Pour la première fois une banque française — Le Crédit Mutuel Océan (CMO) — a appliqué le Traité des Nations Unies sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) dans sa politique sectorielle défense. Mais sous l’effet de diverses pressions et de critiques parlementaires, le CMO fait croire que cet engagement n’a jamais existé. Cette action prouve à la fois que le TIAN a une vraie influence en France et que le combat pour l’imposer est vif !
Alors que le TIAN entre dans sa sixième année d’existence, après son adoption le 7 juillet 2017, ICAN France invite la population à agir sur sa banque et publie sa première BD « les banques et la bombe atomique ! »
Comme le prouve les documents en notre possession et la conversation téléphonique réalisée le 12 juin 2023 avec le Crédit Mutuel Océan (CMO), cette banque à entre décembre 2022 et le mois de juin affichée une politique sectorielle de défense et de sécurité qui mettait en avant à deux reprises le plus haut standard de désarmement :
- « Au niveau mondial, le droit international régule le commerce des armements, et a adopté, […] en 2017, un traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN entré en vigueur en 2021) ».
- « Aucun financement et service bancaire ne seront apportés par le CMO aux entreprises dont les activités sont liées aux armes controversées, non conventionnelles et de destruction massive : mise au point, fabrication, production, acquisition, stockage, conservation, offre, cession, importation, exportation, commerce, courtage, transfert et l’emploi – tel que défini en détail dans la loi française ou dans le traité TIAN des Nations Unies ».
Cette prise de position était une première en France, aucune autre banque n’ayant jusqu’à présent indexé sa politique d’exclusion de financement des entreprises fabriquant des systèmes d’armes nucléaires sur cette nouvelle norme internationale.
Le monde de la finance peut jouer en effet un rôle décisif pour mettre fin à la prolifération et pour faire avancer le désarmement nucléaire. En effet, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires interdit (article 1.e) aux institutions bancaires et financières toutes interactions économiques avec des entreprises produisant des armes nucléaires et systèmes permettant leur développement et leur mise en œuvre (avions, sous-marins, missiles…).
Une mesure déjà adoptée dans les 68 États parties au Traité, mais aussi par plusieurs dizaines de banques et fonds de pensions membres d’États opposés au TIAN : banques belge (KBC), allemande (Deutsche bank) ou encore norvégienne (le fonds souverain de Norvège) ; entraînant des exclusions de financement de compagnies européennes, chinoises, indiennes, ou encore des États-Unis.
Or, si désormais, le CMO affiche toujours un document de politique sectorielle de défense et de sécurité, avec la mention « actualisée en décembre 2022 » ; ce document ne contient plus aucune référence au TIAN !
Ce revirement complet trouve une triple explication
- Le CMO est une des 4 filiales du Crédit Mutuel, dont la maison mère (Crédit Mutuel Alliance) ne reconnaît pas le TIAN et investit massivement dans des entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires. Ainsi entre janvier 2020 et juillet 2022, le Crédit Mutuel a réalisé des opérations économiques pour plus de 1 761 millions € (chiffre de notre partenaire Pax, rapport 2022 Don’t Bank on the bomb) ;
- Le rapport d’information sur l’économie de guerre du député Christophe Plassard, critiquait cette politique indiquant que le CMO « fait donc référence à un traité international que la France n’a pas ratifié » et qui dénonce « la légitimité de sociétés privées [les banques] pour remettre en cause la dissuasion, qui est une constante de la politique étrangère de notre pays » ;
- Enfin, la pression politique a sans aucun doute fait reculer André Lorieu Président et Jean-Pierre Morin Directeur Général du CMO. En effet, depuis le 7 février 2020, la doctrine « Macron » est en cours ! Lors de son discours sur la dissuasion, le président intima l’ordre que le TIAN ne crée « aucune obligation nouvelle ni pour les acteurs publics ou privés sur son territoire».
Les autres banques — BNP, Société Générale, Crédit Mutuel, Crédit Agricole, Groupe BPCE, La Banque postale, etc. — ne reconnaissent pas encore le TIAN et pratiquent également le « peace-washing », qui consiste à donner l’illusion du respect des pratiques internationales en faveur de la paix et de la sécurité mondiale. Si elles considèrent toutes les armes nucléaires comme des « armes controversées » – comme le CMO – dans la pratique, elles financent sans restriction des entreprises clés de la dissuasion française, britannique et des États-Unis (35 milliards d’euros entre 2020 et 2022, chiffre rapport Don’t Bank on the Bomb, 2022) ou encore indienne pour la BNP (entre 2015 et 2020).
L’attitude du CMO exprime un malaise profond et au-delà interroge même sur le respect de son code d’éthique et de déontologie ou il est indiqué qu’elle s’engage à « construire avec les sociétaires et clients des relations fortes et durables fondées sur la confiance réciproque ». La confiance ne peut pas exister dans une banque qui efface (courant juin 2023) des éléments clés de sa politique, sans rien dire à ses clients, tout en conservant la date d’origine de décembre 2022 ! Pratique-t-elle ce même genre d’action pour ses autres politiques sectorielles liées au charbon, ou aux hydrocarbures ?
Enfin cela démontre une nouvelle fois à quel point les banques sont frileuses et honteuses d’afficher leurs investissements, réalisés avec l’épargne de leurs clients sans leur consentement, dans des armes nucléaires !
ICAN France appelle
- Le Crédit Mutuel Océan à republier son document original (disponible ici) de politique sectorielle de défense et de sécurité, qui mentionnait la reconnaissance du Traité des Nations Unies sur l’interdiction des armes nucléaires ;
- Les habitant.e.s des départements de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres et de la Vendée à se tourner vers le Crédit Mutuel Océan, pour exprimer leurs interrogations et étonnement vis-à-vis du manque d’honnêteté qu’exprime cette démarche ;
- Les banques françaises à intégrer dans leur politique sectorielle « Armement» le Traité des Nations Unies sur l’interdiction des armes nucléaires, qui est le plus haut standard du droit du désarmement et du droit international humanitaire ;
- Les Français.es à interroger leur banque sur la cohérence entre leurs investissements dans des entreprises participant à la production de systèmes d’armes nucléaires et leurs discours en faveur du développement durable et de l’investissement responsable ;
- Les villes — et notamment les 71 qui soutiennent ouvertement le TIAN, à l’image de l’action conduite par la municipalité de Lyon avec notre Campagne — à adresser à leurs banques un questionnaire portant sur la mise en œuvre d’une Responsabilité sociétale et environnemental avec un volet sur le nucléaire militaire ;
- Le président Macron à réaliser une politique responsable, en annonçant que la France ne laissera pas son siège de l’ONU vide lors de la seconde réunion des États parties au TIAN (27 novembre au 1erdécembre 2023, New York) et sera ainsi présente comme État observateur.
Informations
- Nos analyses sur la posture des banques ici et ici
- Le document de CMO publié en décembre 2022
- Le document de CMO publié courant juin 2023, mentionnant toujours la date de réalisation « décembre 2022 »
- Le rapport complet du député Christophe Plassard et sa partie sur le CMO
- Le communiqué de presse en pdf
Pour info, voir : DÉPENSES MONDIALES POUR LES ARMES NUCLÉAIRES EN 2022
et REJOIGNEZ-NOUS !
http://icanfrance.org/quand-banque-credit-mutuel-ocean-se-fait-taper-pour-avoir-reconnu-traite-interdiction-armes-nucleaires/
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