RENOUVELABLES : TRIPLER LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ D’ICI 2035, UN OBJECTIF RÉALISTE ?

Dans son scénario sur les trajectoires de décarbonation de l’Europe, l’énergéticien français Engie estime qu’il faudra tripler la production d’électricité de l’éolien et du photovoltaïque d’ici 2035 et la multiplier par 6 d’ici 2050.

Tripler la production d’électricité issue de l’éolien et du photovoltaïque d’ici 2035 et la multiplier par six à l’horizon 2050. Lundi, Engie a dévoilé son scénario optimisé pour que l’Europe parvienne à répondre aux besoins massifs d’électricité dans les prochaines décennies tout en atteignant en 2030 son objectif de réduction d’au moins 55% des émissions de l’UE par rapport à 1990 puis celui de neutralité carbone en 2050. « C’est la première fois qu’une entreprise du CAC 40 produit un scénario sur sa vision du futur énergétique« , salue Jules Nyssen.

Le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) se réjoui particulièrement de cette publication car le scénario en question fait la part belle au développement de ces énergies afin de « sécuriser rapidement et aux meilleurs coûts les besoins grandissants d’électrification des usages. »

D’ici 2050 en France, la capacité installée devrait passer respectivement de 16 à 103 GW pour le solaire photovoltaïque, de 21 à 57 GW pour l’éolien terrestre ou encore de 0,4 à 40 GW pour l’éolien en mer. Avec les 26 GW liés à l’hydroélectricité, les énergies renouvelables assureraient près des deux tiers de la production d’électricité en France. Mais ces objectifs sont-ils vraiment atteignables pour l’Hexagone à cette échéance ?

« On est un peu des champions du monde de la procédure« 

Pour Jules Nyssen, le rapport d’Engie a déjà le mérite de montrer que la France est en bonne position sur la voie de la décarbonation de son système énergétique par rapport à ses 14 voisins européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie et Suisse) analysés par l’énergéticien. Si les énergies renouvelables ne souffrent d’aucun problème de demande en France, le frein se situe plutôt du côté des procédures qui encadrent les projets d’installation pour le président du SER. « Côté français, on est un peu des champions du monde de la lenteur liée aux procédures, déplore-t-il. S’il y avait moins d’appréhension sociale autour des énergies renouvelables, il y aurait moins de contentieux« .

« C’est difficile en France car on a beaucoup dénigré la performance énergétique du solaire et de l’éolien et mis en avant leurs nuisances aux paysages« , résume Jules Nyssen.

Une vision des énergies renouvelables de moins en moins pertinente car le progrès technologique permet aux installations de gagner en performance comme en témoignent les opérations de renouvellement des parcs éoliens.

Cependant, Jules Nyssen évoque un moment charnière qui serait à l’œuvre alors qu’il apparaît clairement que la filière nucléaire ne pourra être la réponse à la forte croissance des besoins en électricité qui devraient augmenter de 46% durant le prochain quart de siècle. En effet, les prochaines paires de réacteurs nucléaires ne devraient pas entrer en service avant 2035 là où les projets d’énergies renouvelables peuvent être concrétisés en l’espace de quelques années. Selon Jules Nyssen, cette conscience qu’il faudra beaucoup plus d’électricité au quotidien devrait changer la donne.

S’affranchir des énergies fossiles

Si les objectifs indiqués par Engie sont techniquement atteignables aux yeux du SER, ils doivent s’accompagner « d’une pédagogie très forte » selon le président du syndicat qui distingue trois enjeux : la communication autour du changement climatique, la conservation d’une énergie propre et pas trop chère et la réindustrialisation afin de gagner la bataille de la compétitivité-prix.

« En France, on peut vraiment tirer notre épingle du jeu en étant parfaitement autonome sur le plan énergétique« , espère Jules Nyssen.

Pour se détacher des énergies fossiles qui pèsent encore à hauteur de 60% dans notre consommation d’énergie, le président du SER invite à se rappeler des craintes qui ont émergé lors des chocs pétroliers dans les années 1970 ou plus récemment avec le « peak oil » (ou pic pétrolier) qui prévoit un sommet imminent de la courbe de l’extraction mondiale de pétrole. « En parallèle, il est probable qu’il y ait du vent et du soleil de manière continue dans les décennies à venir« , insiste-t-il.

Une approche régionale de la politique énergétique

Concernant les problématiques procédurales, Jules Nyssen estime qu’il est possible d’agir sur les délais administratifs aussi bien au niveau européen qu’en France. C’est d’ailleurs l’un des objectifs affichés de la loi d’accélération sur les énergies renouvelables même si les gains de temps sont en moyenne de seulement quelques mois.

« La profession des énergies renouvelables elle-même doit renforcer ses relations de travail avec les élus locaux« , souligne le représentant du SER.

Sans même passer par le terrain législatif, il cite également une moindre surinterprétation des règles, une hausse des effectifs déployés sur le terrain par l’État mais aussi une approche davantage régionale de la politique énergétique: « L’organisation doit être plus déconcentrée avec des responsables de l’énergie sous l’autorité du préfet. » Enfin, les industriels peuvent favoriser l’autoconsommation en produisant eux-mêmes l’électricité dont ils ont besoin en installant des panneaux solaires par exemple.

Par Timothée Talbi, publié le 14/06/2023 à 13h34

https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/renouvelables-tripler-la-production-d-electricite-d-ici-2035-un-objectif-realiste_AV-202306140524.html