Hercule, projet de démantèlement et de privatisation d’EDF
Un rappel historique est utile pour bien saisir l’absurdité de la libéralisation du secteur électrique, qui acterait une étape décisive avec le projet Hercule.
Électricité (et gaz) : un monopole public qui perdure jusque dans les années 1990
Au sortir de la guerre, la loi du 8 avril 1946 nationalise la plus grande partie des activités concernant la production, le transport (lignes haute tension), la distribution (lignes à moyenne et basse tension), l’exportation et l’importation d’électricité. De même en ce qui concerne le gaz. Ces activités, auparavant le fait de nombreuses sociétés privées agissant sans concertation nationale, sont confiées à EDF et GDF, établissements publics qui n’ont pas vocation à dégager des profits. Le personnel est doté d’un statut avancé.
La nationalisation a permis d’unifier les réseaux dans le cadre d’un monopole (une minorité de sociétés de production et distribution ont subsisté). La production, le transport et la distribution sont développés et exploités par EDF, le réseau de distribution lui étant simplement concédé par les autorités locales. Les barrages sont en majorité sous régime de concessions par l’État.
Le système électrique est alors « intégré » car ses différentes activités constituent un tout en ce qui concerne tant les aspects techniques que financiers. Ce qui lui a permis de prendre en charge des investissements très importants nécessaires pour assurer la continuité de fourniture sur le long terme. Bien que ce système ait ignoré tout débat démocratique sur les choix énergétiques, sa cohérence de monopole et de service public permet une bonne qualité de services reconnue par les usagers, à un prix de kWh plus faible que dans les pays voisins. La « péréquation tarifaire » (voir plus loin) assure une équité entre usagers domestiques sur l’ensemble du territoire national (DOM inclus).
Le monopole public sous l’assaut libéral
Dans les années 1980, la Commission européenne, soutenue par divers États, met à l’ordre du jour l’ouverture à la concurrence du secteur électrique européen, avec l’argument habituel : « la libre concurrence fera baisser les prix ». En application de la directive de 1996, obligation est faite à EDF, au début des années 2000, de tenir des comptes séparés pour ses activités de production et de réseaux. Il faut noter que la Commission ne demandait pas le changement de statut des entreprises électriques publiques, ce fut pourtant chose faite en quelques années un peu partout sous la houlette des États. En France, EDF est devenue société anonyme en 2004, cotée en bourse ensuite, l’État conservant 84 % du capital. La gestion des réseaux de transport et de distribution est confiée respectivement à RTE et ERDF (devenu Enedis) qui deviennent des filiales d’EDF… et des centres de profits : autour de 300 millions d’euros annuellement pour RTE et 500 millions pour Enedis !
La direction d’EDF, avec l’aval de l’État, a entériné par la même occasion une stratégie d’expansion internationale (voir page 5 « Quel avenir pour EDF international ? »).
Des compagnies s’installent en France comme fournisseurs, défiant EDF, généralement sans disposer de capacités de production d’électricité et achetant leur électricité, y compris hors de France. Mais elles sont incapables de pratiquer dans la durée des tarifs aussi intéressants que ceux d’EDF du fait des surcoûts (équipes commerciales et de trading, courtiers, opérateurs de bourse). Pour contourner l’absence de production des fournisseurs alternatifs, un dispositif singulier est monté : l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) !
L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique
Ce dispositif offre, depuis 2011, aux fournisseurs concurrents d’EDF la possibilité d’acheter un quart de l’électricité nucléaire produite par EDF : le prix fixé par l’Arenh, correspond au coût estimé de production nucléaire d’EDF (jamais revalorisé depuis 2012). Tout bénéfice donc pour les fournisseurs, qui ont le choix d’acheter soit au prix de l’Arenh, soit au prix de marché quand celui-ci est inférieur (ce qui est très régulièrement le cas depuis 2016 du fait de la croissance de la production à base de renouvelables (EnR), subventionnée par les États), et ceci sans contribuer aux investissements. Au final, EDF se voit obligée de proposer, à un prix qui ne couvre pas ses coûts, une part significative de sa production à des concurrents pour que ceux-ci puissent étendre leur part de marché… à son détriment.
