L’Autorité de sûreté nucléaire valide l’exploitation des réacteurs nucléaires de 900 MW au-delà de quarante ans de fonctionnement. Mais d’importants travaux devront être menés par EDF pour obtenir le feu vert final pour chaque réacteur.
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a publié, le 23 février, sa décision sur l’exploitation au-delà de 40 ans des réacteurs nucléaires de 900 MW. Elle donne ainsi son feu vert de principe, sur la base des travaux prévus par l’exploitant EDF (le « Grand carénage ») et des prescriptions qu’elle-même fixe pour assurer la sûreté des installations.
La décision finale sera prise au cas par cas, après la quatrième visite décennale de chaque réacteur, qui permet d’évaluer les conditions de la poursuite de fonctionnement de l’installation pour les dix ans qui suivent. Le réacteur 1 de Tricastin (Drôme) devrait être le premier à être fixé sur son sort, au plus tard en 2022.
Greenpeace regrette que cette publication intervienne seulement un mois après la clôture de la concertation publique. « Ce délai très court confirme que cette consultation était de pure forme », analyse l’ONG, qui regrette que des demandes spécifiques de sécurité et de sûreté, formulées par des ONG ou des experts indépendants, n’aient pas été prises en compte. Et de citer l’exemple de la bunkérisation des piscines d’entreposage des combustibles usés. « La mise à niveau des réacteurs de 900 MW ne permet pas d’atteindre les exigences fondamentales de sûreté découlant des règles actuellement en vigueur, tant en France que sur le plan international », estime Greenpeace.
Des décisions au cas par cas jusqu’en 2031
Au total, 32 réacteurs sont concernés : ceux de la centrale du Bugey (Ain), du Blayais (Gironde), de Chinon (Indre-et-Loire), de Cruas (Ardèche), de Dampierre-en-Burly (Loiret), de Gravelines (Nord), de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) et de Tricastin (Drôme). Ce sont les plus anciens en fonctionnement en France. « Leur quatrième réexamen périodique revêt une importance particulière puisqu’il avait été retenu, lors de leur conception, une hypothèse de 40 années de fonctionnement. La poursuite au-delà de cette période nécessite une actualisation des études de conception ou des remplacements de matériels », indique l’ASN. Elle liste, dans son avis, l’ensemble des examens et améliorations de sûreté que devra réaliser EDF avant la quatrième visite décennale.
Des mises à l’arrêt avant ? Tous ces réacteurs fonctionneront ils jusqu’à leurs cinquante ans ? La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit la fermeture, d’ici 2035, de 14 réacteurs de 900 MW, dont les deux de Fessenheim qui ont déjà été mis à l’arrêt. Ces fermetures devraient s’échelonner de 2027 (voire 2025-2026 selon la sécurité du système électrique) à 2035.
Cependant, EDF propose un autre calendrier : la mise à l’arrêt de deux réacteurs par site, lorsqu’ils parviennent à 50 ans, c’est-à-dire en 2029-2030 à Bugey, 2030 à Tricastin, 2030-2031 à Gravelines et à Dampierre, 2031 et 2033 au Blayais, 2034 à Chinon et 2034-2035 à Cruas.
« Ces prescriptions seront ensuite appliquées réacteur par réacteur, lors de leur quatrième réexamen périodique programmé jusqu’en 2031. Il sera alors tenu compte des particularités de chacune des installations ». EDF devra rendre compte annuellement de la réalisation de ces prescriptions, « ainsi que de sa capacité industrielle et de celle des intervenants extérieurs à réaliser dans les délais les modifications des installations ».
Assurer la fiabilité des systèmes de secours
Tout d’abord, EDF devra s’assurer que ses anciens réacteurs sont conformes aux exigences de sûreté applicables aujourd’hui. Plusieurs essais devront être menés pour vérifier le fonctionnement des différents systèmes de secours en cas de situation exceptionnelle (alimentation des générateurs de vapeur, groupes électrogènes, système de ventilation des équipements électriques, système d’aspersion d’eau dans l’enceinte de confinement en situation accidentelle).
En cas de perte de réfrigérant primaire, l’énergéticien devra également vérifier la fiabilité de la fonction de recirculation de l’eau présente en fond du bâtiment du réacteur. Différentes vérifications et modifications devront être réalisées sur les tuyauteries primaires et les fonds primaires des générateurs de vapeur. Des prescriptions concernent aussi la marge de puissance attendue pour les groupes électrogènes de secours (au moins 5 %) et le dispositif de surveillance du confinement de l’enceinte.
Rehausser les paramètres pour les risques naturels et accidentels
EDF devra retenir, dans son référentiel « grands chauds », des températures extrêmes associées à la canicule « intégrant l’évolution climatique jusqu’au réexamen périodique suivant. Cette évolution climatique tient compte des tendances climatiques correspondant à une région pertinente pour le site concerné », précise l’ASN. L’exploitant devra notamment assurer sa capacité à faire face à une situation de perte totale des alimentations électriques en situation de température élevée.
Concernant l’aléa sismique, EDF devra identifier les systèmes, structures et composants devant être renforcés pour assurer la tenue du noyau dur et mettre en œuvre les modifications nécessaires. Pour prendre en compte les incertitudes liées à certains sites, l’exploitant devra étudier la prise en compte de niveaux d’aléa sismique encore plus élevés pour les centrales du Blayais, du Bugey, de Chinon, de Cruas et de Tricastin.
EDF devra aussi se pencher sur les risques liés à une explosion d’origine interne, susceptible de conduire à la perte d’une fonction de sûreté, et définir les éventuelles dispositions à mettre en œuvre. Plusieurs situations d’accidents affectant le réacteur et la piscine d’entreposage du combustible devront être examinées. Idem pour les accidents entraînant la fusion du cœur.
Le réexamen portera également sur les risques radiologiques, ainsi que sur les facteurs organisationnels et humains.
Par Sophie Fabrégat, publié le 1er mars 2021
Photo en titre : © samisarkis
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