« POSITION VIEILLOTTE » OU « VALEUR FONDAMENTALE » : LES JEUNES ÉCOLOGISTES SONT-ILS TOUJOURS ANTI-NUCLÉAIRES ?

C’est un totem de l’écologie politique depuis les années 80 en France : la sortie progressive du nucléaire. Pourtant, chez certains jeunes militants, il passe au second plan après la lutte contre le réchauffement climatique, car l’énergie atomique ne rejette pas de gaz à effet de serre.

Elle est de toutes les marches pour le climat, refuse de prendre l’avion, se prévoit des vacances en vélo. Mais quand vient la question du nucléaire, Camille, jeune activiste de 20 ans, est moins tranchée. « Le moins criminel serait de continuer à exploiter les centrales déjà existantes, puisqu’elles sont là et que les démanteler en ferait des déchets nucléaires, plutôt que démanteler immédiatement et ne plus avoir accès à cette source d’énergie sans émission [de gaz à effet de serre]. » Ce qu’elle souhaite avant tout, c’est la réduction globale de la consommation d’énergie pour éviter d’aggraver le réchauffement climatique.

D’autres sont plus radicaux, comme François Jaffré. Cet étudiant de 25 ans, membre des Écohumanistes et porte-parole de « Dear Greenpeace«  se définit comme écologiste et fondamentalement pro-nucléaire. Pour lui, les centrales sont la solution pour une énergie décarbonée. « La sortie anticipée du nucléaire, des pays comme l’Allemagne et la Belgique l’ont fait, heureusement, que partiellement. On a bien vu que les émissions de CO2 ont significativement augmenté après la sortie du nucléaire. Donc j’espère que Greenpeace, que Europe Écologie les Verts, changeront de position. » Le jeune homme fait partie des 4.000 signataires de la pétition Dear Greenpeace, qui demande à l’ONG d’arrêter avec ses positions « vieillottes » et « anti-scientifiques » sur la question, selon les termes du texte.

« Pas de fracture générationnelle »

L’antinucléarisme fait pourtant parti de l’ADN de l’écologie politique selon Dominique Voynet, l’une des fondatrices du parti Les Verts en 1984. À l’époque, ce mouvement s’ancrait dans la lutte contre le nucléaire militaire, dans un contexte de guerre froide et d’essais militaire, auquel s’est ajouté la catastrophe de Tchernobyl. Près de 40 ans plus tard, s’opposer au nucléaire est toujours d’actualité pour l’ancienne ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement. « Un des motifs les plus sérieux d’opposition au nucléaire aujourd’hui, outre les accidents et le sort des déchets, c’est quand même la question de l’eau. » Les centrales nucléaires consomment beaucoup d’eau, qu’elles rejettent ensuite dans les cours d’eau, mais à une température plus élevée, causant un risque pour la biodiversité explique Dominique Voynet.

Une valeur « fondamentale » pour EELV

Elle s’interroge sur ces jeunes militants écologistes, qui ne sont pas fondamentalement anti-nucléaire. Il s’agit d’une minorité selon elle. Une minorité à laquelle Noël Mamère, autre doyen du mouvement en France, souhaite parler. « Les gens de ma génération ont un devoir de transmission. Ces jeunes militants, ces jeunes activistes, sont notre espoir. » Il maintient : il n’y a ni « fracture générationnelle » entre deux générations d’écologistes, ni « religion anti-nucléaire » chez les Verts.

L’actuel Europe Écologie les Verts fait ce constat : « Il nous faut […] prendre en compte l’émergence d’une génération qui n’a pas connu les essais nucléaires militaires ni la période de la guerre froide et dont la préoccupation majeure est la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. » Une fois cet état des lieux posé, il reste ferme sur ses appuis : la sortie progressive du nucléaire reste « une valeur fondamentale » du parti.

Par Louise Thomann, publié le 1er septembre 2023

Photo en titre : De jeunes activistes écologistes ne font pas forcément de l’antinucléarisme le cœur de leur engagement. (Image d’illustration) © Radio France – Théo Caubel

https://www.radiofrance.fr/franceinter/position-vieillotte-ou-valeur-fondamentale-les-jeunes-ecologistes-sont-ils-toujours-anti-nucleaire-8118510

NDLR : Il est vrai que certains écologistes « historiques » ont eu par le passé des positions trop radicales du genre « on peut fermer tous les réacteurs en quelques mois, éventuellement quelques années » ce qui bien évidemment était ridicule et a conduit à faire cette scission et à affaiblir le mouvement. Mais de là à devenir pronucléaire et construire de nouveaux réacteurs… !

D’accord avec Noël Mamère : il faut se parler, arguments contre arguments et on verra bien qui se trompe.