Le développement des filières de production à partir d’EnR (solaire, éolien) est délégué aux investissements privés effectués par des particuliers, des sociétés coopératives citoyennes, des sociétés d’investissement, des filiales de multinationales de l’électricité, avec retour sur investissements amplement assuré… sans réelle planification territoriale de la part des pouvoirs publics dans le cadre d’une transition énergétique boiteuse. Un développement dans lequel EDF joue néanmoins le rôle d’acheteur quasi unique de la production pour les réseaux, moyennant une compensation financière par l’État.
La contribution au service public de l’énergie (CSPE)
Cette taxe spécifique s’appliquant à l’électricité consommée a été ajoutée à la taxation existante : TVA (20 % sur la consommation d’électricité) et autres taxes. Son montant est calculé en fonction du nombre de kilowattheures consommés, néanmoins il est plafonné pour les gros consommateurs alors qu’il s’applique plein pot pour les particuliers quel que soit leur fournisseur. Elle permet de dédommager EDF des charges du service public d’électricité qui lui sont imposées : obligation d’achat d’électricité « verte » ou co-générée ; financement de la péréquation tarifaire entre la métropole et les « zones non interconnectées » (îles et DOM) ; financement des dispositifs sociaux (tarif de première nécessité et fonds de solidarité logement) relevant de la solidarité avec les plus démunis. Dans les faits, elle vise majoritairement à couvrir le système de rachat de l’électricité et du gaz « vert », c’est-à-dire à financer le développement des EnR. Au total, la taxation de l’électricité compte pour environ 33 % de la facture des particuliers
Hercule : point d’orgue dans l’histoire du basculement néolibéral du secteur électrique français
Prétextant la difficile équation financière à résoudre pour assurer les lourds investissements prévus pour les prochaines années dans le nucléaire, la direction d’EDF soutenue par le gouvernement mijote depuis 2 ans un vaste plan de découpage du groupe, appelé Hercule. Elle n’avait néanmoins communiqué que peu de détails. Un document de 3 pages a été remis pour la première fois aux syndicats le 9 avril 2021 (!), n’apportant aucune modification aux grandes orientations déjà connues du démantèlement en 3 entités. L’ensemble des syndicats s’est déclaré sidéré par l’inconsistance de ce projet.
– une entité totalement publique – EDF Bleu – regroupant la production nucléaire et le réseau de transport : cette partie étant hors du champ concurrentiel, EDF et l’État assumeraient seuls les frais et les risques des investissements prévus sur le nucléaire,
– une entité dont le capital serait ouvert, au départ, à hauteur de 30 à 35 % – EDF Vert – regroupant la gestion du réseau de distribution (Enedis), la fourniture et vente d’électricité d’EDF, l’activité EnR et la filiale Dalkia (spécialisée dans les services énergétiques). Entité hétéroclite s’il en est ! Rien n’empêchera ensuite de poursuivre l’ouverture du capital, comme c’est arrivé à GDF malgré les promesses récurrentes de ne jamais le privatiser !
– une entité – EDF Azur – comprenant la gestion des concessions et exploitation des ouvrages hydrauliques. Depuis des années, la Commission européenne cherche à introduire de la concurrence dans ce secteur sans se préoccuper de son rôle stratégique dans la conduite du système électrique (voir paragraphe suivant). EDF deviendrait ainsi un concessionnaire parmi d’autres industriels postulant à la gestion des barrages dans le cadre de « quasi-régies » (ouvrages détenus à 51 % par des collectivités locales ; Engie/Electrabel ne détient ainsi que 49 % de la Compagnie nationale du Rhône mais en tire grand profit).
Hercule parachèverait ainsi la logique strictement financière initiée avec la libéralisation, suivant la maxime connue : privatisation des activités rentables et socialisation des pertes.
Des conséquences très négatives
L’ouverture à la concurrence est déjà un échec. Non seulement les prix de l’électricité domestique n’ont pas baissé, mais ils ont fortement augmenté : la hausse est de 35 % sur le prix HT sur 12 ans, entre 2007 et 20191, soit très au-delà de l’inflation !
EDF deviendrait un fournisseur au même titre que les autres ; ce qui entrainerait la fin du tarif réglementé de l’électricité (voir encadré page 3), la fin donc de la péréquation péréquation et de l’objectif de solidarité sur l’ensemble du territoire.
Les objectifs sociaux seraient encore plus affaiblis. Actuellement, 4,3 millions de ménages sont considérés en situation de précarité énergétique par l’ONPE (Observatoire national de la précarité énergétique). Le risque est réel de voir ce nombre fortement augmenter.
