Après de longs mois de négociations, l’énergéticien français et l’État belges sont enfin parvenus à s’entendre sur la prolongation des deux réacteurs Doel 4 et Tihange 3, demandée par la Belgique afin de garantir la sécurité énergétique du pays face à la crainte de pénuries d’électricité.
C’est la fin du bras de fer entre Engie et l’État belge. Après de longs mois de négociations, les deux parties sont enfin parvenues à s’entendre sur la prolongation des deux réacteurs Doel 4 et Tihange 3, demandée par la Belgique afin de garantir la sécurité énergétique du pays face à la crainte de pénuries d’électricité.
L’accord prévoit un redémarrage des deux tranches nucléaires « dès novembre 2026 ou, sous réserve de la mise en œuvre effective d’un assouplissement annoncé de la réglementation, dès novembre 2025 », précise un communiqué de presse.
Arraché in extremis et officialisé la veille de la date butoir, l’accord prévoit notamment 15 milliards d’euros pour gérer le coût des déchets nucléaires. Un montant sur lequel achoppaient précisément les négociations et qui a obligé Catherine MacGregor, la directrice générale du groupe français, à multiplier les allers-retours en Belgique au cours des dernières semaines.
15 milliards d’euros pour les sept installations nucléaires
« Après plusieurs mois de dialogue intense et constructif avec le gouvernement belge, nous sommes heureux de la signature de cet accord équilibré pour les deux parties. Il donne à Engie la visibilité nécessaire sur le montant global lié à la gestion des déchets nucléaires et réduit significativement les risques liés à la prolongation des deux unités », s’est félicité Catherine MacGregor dans un communiqué du groupe.
Les 15 milliards d’euros concernent les sept installations nucléaires dont Engie Electrabel est gestionnaire. Ce montant est payable en deux fois. Au moment du closing, au premier semestre 2024, pour les déchets de catégorie B et C (c’est-à-dire les déchets hautement radioactifs et destinés au stockage géologique) et ultérieurement pour les déchets de catégorie A (qui désigne les déchets faiblement radioactifs et destinés au stockage en surface).
Initialement les montants évoqués avoisinaient une fourchette comprise entre 18 et 20 milliards d’euros. L’enjeu était de taille car il s’agissait de fixer une limite maximale. Une fois l’énergéticien acquitté de cette somme, il est totalement désengagé de la responsabilité des déchets nucléaires. Engie cherchait, en toute logique, à tirer le niveau de ce plafond vers le bas, contrairement à son interlocuteur qui, lui, souhaitait se couvrir le plus possible.
« Grâce au transfert de l’ensemble des obligations liées aux déchets nucléaires au gouvernement belge, le groupe Engie ne sera plus exposé à l’évolution des coûts futurs liés au traitement des déchets revus tous les trois ans par la Commission des Provisions Nucléaires », précise le communiqué de presse.
Les deux parties ont également trouvé un accord sur la vente de l’électricité produite par ces deux réacteurs, via un mécanisme de contrat pour différence (CFD) assurant un revenu fixe pour le producteur et un prix stable pour le consommateur. Ce mécanisme comprend « un intéressement de l’opérateur industriel à une bonne performance technique et économique des installations », précise le communiqué. Le niveau de prix, qui faisait débat, reste toutefois confidentiel.
Engie veut sortir de l’atome civil au plus vite
Au-delà de ces considérations économiques, les négociations étaient paralysées par un facteur politique. « La ministre de l’énergie Tinne Van der Straeten, écologiste flamande, souhaite que ce dossier [de prolongation de deux réacteurs nucléaires, ndlr] capote », expliquait, en début d’année à La Tribune, Damien Ernst, spécialiste de l’énergie et professeur à l’université de Liège.
Pour Engie, ces négociations constituaient un véritable fardeau, car le groupe s’était engagé auprès de ses actionnaires à sortir au plus vite de l’atome civil. L’énergéticien estime que le nucléaire doit relever du fait d’un acteur souverain en raison, justement, de la complexité de la gestion des déchets nucléaires. « Une complexité qui apporte une vulnérabilité », pointait un bon connaisseur du dossier. Ce matin le cours de l’action enregistrait une légère hausse (+1,35%) à 14,6 euros.
Par Juliette Raynal, publié le 29 juin 2023
Photo en titre : Centrale nucléaire belge (Crédits : Vincent Kessler)
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