CORÉE DU NORD : BIDEN DEVRAIT PASSER À UNE DIPLOMATIE PLUS PRUDENTE ET CONVENTIONNELLE AVEC LE NORD

SÉOUL, 08 nov. (Yonhap) — Le président élu des États-Unis, Joe Biden, devrait réorienter la diplomatie nucléaire américaine avec la Corée du Nord vers une approche plus prudente et plus conventionnelle, bien que son cap politique puisse dépendre en grande partie du plan d’action futur de Pyongyang, ont déclaré des analystes.

Biden devrait s’éloigner de la diplomatie peu orthodoxe du président Donald Trump marquée par un engagement direct avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, mais pourrait ne pas reproduire la politique passive de «patience stratégique» de l’ère Barack Obama en raison de l’évolution des menaces militaires nord-coréennes, ont-ils estimé.

La gamme diplomatique du nouveau président prendra concrètement forme après un examen politique de plusieurs mois et la formation de son équipe de sécurité et des affaires étrangères. Une période de vulnérabilité pendant laquelle le Nord pourrait mener des provocations pour se placer au sommet de la liste des priorités de Biden, déjà bien remplie par la pandémie de nouveau coronavirus (Covid-19) et les tâches économiques.

«Biden est très susceptible de revenir à une approche traditionnelle vis-à-vis du Nord qui soulignerait l’importance des discussions de travail à partir desquelles il chercherait des progrès dans l’élaboration d’une feuille de route pour la dénucléarisation avant d’accepter les pourparlers au sommet», a analysé Park Won-gon, professeur de politique internationale à l’université Handong.

«Mais je prévois que cela dépendra beaucoup des réponses de la Corée du Nord qui a déjà déclenché des provocations lors de la prise de fonction d’une nouvelle administration à Washington. Les provocations compliqueraient les choses», a-t-il ajouté.

Dans une contribution pré-électorale à l’agence de presse Yonhap, Biden a déclaré qu’il continuerait à faire pression pour une Corée du Nord dénucléarisée par le biais d’une «diplomatie de principe».

Ses remarques signalaient son désir d’une formule de négociation soigneusement réfléchie pour s’éloigner de la tactique dure, et parfois décousue, de Trump pour parvenir à un accord majeur grâce à des sommets organisés sans préparation approfondie de niveau opérationnel.

L’inclination de Biden pour une nouvelle approche a été pleinement illustrée lors du débat présidentiel du mois dernier avec Trump, durant lequel il a accusé le président républicain d’avoir «légitimé» le Nord.

Biden a cependant exprimé son intention de rencontrer Kim à la condition qu’il «réduise sa capacité nucléaire», plutôt que de la démanteler, dans des remarques qui ont apaisé les craintes qu’il pourrait placer la barre trop haut pour un sommet tout en adoptant une attitude attentiste jusqu’à ce que Kim manifeste son désir de se dénucléariser.

«La mention par Biden d’une telle condition faciliterait le retour au dialogue de Pyongyang», a estimé Kim Tae-hyun, professeur de diplomatie à l’université Chung-Ang, notant que le Nord en difficulté économique accueillerait favorablement toute initiative de conciliation de Washington.

Cependant, créer l’environnement favorable à un échange entre Biden et Kim relève de la gageure, le président élu ayant qualifié le chef du Nord de «voyou» et les médias de Pyongyang l’ayant décrit comme un «chien enragé».

Certains ont évoqué la possibilité que Biden ressasse la politique nord-coréenne d’Obama, parfois qualifiée d’«ignorance stratégique» ou de «virgule stratégique». Mais d’autres pensent que les capacités militaires croissantes du Nord inciteraient les États-Unis à adopter une posture plus proactive.

Obama s’est tourné vers une politique passive après que le Nord a tiré un missile à longue portée en violation de l’accord «Leap Day» de 2012, en vertu duquel Washington a accepté de fournir une aide alimentaire en échange du moratoire de Pyongyang sur les essais nucléaires et balistiques.

Néanmoins, les menaces nucléaires du Nord sont maintenant trop importantes pour que Washington puisse les écarter, ont noté les spécialistes, faisant craindre que l’inaction ne conduise Pyongyang à amplifier ses bravades sécuritaires face aux États-Unis et à ses alliés, d’une manière susceptible de semer le doute sur le leadership américain en matière de sécurité.

Au cours du défilé militaire du 10 octobre marquant le 75ème anniversaire de la fondation du Parti du travail au pouvoir, Pyongyang a présenté ce qui semblait être un nouveau missile balistique intercontinental plus grand, ainsi qu’un missile mer-sol balistique stratégique, dans un nouveau signe d’amélioration de ses technologies militaires malgré l’engagement de Trump.

La formulation de la politique de l’équipe Biden dépendra fortement du plan d’action du pays communiste, qui devrait inclure des provocations majeures telles qu’un test de missiles à longue portée visant à mettre à l’épreuve la nouvelle administration américaine.

Aux prises avec une série de défis, tels que les dommages causés par les typhons et les inondations de cette année, ainsi que les rudes sanctions internationales, le Nord pourrait s’abstenir de toute escalade de provocation qui briserait l’élan du dialogue.

Cependant, les perspectives optimistes ont été éclipsées par les conditions lourdes du Nord pour la reprise des négociations nucléaires, c’est-à-dire la suppression par les États-Unis de «tous les obstacles» qui menacent la sécurité du Nord et entravent son développement.

«Pyongyang devrait abaisser son seuil de négociation», a souligné Nam Chang-hee, professeur de politique internationale à l’université Inha. «Le Nord a parlé d’autonomie, mais au milieu des difficultés économiques, il pourrait être enclin à saisir toutes les opportunités diplomatiques de Washington

Une coordination étroite entre Séoul et Washington pourrait également être une variable clé susceptible d’affecter l’orientation politique de la nouvelle administration américaine, les analystes mettant en garde contre d’éventuelles divergences politiques entre les alliés.

L’administration sud-coréenne du président Moon Jae-in a favorisé l’approche descendante de leader à leader envers le Nord, mais le gouvernement démocrate de Washington pourrait opter pour une approche de travail à partir de la base.

Séoul recherche également une déclaration de fin officielle de la guerre de Corée (1950-1953) comme un moyen de créer un nouvel élan pour faire avancer les négociations nucléaires avec Pyongyang. L’administration Biden pourrait néanmoins exiger un signe clair de la volonté de Pyongyang de se dénucléariser avant d’accepter la déclaration.

Un obstacle majeur à l’engagement des États-Unis avec le Nord pourrait également provenir de sa rivale stratégique, la Chine, alors que les tensions géopolitiques croissantes entre les grandes puissances pourraient compromettre leur coopération pour persuader le Nord de renoncer à son programme nucléaire.

Par , publié le 08.11.2020 à 12h14

Photo en titre : Le président élu des États-Unis, Joe Biden, lors de sa campagne électorale. (AFP=Yonhap)

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