L’adoption de ce projet ne pourrait que perturber l’indispensable transition écologique, car la logique qui le sous-tend revient à renoncer aux politiques publiques volontaristes dans le secteur de l’énergie.
Ouvrir au privé la possibilité de gérer les barrages serait porter un coup fatal à la capacité actuelle du système de compenser, grâce à cette énergie hydraulique pilotable, le caractère intermittent de la production d’électricité à base de solaire et d’éolien, en même temps que d’alimenter les centrales nucléaires en fonction des besoins.
Casser définitivement, comme le fait Hercule, l’intégration du système électrique qui articule ensemble production, transport et fourniture d’électricité, permettant ainsi l’échange des informations (sur les demandes de consommations, les capacités de production mises sur le réseau en temps réel et à moyen terme, etc.) et soumettre certains maillons de la chaine à la logique du profit, tout cela compliquerait fortement la régulation du système électrique. Cette fonction est pourtant essentielle. L’électricité ayant la particularité d’être difficilement stockable (en l’état actuel des connaissances et des moyens), il faut donc produire en temps réel ce qui est consommé par les usagers.
Le marché est inapte à garantir la sécurité d’approvisionnement à long terme : en l’absence de visibilité sur l’évolution des prix et des parts de marché, les producteurs ne sont pas incités à faire les investissements nécessaires, toujours très importants initialement.
De même, l’ouverture du capital d’Enedis fait craindre une perte du contrôle public sur les réseaux de distribution d’électricité. Les nécessaires investissements pour assurer la qualité de desserte sur tout le territoire, entretenir le réseau et l’adapter à la transition énergétique risquent fort de ne pas être entrepris, car peu rentables au regard de la logique financière de court terme.
Pour un service public de l’électricité (et au-delà, de l’énergie)
Il est urgent de stopper le processus de libéralisation du marché de l’électricité et à l’inverse, de construire un véritable service public.
L’électricité est un bien de première nécessité : l’accès doit être garanti dans un souci d’égalité de traitement et de solidarité.
Le tarif réglementé de vente (TRV) est un outil essentiel du service public de l’électricité : il permet que chaque foyer sur le territoire français, quelle que soit sa localisation, bénéficie du même tarif du kilowattheure. Ce tarif est calculé par la « péréquation tarifaire » qui met en œuvre le principe de solidarité : la desserte des zones plus « rentables » (urbaines) aide à financer la desserte des moins rentables (rurales). Le tarif réglementé est ainsi symbole d’égalité et de solidarité. Son objectif n’étant pas de dégager des profits, il a permis jusqu’à une période récente de fournir une électricité la moins chère d’Europe et de bonne qualité. Il était calculé en prenant en compte le coût de production d’EDF et en intégrant une marge pour financer les investissements nécessaires aux besoins du futur.
Avec la libéralisation du secteur électrique, le TRV a déjà été progressivement supprimé pour les gros industriels puis pour les PME-PMI. Son maintien pour les particuliers et les entreprises de moins de 10 salarié·es devient incompatible à moyen terme avec le projet Hercule.
L’évolution du tarif réglementé témoigne de l’aberration de la mise en concurrence !
Le TRV est toujours largement adopté par les usagers, malgré les pressions inadmissibles pour qu’ils passent aux « offres de marché ». Jusque dans les années 2010, ce tarif est resté très largement inférieur aux prix du marché. Un tarif public moins cher que le prix du marché constituait évidemment un démenti gênant au dogme de la concurrence censée être « le seul moyen de faire baisser les prix » ! En 2006, la Commission européenne déclare donc le tarif réglementé incompatible avec la règle de la concurrence.
Puis en 2010, la loi Nome (nouvelle organisation du marché de l’électricité) a inscrit une modification du calcul du tarif réglementé, de telle manière qu’il devienne supérieur aux offres des fournisseurs alternatifs : il tient compte maintenant non seulement des coûts de production d’EDF, mais aussi du yoyo du prix de l’électricité en bourse, tributaire des cours mondiaux du charbon et du gaz… alors que la production d’EDF n’en utilise que très peu. Ce changement explique pour une grande part les augmentations du tarif appliquées en 2019 et 2020. En résumé, le TRV ne reflète plus les coûts d’EDF mais est calculé de manière à ce qu’il puisse être concurrencé par les fournisseurs alternatifs (comme les multinationales Engie, Total, Vattenfal, Iberdrola,…)
Pour un droit à l’électricité :
– Retour au calcul précédent du tarif réglementé et maintien de la péréquation tarifaire,
– Amélioration de la prise en charge de la précarité énergétique : fin des coupures pour impayés pour les familles en situation précaire, augmentation substantielle des aides à la rénovation thermique des logements,
Face à l’urgence climatique, les choix énergétiques ne peuvent être laissés aux mécanismes du marché mais doivent résulter de choix citoyens mis en œuvre par des pouvoirs publics à leur service.
