POINT DE VUE : VERS UN MONDE SANS ARME NUCLÉAIRE ?

Après une campagne internationale, citoyenne et de diplomatie scientifique d’une dizaine d’années, le Traité International d’Interdiction des Armes Nucléaires a passé le cap des 50 États signataires. C’est ce vendredi 22 janvier qu’il entre en vigueur. Le point de vue d’Émilie Gaillard, maîtresse de conférences en droit privé, spécialiste du droit de l’environnement.

Mus par une utopie de l’avenir, celle-là même qui instinctivement cherche à faire prévaloir l’impératif de sécurité de l’Humanité et de l’environnement, des États se sont ralliés en 2017 autour d’un Traité International d’Interdiction des Armes Nucléaires (le TIAN). L’objectif ? Rendre les armes nucléaires illégales au regard du droit international.

Après une campagne internationale, citoyenne et de diplomatie scientifique d’une dizaine d’années, le TIAN a passé le cap des 50 États signataires, chiffre nécessaire pour en concrétiser son entrée en vigueur en droit international. C’est ce vendredi 22 janvier qu’il entre en vigueur, un jour assurément historique. Pour l’intense campagne de plaidoyer réalisée jusqu’à l’adoption de ce traité, le prix Nobel de la paix a été décerné en 2017 à ICAN International, véritable coalition mondiale regroupant les initiatives mondiales qui ont porté ce pari fou d’interdire les armes nucléaires ! Non moins de 122 pays sur les 193 représentés à l’ONU ont signé ce traité en 2017.

Changer d’ère et d’assurer la survie de l’Humanité

Composé de 20 articles, ce traité vise à instituer un avenir libre de tout recours aux armes nucléaires en raison des risques incommensurables qu’elles font courir à la sécurité de l’Humanité. Le moment est venu de changer d’ère et d’assurer la survie de l’Humanité, sa sécurité alimentaire ainsi que l’intégrité de l’environnement. Cette ère nouvelle est celle de la prise de conscience de notre responsabilité envers les générations actuelles et futures, quelle que soit leur nationalité, quelle que soit leur date de naissance, sans discrimination de temps ni de lieux.

Les rares Hibakushas, ces victimes de l’emploi des armes nucléaires au Japon, ont libéré leur parole et sillonnés parfois les mers à bord du bateau Peace Boat pour témoigner de l’horreur de la bombe. Aux vétérans de la bombe se succèdent de nouvelles générations d’Hibakushas dit de la seconde et de la troisième génération relayant la mémoire d’un passé traumatique trop longtemps enfoui.

Le spectre de la bombe nucléaire

Le spectre de la bombe nucléaire fait également ressurgir d’anciens essais réalisés par les États nucléaires. Ce sarcophage nucléaire aux îles Marshall pour lequel le Congrès américain a demandé en 2002 une enquête en vue de la montée prévisible des eaux et des risques transgénérationnels et environnementaux que représenterait l’immersion de cette décharge nucléaire située à 3 600 kilomètres au nord de la Nouvelle-Calédonie. Ces lieux d’essais nucléaires atmosphériques ou tout-terrain qui ont conduit à une pollution éternelle à échelle de vies humaines. La Polynésie Française porte les stigmates de cette époque désormais révolue où la sécurité et la grandeur de la France étaient synonymes de détention de l’arme nucléaire. Les lagons de Mururoa et de Fangataufa sont non seulement déstabilisés mais également en voie de s’affaisser. Le désert d’Algérie portera également les stigmates de cette course folle à la détention d’une arme de destruction massive et transgénérationnelle. Le record mondial d’essais nucléaires est détenu par les États-Unis dans le désert du Nevada : 928 essais y ont été réalisés. Lourd est le tribut transgénérationnel porté également par les Kazaks, qui souffrent et souffriront encore des effets sur leur patrimoine génétique (456 tests nucléaires menés en secret).

Le droit de naître dans une Terre non contaminée

« Le droit à la vie c’est également le droit de naître dans une Terre non contaminée, une Terre libre de pollutions qui mettent en danger l’intégrité de l’Humanité et des générations futures. Le moment est venu d’adopter une nouvelle génération de droits : des droits et des devoirs transgénérationnels. À commencer par le droit de l’Humanité à une vie pérenne sur Terre. »

Par Émilie Gaillard, maîtresse de conférences en droit privé,… publié par Ouest-France le 21/01/2021 à 08h01

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Photo en titre : Un missile Titan, en Arizona, aux États-Unis, en février 2019. Nicole Neri, Reuters | REUTERS

https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/point-de-vue-vers-un-monde-sans-arme-nucleaire-7125648