Douze des 56 réacteurs composant le parc nucléaire souffrent de « problèmes de corrosion« , selon un rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire. Ils ont été mis à l’arrêt.
Elles étaient attendues. 380 pages d’un rapport qu’antis et pros nucléaire ont scruté de près. Mardi 17 mai, comme chaque année, l’Autorité de sûreté nucléaire a publié son évaluation des douze derniers mois du parc français. L’organisme s’est montré rassurant sur l’état de sûreté des centrales mais appelle à une révision de la politique nucléaire. Son président, Bernard Doroszczuk, devant les parlementaires, a insisté en mettant en garde sur « l’impasse d’une politique énergétique mal calibrée« . La France est passée d’une ère post-Fukushima marquée par un rejet massif du nucléaire amenant à la fermeture de plusieurs centrales jusqu’à un retour en grâce de la filière depuis plusieurs mois.
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« Au regard de l’ampleur des projets nouveaux et de la poursuite d’exploitation des réacteurs actuels, il va falloir redimensionner les objectifs en termes de ressources humaines et financières, et en termes d’investissements« , souligne Bernard Doroszczuk. Il suggère un « plan Marshall » pour rendre « industriellement soutenable cette perspective » et appelle à des investissements publics massifs tout comme le recours à des dispositifs de formation et d’accompagnement. Un besoin renforcé par un problème technique détecté, en fin d’année 2021, sur plusieurs réacteurs…
30 réacteurs arrêtés
« C’est un problème sérieux« . L’autorité a confirmé la présence des traces de corrosion sur plusieurs réacteurs qui avaient été signalées par EDF, il y a plusieurs mois. L’organisme révèle que 12 des 56 réacteurs sont concernés par le phénomène. « À ce stade, au titre de la corrosion sous contrainte, EDF a procédé à la mise à l’arrêt ou à la prolongation d’arrêts programmés de 12 réacteurs pour expertise approfondie et le cas échéant réparation« , a souligné, inquiet, le président de l’ASN. Ces réacteurs à l’arrêt s’ajoutent à la liste de 18 autres, immobilisés pour diverses raisons.
Les anomalies se situent principalement sur des tuyauteries annexes de circuits primaires des réacteurs. Des tuyauteries pour la plupart non isolables, posant un problème de sûreté. « Le problème peut concerner l’ensemble du parc nucléaire d’EDF« , a ajouté Bernard Doroszczuk. La tête dirigeante de l’autorité se veut rassurante sur l’étendue des dégâts en affirmant que l’État français est en mesure de réparer les fissures provoquées par la corrosion, à l’origine de fuites.
Un handicap pour la production nucléaire française
Mais cette réparation est coûteuse. L’ASN a assuré mardi que, selon les premiers éléments d’investigation, les réacteurs les plus puissants seraient les plus concernés par le phénomène. Un caillou dans la chaussure de la production d’électricité française qu’Emmanuel Macron veut faire davantage dépendre du nucléaire. Intervenir sur les traces de corrosion réclame l’arrêt des réacteurs durant plusieurs années, assure l’ASN, ce qui handicapera de fait la production nucléaire française.
En pleine transition énergétique sur laquelle le gouvernement a affiché son ambition de porter la part du nucléaire à 50% du mix énergétique, l’objectif apparaît comme difficilement atteignable. Au risque de faire peser un risque sur la sûreté des sites concernés. Une seule solution aux yeux de Bernard Doroszczuk, réinvestir massivement dans la filière pour avoir à moins dépendre d’un parc nucléaire vieillissant et sujet à ce genre de mésaventure. (Voir NDLR ci-dessous)
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Par LEXPRESS.fr, publié le 18/05/2022 à 20h04, mis à jour à 20h14
Photo en titre : La centrale nucléaire du Bugey, à Saint-Vulbas dans l’Ain, le 25 janvier 2022. afp.com/JEAN-PHILIPPE KSIAZEK
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/reacteurs-a-l-arret-ce-que-qu-il-faut-retenir-du-rapport-de-l-autorite-de-surete-nucleaire_2173745.html
NDLR : réinvestir massivement dans la filière n’est certainement pas la bonne solution pour un pays qui ne produit pas lui-même son combustible (question d’indépendance) et qui respecterait ses générations futures en ne leur « confiant pas » des déchets qu’il ne sait pas retraiter. Mais la position de monsieur Doroszczuk se comprend : le nucléaire est son gagne-pain !
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