Emmanuel Macron doit apporter une première réponse au travail remarqué des 150 citoyens de la CCC. Un rapport salué par de nombreux défenseurs du climat, malgré plusieurs oublis primordiaux, selon certains d’entre eux.
Emmanuel Macron peut remercier les Citoyens de la Convention pour le Climat. Ils viennent de lui apporter sur un plateau vert-argenté la possibilité de faire passer les résultats des élections municipales (désastreux pour la majorité) au second plan, mais également la chance de respecter rapidement sa promesse de réinvention.
Le tout avec un rapport de 149 propositions saluées par les ONG spécialistes de la défense de l’environnement, fracassées par les responsables conservateurs de droite et d’extrême droite. Le président doit apporter ce lundi 29 juin, une première réponse à ces idées, qui vont de la rénovation thermique à la limitation de la vitesse en passant par la fin programmée des véhicules ultra-polluants.
Mais avant cela, et malgré ce large “projet de société” décrit avec gourmandise par certains responsables politiques écolos, d’autres défenseurs de la question climatique pointent d’emblée plusieurs grands absents. Au premier rang desquels la question de l’énergie nucléaire.
“Un trou béant dans le rapport”
“Il y a beaucoup de choses en commun avec notre propre programme l’Avenir en commun. L’idée de rénover tous les bâtiments et de mettre un terme aux passoires thermiques, ça, c’est très bien”, a par exemple salué Jean-Luc Mélenchon dès dimanche 21 juin sur LCI, quelques heures après le vote final des citoyens sur leurs mesures. Mais le patron des députés de la France insoumise d’immédiatement préciser: “j’ai déjà repéré deux trois petites choses qui me font chagrin. Il n’y a rien sur les conduites d’eau alors que l’on perd 20% d’eau dans ce pays et il n’y a rien sur le nucléaire.”
″Ça ne nous convient pas beaucoup parce que je crois que le nucléaire est un vrai problème qui se pose à notre pays où nous avons 59 réacteurs”, précisait, toujours sur la chaîne d’infos, celui qui appelait lors de la présidentielle 2017 à “sortir du nucléaire.”
Même constat chez Europe Écologie les verts. Le parti écolo soutient “l’ensemble des mesures” portées par les citoyens mais regrette également “l’absence de la taxe carbone (…) ainsi que l’oubli du nucléaire dans le volet énergie.” “C’est un trou béant dans le rapport”, cingle même Arnaud Gossement, l’avocat spécialiste du droit de l’environnement, contacté par Le HuffPost.
Pas un “levier majeur” pour la Convention
“L’énergie nucléaire représente 75% de la production d’électricité en France. Cette question est une question essentielle et ne pas l’aborder compromet l’analyse comme tout le reste du rapport de la Convention Climat”, regrette-t-il avec cet exemple: “quels moyens pour la Transition écologique alors que le nucléaire pèse déjà beaucoup sur le budget?”
Du côté de la Convention Citoyenne pour le Climat, la réponse est assez claire: si “les 150” n’ont pas fait de propositions sur cette question épineuse, c’est parce qu’elle ne concernait pas leur mandat. Pour rappel, ces Français tirés au sort -et volontaires- ont été installés par l’exécutif au sortir de la crise des gilets jaunes pour, précisément, “définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.”
Or, la question du nucléaire n’était pas un “levier” primordial pour répondre à cette question croit-on savoir à la Convention. “La spécificité de la France est d’avoir un modèle électrique décarboné. Les citoyens n’ont pas forcément agi sur le nucléaire dans la mesure où l’électricité n’était pas un levier majeur pour répondre à leur mandat, par rapport à l’agriculture ou l’industrie par exemple”, nous explique-t-on du côté de l’organisation. Même si on reconnait que le nucléaire pose d’autres problèmes en termes de “santé” ou de “déchets.”
D’autres absents?
Une explication qui ne convainc pas Arnaud Gossement. “Dire qu’on peut faire l’économie de ce débat est une thèse, et c’est ce qu’on appelle la thèse de l’économie nucléaire. Mais ça reste une thèse qu’on aurait pu vérifier”, explique-t-il au HuffPost, alors que la fermeture polémique de la centrale de Fessenheim doit intervenir dans la nuit. Comme un hasard du calendrier.
L’organisation de la Convention, elle, atteste que le sujet a été “traité”, mais par un autre biais que le débat consistant à se prononcer pour ou contre les centrales nucléaires. “Il y a des propositions pour renforcer la recherche, développer les énergies renouvelables et l’autoconsommation pour que les particuliers et les petites entreprises puissent avoir un accès à l’énergie photovoltaïque par exemple”, nous explique-t-on.
Et la taxe carbone? En 149 propositions et de nombreuses pages de rapport, la Convention Citoyenne ne fait mention de la taxe carbone qu’à deux reprises. Aucun retour de cette mesure n’est prévu, malgré son efficacité selon de nombreux spécialistes de la question environnementale. En raison notamment de son caractère potentiellement explosif, les citoyens privilégient l’éventualité d’une taxation aux frontières de l’Union européenne.
Ce qui agace Arnaud Gossement. ”Ça ne veut rien dire. Il n’y aura pas de majorité européenne sur la question. Il n’y en a jamais eu. Il faut que l’État mette en place cette taxe carbone pour montrer l’exemple”, estime le spécialiste. La balle est désormais dans le camp du président de la République. Et s’il allait plus loin que la Convention Citoyenne?
Par Anthony Berthelier, publié le 29/06/2020 à 04h29 CEST
https://www.huffingtonpost.fr/entry/convention-climat-pourquoi-le-nucleaire-est-il-le-grand-absent_fr_5ef88fcbc5b6ca970910e475
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