Aéroports, fermes-usines, mégabassines… Macron annonce sa planification écologique tout en prévoyant des centaines de projets bétonisant le pays, dénonce Terres de luttes dans cette tribune. (Terres de luttes est un collectif opposé à la bétonisation des terres, « bradées au profit d’extension d’aéroports, d’entrepôts Amazon ou autres centres commerciaux par centaines ».)
Et si nous commencions par déplanifier la destruction écologique ?
Macron a annoncé en grande pompe le 25 septembre sa planification écologique à long terme, tout en continuant d’engager des projets destructeurs pour l’écologie. Car quand on s’attarde un minimum sur la situation dans notre pays, le constat est accablant : des centaines de projets sont en préparation sur le territoire.
Sont ainsi dans les cartons et actuellement menés au moins 80 projets de routes et d’autoroutes, 16 aéroports ou extensions, plus d’une centaine de projets de mégabassines, 60 projets de fermes-usines et extensions, plus de 200 zones commerciales et logistiques, et encore des centaines de parcs de loisirs absurdes, d’industries destructrices, de complexes immobiliers… qui bétonnent nos terres et détruisent le climat.
La carte des luttes réalisée par Reporterre continue chaque semaine de s’enrichir de sinistres projets qui poussent dans quasiment tous nos départements à une vitesse inquiétante. Ces projets, les pouvoirs publics continuent de les financer, les autoriser, les soutenir. Alors qu’ils sont polluants et complètement contradictoires avec les objectifs environnementaux de la France.
Pourtant, nous avons d’ores et déjà des outils de planification écologique, rendus bien imparfaits : la stratégie nationale bas carbone, sans cesse revue à la baisse, et l’objectif de zéro artificialisation nette, remis en cause régulièrement par les nombreuses exceptions et son manque d’applicabilité.
Le traitement de ces objectifs par le gouvernement est révélateur : l’État a été condamné pour non-respect du premier, et en France chaque année c’est une surface de terre de l’équivalent de cinq fois celle de Paris qui est impactée par l’activité humaine. Il n’est plus temps de réfléchir aux adaptations à la marge, mais bien de changer drastiquement de trajectoire.
« Il est manifestement mensonger de parler de planification écologique »
Dans l’étude Projet local, impact global, nous avons voulu répondre avec le cabinet BL Évolution à cette question :
« l’État peut-il à la fois défendre ces objectifs écologiques et soutenir la construction de ces centaines de projets ? Est-ce compatible, et à quel prix ? »
Concernant l’artificialisation, une fois la part de l’habitat collectif, des mobilités douces et des énergies renouvelables sanctuarisées, il est encore possible d’artificialiser 53 000 hectares sur le territoire pour entrer dans la trajectoire définie par la loi Climat.
Le collectif Non à la ligne 18 dénonce le bétonnage des terres agricoles en Île-de-France, lors de la marche climat de mars 2022. © NnoMan Cadoret/Reporterre
Mais en parallèle, sont planifiés des projets très consommateurs d’espaces, par exemple trente-deux projets routiers pour près de 17 000 hectares (ha) consommés, la généralisation des bassines agricoles pour plus de 7 000 ha, la construction des sites industriels clés en main pour 6 000 ha, ou encore le projet de mine « Espérance » (en Guyane) qui pourrait artificialiser à lui seul 15 000 ha. Cette poignée de projets représenterait déjà une consommation de 80 % du budget.
En résumé : nous bâtissons mois après mois, année après année, les conditions de notre échec à atteindre les objectifs fixés en termes de baisse des émissions et de zéro artificialisation nette. Tant que ces projets ne seront pas repensés, modifiés, annulés, il est manifestement mensonger de parler de planification écologique.
60 nouvelles routes et autoroutes, 13 extensions d’aéroports…
Pire : au-delà de leur impact direct, ces infrastructures nous enferment dans un modèle toujours plus polluant et duquel nous aurons bien plus de mal à sortir. Comment imaginer passer des 38 millions de voitures individuelles en France à des transports décarbonés et en commun si le pays décide de construire soixante nouvelles routes et autoroutes pour un coût d’au moins 18 milliards d’euros, plutôt que de financer le ferroviaire, les bus ou le vélo ? Comment inciter la population à un tourisme plus écologique tout en finançant treize extensions d’aéroports et en accélérant le trafic du secteur ?
