et piloté par Naval Group, devait durer 18 mois. Suspendus pendant deux mois pour cause de confinement covid19, les travaux avaient repris mi-mai avec de nouvelles mesures sanitaires. Lorsque l’incendie s’est déclaré le bâtiment militaire était quasiment désossé, vidé de ses équipements et d’une partie de ses équipements informatiques, sonar, tubes lance-torpille ou batteries.

Le « Perle » entré en service en 1993 est le dernier des six sous-marins nucléaires d’attaque français de type Rubis capable de plonger à plus de 300 m. La mission de ses 70 hommes d’équipage est d’effectuer des missions d’espionnage à proximité de côtes de pays considérés comme ennemis, de débarquer des forces militaires spéciales commandos sur des territoires étrangers, d’escorter le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle ou de traquer des bâtiments considérés comme ennemis. Ce type de sous-marins nucléaires est progressivement remplacé par de nouveaux sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire de type Barracuda (SNA) dont le premier, le Suffren, a été inauguré en juillet 2019 par Emmanuel Macron et a débuté ses essais en mer fin avril 2020.

Pas de combustible nucléaire à bord mais des matériaux forcément radioactifs

La ministre des armées Florence Parly a précisé qu’il n’y avait à bord du Perle « aucun combustible nucléaire, aucune arme nucléaire (missile, torpille, munitions) », qu’aucun blessé n’était à déplorer et que les «compartiments de propulsion n’ont pas été touchés». Pour autant, et si les propos de la ministre s’avèrent exacts (mais peut-on faire confiance à la « grande muette » ?) les matériaux notamment métalliques du sous-marin tout comme le réacteur nucléaire demeurent radioactifs. Même vidé de son combustible nucléaire, le cœur d’un réacteur et les systèmes d’exploitation autour restent des sources de contamination. Et un incendie dégageant des fumées dans ce contexte est inéluctablement porteur de particules toxiques, mortelles. Une enquête judiciaire et des enquêtes techniques ont été lancées, l’inspection générale des armées a été saisie.

Dans les écoles voisines de la base navale les élèves ont donc été « mis à l’abri » quelques temps tandis que des évaluations de pollution significative de l’air liées à l’impact du feu et au risque de toxicité étaient conduites. Le maire de La Seyne-sur-Mer (ville mitoyenne de l’arsenal militaire) et vice-président de la métropole toulonnaise Marc Vuillemot a fait part de la préoccupation de ses concitoyens exposés aux fumées de l’incendie «en ce jour de vent d’Est». Si les balises de mesures de radioactivité installées sur trois sites des environs n’ont pas révélé d’anomalie par rapport au niveau de radiation habituel entre 14h30 et 17 heures, la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (Criirad) en a appelé à la « vigilance » des autorités précisant que « l’absence de combustible (à bord) ne signifie pas qu’il n’y a pas de radioactivité ». D’autant que  «des oscillations de la radioactivité» ont été enregistrées sur une balise à la Seyne-sur-Mer dès les jours précédents l’incendie. Un phénomène qui pose question (2).

Sur la presqu’île de Saint-Mandrier, l’Association pour la protection de l’environnement (APE) a analysé « une montée des valeurs, entre 18h le soir et 1h du matin, en semaine, les jours ouvrables seulement« .  Président de l’APE, Dominique Calmet décrit « un pic d’activité, pour lequel nous n’avons aucune explication« . Le capteur de La Seyne passe d’une mesure moyenne de 60 nanosievert par heure (nSv/h), à des pics pouvant atteindre 108 nSv/h (le 8 juin), ou 139 nSv/h (le 9 juin) (2).

La France poursuit la course à l’armement nucléaire sur fond de conflit mondial

Le sous-marin nucléaire d’attaque « Saphir » de la classe Rubis a été retiré du service fin juin 2019. Les cinq autres devraient suivre au fil de la prochaine décennie. Mais cela ne veut pas dire que la France se désarme loin sans faut. La classe Rubis déplaçait 2700 t, alors que la nouvelle classe de sous-marins d’attaque Barracuda peut en déplacer le double, c’est-à-dire 5400 t et permettra d’embarquer des femmes dans l’équipage.

Les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) actuels disposent de missiles et de torpilles anti-navires. Le nouveau « Suffren » de la classe Baracuda disposera en plus de missiles de croisière navals (MdCN), pouvant être tirés sur des cibles terrestres considérées comme ennemies alors qu’il est immergé à près de 1000 km de ladite cible militaire ou civile.  Un propulseur sous-marin embarqué (sorte de petit sous-marin de poche) permet également de transporter des nageurs de combat (commandos Hubert ou d’espionnage de la Direction générale de la sécurité extérieure DGSE) jusqu’aux rivages pour mener des opérations clandestines guerrières d’attaques et d’espionnage.

Les SNA (sous-marins nucléaires d’attaque) ne remplacent pas les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) mais viennent les compléter. Ces derniers restent tapi, en silence, du début jusqu’à la fin des patrouilles et ne trahissent leur présence que lorsque l’ordre de tir d’un missile de mort nucléaire sur un pays est donné.  Ce type d’arme a vocation à durer quarante ans et il est envisagé que, dans un futur proche, un SNA Barracuda puisse mettre à l’eau d’autres petits sous-marins, des robots ou des drones sous-marins, allant marauder à côté d’une flotte adverse. Un spécialiste précise même « On peut aussi imaginer qu’un drone multi-milieux parte du sous-marin en plongée, arrive à la surface, déploie un système de propulsion aérien et fasse de la reconnaissance à plusieurs dizaines de kilomètres, sans que le sous-marin ait à s’immerger lui-même« .

Quatre pays possèdent officiellement des sous-marins à propulsion nucléaire : la France, les États-Unis, la Russie et la Chine. Pour autant la prolifération sous-marine de guerre prolifère avec des sous-marins militaire lancés par le Pakistan, l’Inde, la Malaisie ou encore le Chili. À ce jour la France compte dix sous-marins à propulsion nucléaire: 4 sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) des missiles nucléaires et 6 sous-marins d’attaque (SNA).

Notes

(1) Le Perle est sous la responsabilité du Service de soutien de la Flotte (SSF) qui en est l’exploitant tandis que Naval Group en est le maître d’œuvre et responsable de la mise en œuvre opératoire.

(2) Les balises du réseau Teleray situées à Toulon, Toulon Arsenal et la Seyne sur Mer donnent en quasi direct les résultats de mesure du taux de radiation gamma ambiant. Alors que les vents soufflaient ce 12 juin entre 12h et 17h globalement d’est en ouest en rade de Toulon, la sonde de la Seyne-sur-Mer était sous les vents.

Partagez !

Par Rédaction, publié le dimanche 14 juin 2020 à 23h06

http://coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/index.php?post/2020/06/14/Incendie-d-un-sous-marin-nucl%C3%A9aire-SNLE-en-rade-de-Toulon