Les coupures d’électricité de l’été relancent le débat sur la transition énergétique très avancée dans l’État le plus peuplé du pays. Elles mettent en avant les besoins en stockage d’électricité pour faire face à l’intermittence de l’énergie solaire. La batterie la plus puissante au monde vient d’être installée à San Diego.
LS Power n’aurait pas pu rêver d’un plus beau coup de projecteur. Une semaine après que l’État de Californie a coupé le courant à des centaines de milliers de personnes à cause d’une production insuffisante d’énergie, l’énergéticien a annoncé que la batterie la plus puissante au monde, inaugurée à San Diego mi-juillet, pouvait désormais charger et décharger 230 mégawatts par heure. Un record qui dépasse celui de Tesla en Australie et qui représente à lui seul plus que l’ensemble des batteries connectées au réseau électrique de la Californie jusqu’ici.
La société new-yorkaise va construire une autre méga batterie de 200 mégawatts dans la baie de San Francisco. Ce type de technologie capable de stocker les énergies renouvelables lorsqu’elles sont abondantes et de fournir de l’électricité pendant les pics de demande est vue comme clé pour éviter les « black-out » que la Californie a subis mi-août.
Stocker les énergies renouvelables
Une fois le soleil tombé, l’opérateur du réseau s’est retrouvé sans suffisamment d’énergie solaire pour faire face à la hausse de la demande d’air conditionné à cause de la canicule . Ses recours habituels n’ont pas fonctionné : les États voisins, confrontés à la même vague de chaleur et donc à la même utilisation d’air conditionné, n’ont pas pu exporter vers elle autant que d’habitude. En outre, la sécheresse de l’hiver, provoquée elle aussi par le changement climatique, avait réduit la production hydroélectrique. Et trois centrales au gaz naturel n’ont pas fonctionné. La cause n’est pas connue mais les experts estiment que la forte température est probablement responsable.
Les critiques n’ont pas tardé à réagir, accusant la Californie d’avoir trop misé sur l’énergie solaire, intermittente par nature, au détriment de sources constantes mais plus polluantes. « Les démocrates sont incapables de faire face à la demande d’énergie […] Le Green New Deal de Bernie/Biden/AOC (la parlementaire Alexandria Ocasio-Cortez, NDLR) appliquerait les politiques ratées de la Californie à chaque Américain ! », a tweeté Donald Trump la semaine dernière.
Réseau décarboné à 100 % en 2045
Un diagnostic rejeté par les autorités du Golden State. « L’énergie renouvelable n’a pas causé les coupures […] Avoir une énergie propre et fiable, ce n’est pas un objectif contradictoire », a réagi l’opérateur du réseau CAISO. L’État ne compte pas freiner ses ambitions écologiques visant à atteindre un réseau électrique décarboné à 60 % d’ici à 2030 et à 100 % d’ici à 2045. Au cours des cinq dernières années, il a retiré 9 gigawatts de capacité électrique en fermant plusieurs centrales au gaz naturel , qui alimentaient 6,8 millions de foyers.
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Afin de compenser, les autorités ont ordonné l’ajout de 3,3 gigawatts de capacité aux fournisseurs d’électricité d’ici à 2023, principalement sous la forme de batteries géantes connectées au réseau. Seuls 500 mégawatts de batteries sont actuellement installées et 12 gigawatts seraient nécessaires au total. Avec un prix de 400 dollars par kilowattheure, l’effort pourrait coûter 19 milliards de dollars à l’État, selon Moody’s.
Batteries pour particuliers
Des fabricants de batteries pour particuliers et entreprises mettent en avant une autre approche, plus décentralisée, avec des programmes incitant chacun à libérer l’énergie stockée dans leurs batteries en cas de pic, en échange d’une compensation financière. Sunrun, le numéro 1 résidentiel des panneaux solaires , vient de démarrer une expérimentation en juin pour fournir de l’énergie de cette manière à Southern California Edison en cas de pic. Les résidents reçoivent 250 dollars en échange. Reste que le coût d’installation d’une batterie, entre 5.000 et 6.000 dollars avec les aides fiscales, en plus des panneaux solaires, décourage encore beaucoup d’individus.
Fin du nucléaire en 2025
Face à ce décalage entre fermeture de centrales aux énergies fossiles et déploiement de batteries, certains appellent l’État à renoncer à l’abandon du nucléaire. Après les craintes suivant l’accident de Fukushima, le régulateur a approuvé la fermeture de Diablo Canyon, la dernière centrale nucléaire de l’État, en 2025. Celle-ci génère près de 10 % de l’électricité de Californie avec zéro émission de CO2.
Autre piste : encourager à consommer moins d’électricité. Cette solution a permis d’éviter des coupures encore plus importantes la semaine dernière. Certaines sociétés se placent désormais sur ce créneau, comme OhmConnect, qui se targue d’avoir réduit la demande de 150 mégawatts l’année dernière en rémunérant ses 150.000 clients pour couper l’électricité à des heures de pic et en gérant la consommation de leurs appareils. La start-up promet de réduire la demande de 600 mégawatts d’ici à l’été prochain et d’éviter ainsi les black-out.
Par Anaïs Moutot, publié le 24 août 2020 à 12h08, mis à jour le 24 août 2020 à 15h34
Photo en titre : L’énergéticien LS Power a annoncé que la batterie la plus puissante au monde, inaugurée à San Diego mi-juillet, pouvait désormais charger et décharger 230 mégawatts par heure. (REUTERS/Mike Blake)
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