Comment imaginer réduire la consommation de viande et de produits laitiers tout en construisant des fermes-usines toujours plus grandes, de 300 000 poulets, 10 000 cochons, 1 000 vaches… ? Comment imaginer une agriculture sobre en eau, comment s’adapter, cultiver d’autres semences et différemment, tout en planifiant 500 futures mégabassines qui gaspillent et s’accaparent l’eau, en nous enfermant dans un modèle dépassé ?
« On ne peut construire d’une main ce qu’on détruit de l’autre »
Comment imaginer relocaliser la production et la consommation, éviter des transports inutiles et toujours plus de frets quand l’on construit des centaines de centres commerciaux et d’entrepôts logistiques XXL complètement déconnectés de leur territoire ?
Comment organiser la sobriété énergétique de notre pays en créant des infrastructures pour continuer à consommer autant — des milliers de méthaniseurs, de nouveaux réacteurs nucléaires, de terminaux méthaniers, de centrales à biomasse, de millions de voitures électriques individuelles — comme si l’on pouvait d’un claquement de doigts remplacer le pétrole par le gaz et les renouvelables ?
En matière d’écologie, où le statu quo revient à détruire les conditions de la vie sur Terre, le « en même temps » n’a pas de sens et nous le répéterons autant qu’il le faudra : on ne peut construire d’une main ce qu’on détruit de l’autre.
Un automne de mobilisations
Nous savons bien maintenant que l’écologie n’est qu’un élément de communication de ce gouvernement et qu’elle perdra toujours les arbitrages quand les intérêts économiques des plus puissants sont en jeu. Le même gouvernement qui valide le projet d’autoroute A69 et qui reste sourd à la détresse d’activistes en grève de la faim jusque devant sa porte. Nous savons que nous n’obtiendrons pas de planification écologique et l’arrêt de ces projets destructeurs en demandant gentiment, sans rapport de force et sans créer de coût politique et financier à nos adversaires.
Nous invitons donc toutes les personnes réellement concernées par la planification écologique à rejoindre les plus de 600 collectifs d’habitant es qui se battent sur le terrain contre ces infrastructures polluantes, et qui sont concrètement investies pour un avenir vivable. Par leurs recours juridiques, leurs mobilisations populaires, leurs actions, leur force de conviction, elles font respecter à l’État ses objectifs environnementaux… malgré lui.
C’est ainsi un véritable mouvement social qui se coordonne et grandit peu à peu, comme il l’a fait à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) en mars ou au Larzac cet été. Un mouvement rural, hétéroclite, où la jonction de la jeunesse climat et des associations écologistes, du monde paysan et des riverain es indigné es crée des mobilisations populaires à même de contrer les plans des multinationales et des libéraux. Un mouvement qui obtient des victoires, sur son terrain, nos terres, partout là où nos adversaires portent des projets hors-sols déconnectés des besoins et des choix des populations.
Concrètement, c’est un automne de mobilisations qui vient de commencer, avec plus de cinquante dates de mobilisations faciles à rejoindre qui sont déjà posées pour ces prochains mois et stopper ces projets aberrants. Et sur ces projets, les fermes-usines, les bassines ou les routes, nous exigeons un moratoire afin de les suspendre le temps de les réinterroger. Car si l’on ose sérieusement les mettre en regard de cette planification écologique que tout le monde appelle de ses vœux, la seule conclusion logique qui s’impose est d’y mettre fin.
Alors, ensemble, déplanifions le désastre que nous livre le gouvernement, rejoignons les luttes locales !
Par Terres de luttes, publié le 26 septembre 2023 à 09h56, mis à jour le 26 septembre 2023 à 15h02
Photo en titre : L’aéroport de Lille prévoit d’accueillir 3,5 millions de passagers par an à l’horizon 2040 contre 2,2 millions en 2019. – Non à l’agrandissement de l’aéroport de Lille
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