Onze pays de l’UE, emmenés par la France, ont annoncé mardi un renforcement de leur coopération dans l’énergie nucléaire pour développer « de nouveaux projets« , soulignant le rôle de l’atome dans la décarbonation de l’économie, malgré l’opposition farouche de l’Allemagne.
« L’énergie nucléaire est l’un des nombreux outils permettant d’atteindre nos objectifs climatiques, de produire de l’électricité de base et de garantir la sécurité de l’approvisionnement« , affirment ces pays dans une déclaration commune signée en marge d’une réunion des ministres européens de l’Énergie à Stockholm.
Les 11 États (France, Bulgarie, Croatie, République tchèque, Hongrie, Finlande, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie) s’accordent pour « soutenir de nouveaux projets » nucléaires, basés notamment « sur des technologies innovantes » ainsi que « l’exploitation des centrales existantes« .
Le texte prévoit des projets communs de formation, « des possibilités de coopération scientifique accrue » et le « déploiement coordonné des meilleures pratiques dans la sécurité« .
Le cabinet de la ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait affiché avant la réunion l’objectif de « créer une alliance du nucléaire (…) et d’envoyer un signal fort dans les différentes négociations européennes« .
Paris avait déjà remporté une victoire mi-février avec la proposition de la Commission européenne de considérer comme « vert » l’hydrogène produit à partir d’un mix électrique comportant du nucléaire, sous certaines conditions.
Désormais, la France défend la prise en compte de cet « hydrogène bas carbone » dans un texte en discussions fixant pour chaque Etat européen des objectifs d’hydrogène renouvelable dans l’industrie ou les transports. Plusieurs États, dont l’Allemagne et l’Espagne, y sont totalement opposés.
Dans le cadre d’une réforme du marché européen de l’électricité, la France préconise par ailleurs des contrats de longue durée à prix garanti, y compris au bénéfice de la production nucléaire, ce que refuse Berlin.
Énergie « stable »
« Le nucléaire représente 25% de notre production électrique européenne, émet moins de carbone que l’éolien et le photovoltaïque« , avait martelé lundi Mme Pannier-Runacher, y voyant un outil « complémentaire » des renouvelables « pour atteindre la neutralité carbone » visée par l’UE en 2050. « Nous devons unir nos forces » pour innover et « développer de nouvelles installations« , avait-elle plaidé.
« États-Unis, Royaume-Uni, Corée du Sud, Chine, Inde et même Japon envisagent le nucléaire comme moyen important de décarboner leur économie. Nous devons être sur un pied d’égalité« , a-t-elle souligné.
La Pologne, qui mise sur le nucléaire pour se désengager du charbon, et la République tchèque avaient salué dès lundi ce projet d' »alliance« , même si ce terme n’a pas été retenu dans la déclaration finale.
« Les renouvelables peuvent s’avérer instables. Il faut une énergie stable et durable, faiblement carbonée: nous n’en connaissons qu’une, le nucléaire« , a observé le ministre tchèque Jozef Sikela.
Les onze pays signataires sont les mêmes qui soutenaient fin 2021 la reconnaissance du caractère « durable » du nucléaire, énergie n’émettant pas de CO2, dans la « taxonomie » européenne, une labellisation verte permettant de faciliter certains investissements. Ils avaient obtenu gain de cause dans le texte finalement adopté mi-2022, au grand dam des antinucléaires.
La Suède, dont l’actuel gouvernement est pro-nucléaire, n’a pas signé la déclaration de mardi, étant contrainte à la neutralité durant les six mois de sa présidence du Conseil de l’UE. Elle s’est néanmoins montrée accommodante. « Nous respectons le fait que les États choisiront des solutions différentes pour leur transition, le but essentiel étant de se passer des énergies fossiles« , a insisté la ministre Ebba Busch.
L’initiative de la France intervient à l’heure où le modèle énergétique allemand, basé sur des importations de gaz bon marché, est mis à mal par la guerre en Ukraine et les efforts de l’UE pour réduire la dépendance aux énergies fossiles.
L’hostilité de Berlin à l’atome est partagée notamment par l’Autriche et le Luxembourg.
« Pour gagner la course contre le changement climatique, nous devons être rapides. Les nouvelles centrales nucléaires, c’est 15 ans de construction, deux à trois fois plus cher que l’éolien et le solaire. C’est de l’idéologie, pas du pragmatisme« , a déclaré lundi le ministre luxembourgeois Claude Turmes.
« Il faut se concentrer sur les solutions disponibles, bon marché, sans effets indésirables, sans danger: les énergies renouvelables« , a abondé la ministre autrichienne Leonore Gewessler.
Par AFP, publié le 28 février 2023 à 13h50
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