LES DEUX LEVIERS QU’EDF VA ACTIONNER POUR ESPÉRER SORTIR DE LA CRISE

Luc Rémont planche sur plusieurs mesures pour redonner de l’oxygène financier au groupe et relancer la production nucléaire. Vendredi, il a aussi exclu des cessions d’actifs d’ampleur. « Ce serait une erreur stratégique » selon lui.

Dégager des marges de manœuvre financières. Voilà l’urgence d’EDF qui affiche désormais une dette colossale de près de 65 milliards d’euros et toujours autant d’investissements à financer que ce soit pour rénover ses centrales, assurer leur maintenance ou encore financer la construction des réacteurs britanniques d’Hinkley Point.

« EDF est à un moment de son histoire où il doit réaliser des investissements importants », a pointé Xavier Girre, le directeur financier du groupe . Il rappelle que sur les 16,2 milliards déployés par EDF en 2022, 7,5 milliards relèvent des seules activités de maintenance et 8,5 milliards d’investissements dans le nucléaire, les réseaux ou les énergies renouvelables.

Si la situation est précaire, le nouveau PDG du groupe Luc Rémont juge la dette du groupe « soutenable » et écarte un nouvel appel à l’État actionnaire. Au travail pour définir sa feuille de route, il écarte aussi des cessions d’actifs d’ampleur. « Ce serait une erreur stratégique que de faire face à des difficultés industrielles en cédant des pépites à l’étranger », a-t-il fait valoir écartant, une éventuelle d’Edison, la filiale italienne du groupe.

Des centrales plus productives

En 2023, EDF va bénéficier de l’augmentation de capital de 2,4 milliards d’euros liée à la conversion en action des obligations océanes achetées par l’État actionnaire à l’occasion du retrait de la cotation du groupe.

Pour dégager d’autres marges de manœuvre Luc Rémont mise sur un redressement de la production d’électricité nucléaire. « Je crois en notre capacité de remettre la production en marche et à améliorer graduellement la disponibilité du parc nucléaire pour stabiliser puis réduire ce niveau de dette », a-t-il fait valoir. En ce sens, il a lancé en début d’année quatre chantiers destinés à « améliorer l’excellence opérationnelle ».

Un travail a aussi été engagé pour « simplifier » les visites décennales – les examens de santé des centrales nucléaires tous les dix ans. « On s’interroge sur l’opportunité de mieux fractionner les travaux pour ne pas surcharger la filière sur le plan industriel car elle est déjà sous tension », explique Cédric Lewandowski, le directeur du parc nucléaire.

Pour l’EPR de Flamanville qui est censé produire ses premiers électrons début 2024, une discussion avec l’autorité de sûreté a en outre été engagée pour remplacer le couvercle de la cuve du réacteur non pas en 2025 comme prévu initialement mais en 2035, lors de la première visite décennale du réacteur.

Second gros levier que Luc Rémont compte activer : la réforme du marché de l’électricité qui doit être débattue prochainement à Bruxelles et qui devra redessiner le cadre de régulation du nucléaire historique pour prendre la relève du mécanisme « Arenh ». « Ce marché à besoin d’être complété […] l’Arenh est à bout de souffle », a-t-il rappelé.

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Les enjeux sont colossaux pour EDF puisqu’il s’agit de déterminer les modalités et les prix auxquels le groupe pourra vendre son électricité demain. Celle issue de ces centrales existantes mais aussi potentiellement des réacteurs nouveaux et des centrales hydrauliques. Le résultat de ces négociations déterminera dans quelle mesure EDF pourra faire face à ses investissements et réduire le niveau de sa dette.

Sur ce sujet, les négociations s’annoncent ardues. D’abord compte tenu des oppositions entre la France et les autres pays de l’Union mais aussi compte tenu des divergences de vues entre EDF et le gouvernement français.

Si avec cette réforme, EDF cherche en priorité à renchérir ses prix de ventes, les pouvoirs publics eux gardent aussi l’œil rivé sur les consommateurs pour éviter une nouvelle envolée des prix de l’électricité. « Pour l’État, EDF est d’abord son bras armé destiné à soutenir la compétitivité de la France, c’est ce qui s’est passé l’hiver dernier avec la hausse des volumes d’Arenh imposée à EDF », estime une source proche du groupe.

Les promesses de la réforme du marché

Ce sujet pourrait en outre être lourd de conséquences sur la future organisation du groupe. En France, les pouvoirs publics plaident pour mettre en place des « contrats pour différence » pour des capacités de production décarbonées, c’est-à-dire des contrats qui garantissent un prix de vente stable au producteur pendant une période d’une vingtaine d’années capable de couvrir les coûts des centrales nucléaires et d’assurer un prix de l’électricité stable et compétitif.

Or, chez EDF certains craignent que ces demandes de la France ne relancent les débats à Bruxelles sur la réforme « Hercule ». Capables de neutraliser le risque de marché pour de très nombreuses années, ces contrats nourrissent la crainte d’être considérés comme des aides d’État d’une ampleur telle qu’elles impliqueraient une nécessaire séparation des activités en concurrence au sein d’EDF… Mais la messe n’est pas dite. « Le projet Hercule a été abandonné. Nous sommes en train de définir notre feuille de route », fait valoir Luc Rémont.

Par Sharon Wajsbrot, publié le 18 février 2023 à 10h03, mis à jour le 18 février 2023 à 13h06

Photo en titre : Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des finances et Luc Rémont, Pdg d EDF, lors de la visite de la centrale nucléaire de Penly. (Eric TSCHAEN/REA)

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