La lutte contre le changement climatique et contre la raréfaction des ressources impose d’adapter les systèmes énergétiques. Mais les choix énergétiques sont des choix de société.
Aujourd’hui, le système électrique français émet peu de gaz à effet de serre (GES) avec une production basée à 71 % sur le nucléaire et 11 % sur l’hydraulique. Cependant, le parc de centrales vieillit et des choix pour le futur s’imposent. Ils seront lourds de conséquences sur de nombreux plans : financier, écologique, de gestion industrielle, de souveraineté énergétique.
Alors même que réduire les émissions de GES des secteurs gros émetteurs – notamment transports – pourrait nécessiter un recours accru à l’électricité.
Si un large accord existe sur la nécessité de renoncer aux énergies fossiles, fortes émettrices de GES, de leur substituer une production à base de renouvelables et de réduire les consommations globales d’énergie, il n’en est pas de même par exemple sur les modalités de cette réduction de consommation énergétique, ni sur les moyens pilotables à mettre en œuvre pour pallier l’intermittence des EnR en l’absence de stockage à grande échelle. C’est la place de la production nucléaire qui est interrogée. Il est donc nécessaire de mener un véritable débat citoyen sur les grandes orientations énergétiques à retenir en conformité avec la transition écologique et sociale.
La mise en œuvre de ces choix énergétiques ne peut être confiée à une économie de marché avec des acteurs privés guidés par la seule logique financière. Des investissements massifs sont nécessaires, qui ne seront pas engagés par les opérateurs privés du fait notamment de la volatilité des prix de l’électricité sur le marché de gros. On l’a constaté, les pays où la libéralisation du marché électrique est la plus poussée souffrent de sous-investissements chroniques dans les moyens de production et les réseaux (avec les exemples de pannes et coupures de courant notoires en Californie, Espagne, Texas, … où les factures explosent alors soudainement). Un marché de l’électricité basé sur la concurrence est incapable de garantir la fourniture dans la durée.
Au contraire, l’adaptation du système électrique nécessite une planification publique (Programmation pluriannuelle de l’énergie PPE) en termes d’installation de capacités de production d’électricité (avec leur incidence sur le développement des réseaux) et de réduction radicale de la production énergétique fossile. Cette planification doit permettre, notamment, le développement d’une production photovoltaïque décentralisée, concerner également l’isolation thermique des bâtiments, le développement de bâtiments neufs à très basse consommation énergétique, la refonte du système de chauffage en général et plus généralement l’efficacité et la sobriété énergétiques. Il est nécessaire de prendre des mesures pour diminuer la consommation globale d’énergie.
La loi du marché n’aurait jamais permis l’émergence des EnR… pour lesquelles les investissements ont néanmoins été confiés à l’initiative privée.
Le développement significatif des filières électriques à partir de renouvelable (éolien, solaire, …) n’a été possible que grâce à des politiques publiques adoptées par les États, rompant de fait avec la loi du marché. En France, comme dans la plupart des pays de l’UE, des objectifs nationaux de développement pluriannuels des diverses filières de production d’électricité et de gaz à partir d’EnR ont été établis. Leur concrétisation a été laissée à l’initiative privée: individuelle, coopérative, sociétés privées (souvent faux-nez de compagnies internationales…).
La production des installations de puissance très diverses (toitures et fermes de la transition énergétique, solaires, parcs éoliens plus ou moins importants) a été subventionnée en instaurant un tarif d’achat obligatoire de tout kWh produit par ces filières. Ce tarif est garanti sur longue période (plus d’une dizaine d’années). Il est suffisamment avantageux pour assurer un retour sur investissement attractif (voire abusif) pour les producteurs. Ce prix est revu périodiquement pour les nouvelles installations en fonction de la baisse des coûts de production résultant de la baisse des prix des panneaux photovoltaïques et des éoliennes.
