Le découpage d’EDF en trois sociétés fait l’unanimité contre lui. Les appels à la grève pour obtenir le retrait du texte se multiplient.
Face au camaïeu qu’est en passe de devenir EDF, les personnels voient rouge. Mardi dernier, ils étaient en grève pour un tiers d’entre eux, après l’avoir été dans les mêmes proportions en novembre et en décembre. Et ils le seront à nouveau jeudi, à l’appel de la CGT. Prévu pour 2022, le projet Hercule fait l’unanimité contre lui, des syndicats comme des oppositions. Il prévoit de découper le fleuron français de l’énergie en trois sociétés indépendantes : EDF Bleu, contrôlée par l’État et rassemblant les activités liées au nucléaire ; EDF Vert, ouverte à la concurrence et spécialisée dans la fourniture, la distribution d’électricité et les énergies renouvelables ; et enfin EDF Azur, chargée de la gestion des installations hydroélectriques sous la forme d’une quasi-régie.
Une volonté de poursuivre la libéralisation du secteur
Cette scission est présentée par l’État et Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF, comme une contrepartie à la refonte tarifaire négociée depuis des mois avec la Commission européenne. Car EDF, en mal de capitaux, revend à ses concurrents l’électricité produite par ses centrales à un prix inférieur à son coût de revient. Un « deal » que balayent les syndicats. « Hercule n’est pas une demande de la Commission européenne« , assure Sébastien Michel, secrétaire fédéral Énergie-Pétrole à la CFDT. L’interfédérale d’EDF, qui rassemble les quatre organisations (CGT, FO, CFE-CGC, CFDT), y lit plutôt une volonté d’Emmanuel Macron, déjà affichée quand il était ministre de l’Économie sous le mandat de François Hollande, de poursuivre la libéralisation du secteur amorcée avec le marché du gaz.
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« Cette découpe, c’est la touche finale, tempête Philippe Page Le Mérour, secrétaire du Comité social et économique central (CSEC) d’EDF. Les activités qui rapportent sont données aux investisseurs et celles qui nécessitent des financements lourds, l’État les garde! » Pour Sébastien Michel, « on nationalise les pertes et on privatise les gains« .
Des élus mobilisés
Depuis mi-décembre, la fronde a pris une dimension politique. Alertés par l’interfédérale, de nombreux députés, de droite comme de gauche, s’inquiètent des conséquences de ce « démantèlement« . Notamment sur les prix, la couverture du réseau et la péréquation tarifaire entre zone rurale et urbaine. Valérie Rabault, cheffe de file des socialistes à l’Assemblée nationale, s’apprête à déposer une proposition de référendum d’initiative populaire (RIP) contre le projet. Furieux de ne pas être consultés, les parlementaires, tel le communiste Sébastien Jumel, multiplient les rencontres avec les agents en grève. Une pétition pour exiger le retrait du texte a recueilli 31.000 signatures.
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Jeudi, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui représente plus de 800 collectivités territoriales, a aussi sonné le tocsin. « Je doute qu’il y ait encore quelqu’un qui soutienne ce projet, sourit Hélène Lopez, présidente de la CFE-CGC Énergies, tant il risque d’entraîner une désoptimisation au profit d’une logique actionnariale contraire à l’intérêt général et à la lutte contre le réchauffement climatique. » Auditionnée le 4 février par les députés, Barbara Pompili, ministre chargée du dossier, aura fort à faire pour convaincre qu’il ne s’agit pas de transformer EDF en colosse aux pieds d’argile.
Par Emmanuelle Souffi, publié le 24 janvier 2021
Photo en titre : © Reuters. Le découpage d’EDF en trois sociétés fait l’unanimité contre lui. Les appels à la grève pour obtenir le retrait du texte se multiplient
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