En Australie, la ville de Nouvelle-Galles du Sud est pressentie pour accueillir les futurs sous-marins à propulsion nucléaire. Syndicats, étudiants et habitants s’y opposent, renouant avec le passé antinucléaire et antimilitariste de la cité portuaire.
Reportage
De sous-marins ne leur parlez plus : à Port Kembla, les habitants n’en ont que faire. Pas question de voir s’installer une base militaire dans leur port, fleuron de la sidérurgie australienne depuis les années 1920, du syndicalisme… et de la lutte antinucléaire.
Quand l’ancien Premier ministre australien Scott Morrison a annoncé, courant 2022, que la ville était susceptible d’accueillir la future base des sous-marins à propulsion nucléaire acquis dans le cadre du pacte tripartite AUKUS (Australie – Royaume-Uni – États-Unis), Port Kembla est tombée des nues.
Ça en a surpris plus d’un, témoigne Arthur Rorris, président du South Coast Labour Council, l’organe regroupant les différents syndicats de la région. Notre engagement antinucléaire date pourtant de plusieurs décennies !
Arthur Rorris, président du South Coast Labour Council, l’organe regroupant les différents syndicats ouvriers de la région, mène le cortège lors de la manifestation du 6 mai, à Port Kembla. | LÉO ROUSSEL / OUEST-FRANCEVoir en plein écran
Une histoire antinucléaire
Dans la petite ville industrielle, située à une centaine de kilomètres au sud de Sydney, l’opposition à la nucléarisation et à la militarisation du port traverse les générations.
Dans les années 1930, les travailleurs ont pris des mesures contre l’exportation de fonte vers le Japon, où le métal était utilisé par l’armée pour fabriquer des bombes et des balles , explique Alexander Brown, militant au sein du groupe Wollongong Against War and Nukes (Wollongong contre la guerre et le nucléaire). Puis il y a eu l’opposition aux essais nucléaires, à la guerre du Vietnam, à la menace nucléaire pendant la Guerre Froide, et à la guerre en Irak en 2003.
L’agglomération de Wollongong, dont fait partie Port Kembla, s’est même revendiquée ville sans nucléaire en 1980. Une position réaffirmée en 2006 et 2022 dans ses statuts, par procès-verbal.
« Relancer le mouvement pour la paix »
Le 6 mai dernier, une manifestation à Port Kembla a vu de nombreux habitants réaffirmer cet engagement, et exprimer leur refus de la militarisation du port. Aux côtés de syndicalistes, d’élus et d’étudiants venus de Sydney, ils ont aussi dénoncé le soutien sans faille de Canberra aux États-Unis, dans un contexte de hausse des tensions avec la Chine au sujet de l’Indo-Pacifique.
Port Kembla, la ville australienne qui fait la guerre aux sous-marins nucléaires – Le 6 mai dernier, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Port Kembla pour s’opposer à l’éventuelle implantation d’une base pour sous-marin. | LÉO ROUSSEL / OUEST-France (Voir en plein écran)
« On voit que la machine de guerre se met en place à l’échelle mondiale, nous devons relancer le mouvement pour la paix , témoigne Ruth, une habitante présente à la manifestation du 6 mai. Mais pour nous, il y a aussi un véritable enjeu local. »
Une transition vers les renouvelables menacée
Port Kembla fait déjà face à un défi de taille : passer d’une industrie métallurgique trop émettrice en CO2 vers l’industrie du renouvelable. « On travaille sur cette voie depuis plus de dix ans », reprend Arthur Rorris, qui affirme que « la ville est en bonne position pour créer des milliers d’emplois, notamment dans l’éolien en mer. »
Pour David Shoebridge, sénateur australien des Greens (parti écologiste), Port Kembla a l’opportunité de devenir un véritable centre d’exportation d’énergie renouvelable . Un projet qui serait rendu impossible par l’implantation d’une base pour sous-marin.
Sans réponse claire du gouvernement, militants et syndicats donnent de la voix, jusqu’à Sydney, pour sensibiliser à leur combat. Il faut continuer notre campagne de sensibilisation sur le long terme, poursuit Alexander Brown. « En cas d’annonce concrète, nous serons prêts. »
Par Léo Roussel et Ouest-France , Port Kembla, publié le 30/07/2023 à 11h07
Photo en titre : Lors de la manifestation du 6 mai dernier | LEO ROUSSELVoir en plein écran
https://www.ouest-france.fr/monde/australie/port-kembla-fait-la-guerre-aux-sous-marins-nucleaires-3acb67ca-2eb8-11ee-b5fe-66040bf53e45
NDLR: Je rêve d’un jour où tous les travailleurs du monde seront devenus antinucléaires et antimilitaristes comme ceux de Port Kembla!
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