Du « tout renouvelable » à la mise à l’arrêt de la filière éolienne, la question de l’avenir du système électrique occupe une place importante dans les débats.
Cette fois encore, l’enjeu majeur des crises climatiques et de la biodiversité aura été réduit à la portion congrue dans la campagne présidentielle, au grand regret d’associations, de scientifiques, mais aussi d’une part croissante des citoyens. À une exception près : le sujet de l’énergie occupe depuis des mois une place importante dans les débats et figure en bonne place dans les programmes. Les discussions sur l’avenir de la politique énergétique se sont structurées autour du nucléaire, qui fournit encore aujourd’hui près de 70 % de l’électricité du pays.
Une ligne de fracture très nette se dégage. D’un côté, les partisans d’une relance de la filière nucléaire font valoir que cette source d’énergie bas carbone et pilotable est indispensable pour lutter contre le dérèglement climatique. De l’autre, ses détracteurs mettent notamment en avant des enjeux de sûreté et de gestion des déchets et souhaitent sortir progressivement de l’atome. En toute fin de mandat, le président Emmanuel Macron a clarifié sa position en annonçant vouloir lancer la construction de six réacteurs EPR et étudier la possibilité d’en construire huit autres par la suite. Cinq ans plus tôt, le président insistait sur la nécessité de réduire la part du nucléaire dans le mix électrique, et la fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), décidée par son prédécesseur François Hollande, a été mise en œuvre en 2020.
La gauche veut de l’éolien
Comme Emmanuel Macron, d’autres candidats à droite (Valérie Pécresse), à l’extrême droite (Marine Le Pen, Eric Zemmour, Nicolas Dupont-Aignan), au centre (Jean Lassalle) mais aussi à gauche (Fabien Roussel) ont pris position pour la construction de nouveaux réacteurs, alors que le plus récent en activité en France a été mis en service il y a plus de vingt ans.
À gauche au contraire, la majorité des candidats (Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Philippe Poutou) défendent toujours une sortie du nucléaire, qu’ils veulent pour la plupart progressive, à l’horizon 2045 ou 2050, au fur et à mesure que les réacteurs du parc actuel devront être mis à l’arrêt pour des raisons liées à leur vieillissement.
Les candidats d’extrême droite n’expliquent pas comment ils parviendront à garantir la sécurité d’approvisionnement de la France en se privant de l’éolien et du solaire
Corollaire de ce souhait d’abandonner l’atome, ces quatre candidats défendent un scénario de production d’électricité 100 % renouvelable d’ici à 2050 et plaident donc pour un développement massif de l’éolien et du solaire. Emmanuel Macron, Valérie Pécresse et Fabien Roussel prônent un mix basé à la fois sur le nucléaire et les énergies renouvelables, quand les candidats d’extrême droite entendent mettre à l’arrêt la filière éolienne, voire démanteler les parcs existants, et ne pousser qu’avec parcimonie le solaire. Ces derniers n’expliquent pas comment ils parviendront à garantir la sécurité d’approvisionnement et l’atteinte des objectifs climatiques de la France en se privant de ces sources d’énergie.
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Le quinquennat écoulé, s’il a été marqué par certaines avancées pour les filières renouvelables, n’a pas permis d’appliquer l’ensemble des ambitions inscrites dans la feuille de route énergétique de la France et le pays est encore en retard sur ses objectifs. Emmanuel Macron, qui défend dans son programme une croissance très importante notamment de l’éolien en mer et du solaire, a assuré vouloir changer de méthode en prenant « une loi d’exception » pour réduire les délais et simplifier les procédures.
Renationaliser EDF et Engie
La nécessaire réduction de la consommation d’énergie au cours des prochaines décennies est souvent abordée par le biais des gains d’efficacité, avec, par exemple, la nécessaire accélération en matière de rénovation des bâtiments, présente dans une grande partie des programmes. Seuls des candidats de gauche entendent appuyer fortement sur le levier de la sobriété.
Les formations de gauche se retrouvent également sur la nécessité, selon elles, de reconstituer un pôle public de l’énergie. Une proposition qui passe notamment par la renationalisation d’EDF et d’Engie (ex-GDF Suez), dont l’État est encore le premier actionnaire, respectivement à hauteur de près de 84 % et 24 %. Le candidat Macron a semblé souscrire à cette idée en annonçant, le 17 mars, qu’il entendait « reprendre le contrôle capitalistique de plusieurs acteurs industriels ».
Alors que la campagne se déroule dans un contexte européen de crise sans précédent du secteur de l’énergie, les candidats formulent aussi des réponses à l’envolée des prix du gaz et de l’électricité. À court terme, Yannick Jadot ou Fabien Roussel promettent la revalorisation d’un « chèque énergie » pour les ménages en difficulté. De façon plus structurelle, tous deux veulent aussi, comme notamment Jean-Luc Mélenchon, le retour à une meilleure régulation des tarifs sur le sol national – Eric Zemmour également, mais en particulier pour l’électricité issue du nucléaire. Anne Hidalgo, Valérie Pécresse ou Marine Le Pen, entre autres, proposent une baisse des taxes sur l’électricité et le gaz.
Par Perrine Mouterde et Adrien Pécout, publié le 25 mars 2022 à 07h00, mis à jour à 14h08
Photo en titre : Le président Emmanuel Macron lors d’un discours sur le nucléaire, l’éolien et l’énergie solaire sur le site de GE Steam Power System, à Belfort, jeudi 10 février 2022.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/03/26/presidentielle-2022-la-relance-de-la-filiere-nucleaire-divise-les-candidats_6119237_823448.html
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