La puissance publique exercera son rôle à travers un service public couvrant ces domaines. Elle pourra tisser des relations nouvelles avec les collectivités locales afin d’encourager la recherche d’une certaine autonomie énergétique régionale dans le cadre de la planification nationale (et une accélération de la démarche d’autonomie de production EnR dans les îles) … Et également inventer de nouvelles relations avec les citoyen·nes et élu·es qui cherchent la voie d’une plus grande autonomie énergétique au niveau local, et avec les sociétés coopératives citoyennes de production EnR. Il s’agit de vivifier et de susciter le cadre d’une participation citoyenne actuellement trop souvent réduite, in fine, à une acceptation (forcée éventuellement) des choix « experts » des pouvoirs publics ou/et des industriels (enquêtes d’utilité publique, réunions officielles des collectifs d’information nucléaire, etc.).
Pour un véritable service public de l’électricité :
– Débat démocratique sur les choix énergétiques, pour répondre aux impératifs de la transition énergétique.
– Planification publique mettant en œuvre ces choix, optimisant la complémentarité entre les divers moyens de production, favorisant la sobriété et visant la souveraineté énergétique,
– Démocratisation, avec des moyens d’intervention plus importants des salarié·es et de nouveaux modes de participation des citoyennes,
– Collaboration avec les collectivités et associations locales pour l’amélioration de l’autonomie énergétique.
Pour aller plus loin, ouvrir le débat public
En plus du nécessaire débat sur le modèle énergétique futur, engagé par la stratégie nationale bas carbone (SNBC), de nombreuses questions restent posées. Nous en posons ici deux.
Que faire de l’Arenh ? Ce dispositif a été instauré par la loi Nome pour répondre aux exigences de la Commission européenne et pour satisfaire les demandes des fournisseurs concurrents.
Depuis 2011 et jusqu’à 2025, il oblige EDF à mettre à disposition de ces fournisseurs 100 TWh (environ un quart de sa production nucléaire) à un tarif déterminé. Ce tarif, fixé à 42 €/MWh depuis 2012, n’a pas été réévalué depuis, contrairement à ce qui était prévu dans la loi. On l’a vu plus haut, il ne permet pas à EDF de couvrir les coûts du nucléaire, et l’entreprise, tout comme la Commission de régulation de l’énergie, en demandent sans succès la réévaluation. L’Arenh s’éteint en 2025, mais quid d’ici là ? La Cour des comptes elle-même note que le statu quo n’est pas acceptable car les fournisseurs alternatifs bénéficient avec l’Arenh de la « rente nucléaire », sans financer les actifs du parc de production, ce qui pèse sur les comptes d’EDF et potentiellement sur le financement de la sécurité. De plus, ces fournisseurs n’ont engagé aucun investissement dans des moyens de production de base (non intermittents), s’exonérant donc de la préoccupation de la continuité de service. Le devenir de l’Arenh doit être maintenant questionné dans le cadre d’un service public dans lequel EDF joue un rôle central. Ne serait-il pas juste que le gouvernement impose dès à présent un co-financement des actifs aux fournisseurs alternatifs, par une hausse de l’Arenh permettant à EDF de couvrir les coûts de production et de maintenance ?
Quel avenir pour EDF international ?
Dans le contexte de libéralisation actée en 1996, l’État et la direction d’EDF ont entériné une très capitaliste politique d’expansion internationale de l’entreprise. À la fin des années 1990, l’objectif était de réaliser 50 % du chiffre d’affaires hors hexagone. Cette aventure s’est traduite au cours des années 2000 par d’énormes investissements, payés par les usagers, destinés au rachat d’autres entreprises en Europe et en Amérique… avec un retour sur investissement pour le moins faible et la formation de l’essentiel de la dette actuelle du groupe ! Aujourd’hui, si l’on souhaite favoriser la souveraineté énergétique de chaque pays, n’est-il pas temps de questionner le bien-fondé des actifs internationaux d’EDF ?
Conclusion
Le projet Hercule obéit à une logique économique et politique qui est incompatible avec les objectifs sociaux, écologiques et démocratiques de la transition. Il doit être abandonné pour laisser place à un véritable service public de l’électricité.
NOTE :
1 : Source: Service des données et études statistiques (SDES) du Commissariat général au développement durable.
Par ATTAC, Fondation Copernic, publié en avril 2021
http://www.fondation-copernic.org/wp-content/uploads/2021/04/4-pages-Hercule-Copernic-Attac.pdf
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