L’embargo de l’ONU sur les ventes d’armes à l’Iran ne sera pas prolongé ce vendredi, malgré les pressions de Donald Trump. Washington était isolé sur cette question face aux autres membres permanents du Conseil de sécurité. Ce revers n’aura toutefois pas de grandes conséquences concrètes.
Un revers, prévisible, pour l’administration Trump dans le dossier du nucléaire iranien. Les États-Unis n’ont pas réussi à convaincre les autres membres du Conseil de sécurité de l’ONU de prolonger ce vendredi un embargo sur les ventes d’armes à l’Iran. L’accord dit JCPOA de juillet 2015 prévoyait que cet embargo tomberait automatiquement le 18 octobre 2020, mais le président américain voulait empêcher cette clause de jouer.
Les Européens sur la même ligne
Sans succès. Les États-Unis, peu légitimes pour s’exprimer dans ce dossier puisqu’ils se sont retirés du JCPOA en mai 2018, se sont vus signifier en août dernier par leurs alliés occidentaux signataires du traité, Paris, Berlin et Londres, qu’il n’était pas question d’y renoncer. Cet accord prévoyait en effet que Téhéran gèle son programme nucléaire en échange d’une levée progressive des sanctions internationales. Il ne tient toutefois plus qu’à un fil , puisque Téhéran s’est affranchi de certaines de ses contraintes en matière d’enrichissement d’uranium, en représailles à la décision de Donald Trump.
Cette convergence entre Européens face à Trump n’allait pourtant pas de soi pour Londres, « en plein Brexit et qui entretient une relation spéciale, pour raisons historiques, avec Washington », souligne Sanam Vakil, du think tank Chatham House. Moscou et Pékin, quant à eux, sont impatients de reprendre leurs livraisons d’armes à leur allié perse dans le Golfe persique.
Pas de bouleversement
« Il ne s’agit pas d’une défaite historique pour Washington, comme le prétend Téhéran, mais de la conséquence du fait que sur ce dossier, les États-Unis se sont isolés tout seuls », souligne Denis Bauchard, spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales. Ce revers pour Donald Trump ne constitue pas pour autant un bouleversement, « puisqu’il était acquis depuis août que l’Iran achetait déjà des armes à la Russie et à la Chine du moment qu’elles étaient jugées défensives, mais on sait combien ce concept est élastique. Le seul véritable «game changer» serait que l’Iran puisse de nouveau exporter son pétrole ».
Si la suspension de l’embargo représente un échec pour Donald Trump, l’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis le 4 novembre pourrait-elle changer la donne? Pas autant qu’on le dit, tempère Denis Bauchard, pas certain que le candidat démocrate « ramènerait rapidement son pays dans le JCPOA, qu’il veut ‘améliorer’ et dont il faut rappeler, au demeurant, que la mise en œuvre en 2016 était déjà laborieuse ». Même en admettant, ce qui serait optimiste, que Washington et Téhéran se rassoient à une table de négociations en 2021, le pays ne se rouvrirait pas de sitôt aux entreprises occidentales.
Ces dernières avaient d’ailleurs commencé à perdre du terrain en Iran avant même les menaces américaines de punir celles qui continueraient à faire commerce avec Téhéran, souligne Azadeh Zamirirad, de l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité. Selon elle, « la question de la sécurité juridique en Iran est prioritaire pour les entreprises européennes. D’ailleurs, l’an passé, les principaux fournisseurs de l’Iran étaient la Chine, la Turquie et les Émirats arabes unis ».
Par Yves Bourdillon, publié le 16 oct. 2020 à 16h00
Photo en titre : Des techniciens s’activent pour la construction du réacteur nucléaire à eau lourde, à Arak, censé produire de l’électricité non loin de Téhéran. (Atomic Energy Organization of Iran via AP/SIPA)
https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/revers-sans-surprise-pour-trump-face-a-teheran-1256538
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