APRÈS LES RÉVÉLATIONS DE LA CRIIRAD SUR LES DÉFAUTS DE CONCEPTION DE L’EPR, L’ASN AUTORISERA-T-ELLE SON DÉMARRAGE À FLAMANVILLE EN 2024?

COMMUNIQUÉ DE PRESSE : Un grave défaut de conception qui affecte tous les EPR : les vibrations des assemblages dans la cuve.

La CRIIRAD a révélé en 2021 que les incidents sur le réacteur EPR de Taishan 1 (en Chine) provenaient en réalité d’un défaut de conception de l’hydraulique de la cuve à l’origine de vibrations anormales. Elles entrainent des dégradations inédites des assemblages de combustible nucléaire. Ces défauts avaient pourtant été identifiés dès les tests sur maquette. L’IRSN a reconnu à l’été 2022 que, comme l’affirmait la CRIIRAD, les défauts sur l’EPR de Taishan 1 proviennent bien d’un problème de conception qui affecte également l’EPR en construction à Flamanville.

Pour limiter les dégâts, EDF a finalement fait fabriquer à l’usine Framatome de Romans-sur-Isère 64 nouveaux assemblages de combustible plus résistants aux vibrations. On peut se demander pourquoi, alors que ces problèmes de vibrations étaient connus depuis des années, EDF n’a pas fait livrer (entre octobre 2020 et l’été 2021) des assemblages renforcés à Flamanville. Et pourquoi EDF a affirmé à la CRIIRAD en mai 2022 que «concernant les assemblages de combustibles nucléaires neufs de l’EPR de Flamanville, (…), dans la situation actuelle, le phénomène ne s’oppose pas au chargement de ce combustible dans le réacteur de Flamanville 3 » ?

Le renforcement des assemblages ne résout évidemment pas le problème de fond, celui des vibrations anormales qui dégradent la sûreté du réacteur et impactent ses performances. Dans une note de juillet 2022, l’IRSN écrit : «… EDF doit définir et mettre en œuvre, aussi rapidement que le permet son processus de qualification, une modification matérielle pérenne permettant d’optimiser l’hydraulique dans le plenum inférieur de la cuve, de limiter l’ampleur des fluctuations de débit en entrée de cœur et ainsi de résorber l’anomalie de conception du plenum inférieur et ses conséquences ».

L’Autorité de Sûreté Nucléaire laissera-t-elle « démarrer » l’EPR de Flamanville sans que ce défaut ne soit corrigé ? Et même si EDF réussit à résoudre ce problème, restera l’incapacité des industriels à modéliser correctement le cœur du réacteur EPR, du fait de sa taille. Cette méconnaissance de ce qui se passe réellement dans le cœur du réacteur réduit encore les marges de sûreté.

Quid du couvercle de cuve non conforme ?

Se pose aussi la question des non conformités du couvercle de la cuve. Rappelons que l’excès de carbone dans l’acier du couvercle et du fond de cuve diminue leur capacité de résistance et que l’usine du Creusot (le fabriquant de ces pièces) a falsifié des documents portant sur la qualité de certaines de ses productions.

En 2017, l’ASN avait autorisé EDF à démarrer le réacteur avec ces pièces défectueuses sous réserve de changer le couvercle avant fin décembre 2024, le temps que le nouveau couvercle soit fabriqué. EDF ayant finalement annoncé le chargement du combustible nucléaire au premier trimestre 2024, Framatome a déposé fin décembre 2022 une demande à l’ASN pour ne pas arrêter le réacteur avant la fin de son premier cycle de fonctionnement. Un cycle durant typiquement 12 à 22 mois, faire fonctionner le réacteur pendant 1 cycle entrainera une violation des prescriptions de l’ASN. Pour la CRIIRAD, ce n’est pas acceptable. En application des principes de justification de l’exposition aux rayonnements ionisants, le couvercle devrait au contraire être changé avant même le démarrage des réactions de fission car elles vont le rendre radioactif. Pourquoi exposer des travailleurs inutilement et produire des déchets radioactifs supplémentaires (un couvercle devenu radioactif alors qu’il n’aura été utilisé que durant un cycle) alors que cela peut être évité ?

Des EPR 2 au pas de charge, une dangereuse course en avant.

Les industriels et les organismes de contrôle sont-ils en capacité de garantir la sûreté nucléaire de l’ensemble de la filière EPR ? Pour la CRIIRAD, la question est totalement fondée, compte tenu des causes de tous les dysfonctionnements qui affectent le chantier EPR de Flamanville, (*voir ci-dessous) du caractère tardif de leur découverte, parfois même de l’existence de fraudes.

Le design de la cuve et du cœur des EPR2 est proche de celui des EPR et présente des problèmes similaires liés à une course au gigantisme non maitrisée. Dans ces conditions lancer un programme EPR2 avec un calendrier aussi tendu (en prétendant démarrer les EPR2 à partir de 2035) est dangereux parce que cela met sous pression les équipes de conception, de fabrication, le régulateur, les processus d’inspections et cela diminue les marges de sûreté. C’est la meilleure façon de renouveler les erreurs du chantier EPR. De ce point de vue le passage en force des autorités pour lancer la construction de nouveaux réacteurs EPR2 est particulièrement inquiétant.

Lire le dossier complet : https://www.criirad.org/12-12-2022-scandale-epr-ou-comment-faire-fonctionner-des-reacteurs-nucleaires-avec-des-rustines/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=CP%20EPR%2015022023&utm_medium=email

(*) Note / Le fiasco de l’EPR en construction à Flamanville

La CRIIRAD a pointé à de nombreuses reprises ces dernières années les graves défauts affectant la sûreté du réacteur EPR en construction à Flamanville. Le projet cumulera au moins 12 ans de retard et le budget va se rapprocher des 20 Milliards d’euros. Pratiquement rien n’a été construit correctement. Les écarts concernent aussi bien le génie civil que les composants du circuit primaire, du circuit secondaire ou les dispositifs de sécurité (enceinte de confinement, couvercle et fond de cuve, soudures, système de contrôle, etc..).

Rappelons que les défauts sur certaines des soudures des tuyauteries de vapeur principales sont dus au fait qu’EDF et AREVA avaient oublié d’informer leur sous-traitant des exigences de qualité attendues. De tels manquements dans le management du projet EPR sont invraisemblables.

Contact presse : Élodie Weber, chargée de communication –

Contact scientifique : Bruno CHAREYRON, ingénieur en physique nucléaire, directeur du laboratoire de la CRIIRAD (06 27 27 50 37 / )

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À Valence, publié par la CRIIRAD le mercredi 15 février 2023

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