BRUXELLES APPORTE SON SOUTIEN À UNE ALLIANCE EUROPÉENNE DES PETITS RÉACTEURS NUCLÉAIRES

Lors du 16ème forum européen sur l’énergie nucléaire qui se tenait à Bratislava en Slovaquie lundi et mardi (6 et 7 novembre), la commissaire européenne à l’Énergie, Kadri Simson, a apporté son soutien au développement d’une alliance autour des petits réacteurs nucléaires (SMR).

Si les énergies renouvelables continuent de faire l’unanimité à Bruxelles, le nucléaire fait un retour en grâce dans le paysage énergétique européen, poussé par la France et son « alliance du nucléaire ».

Mardi (7 novembre) à Bratislava, l’exécutif européen a même franchi une nouvelle étape. Lors du 16ème forum européen annuel de l’énergie nucléaire (ENEF), la commissaire européenne à l’Énergie, Kadri Simson, a en effet apporté son soutien au lancement d’une alliance européenne des petits réacteurs nucléaires modulaires (small modular reactor, SMR, en anglais).

« Aujourd’hui, je peux confirmer que la Commission effectuera tous les travaux préparatoires en vue de lancer l’alliance industrielle dans les mois à venir », a-t-elle déclaré, suscitant l’enthousiasme chez les défenseurs du nucléaire qui réclament depuis plusieurs mois la mise en place d’un tel outil de coordination.

En parallèle, les industriels du secteur, des chercheurs, des organismes de réglementation, de potentiels clients et la Commission européenne ont déjà monté un « pré-partenariat européen SMR ».

Quelques jours avant l’évènement, 12 ministres européens en charge de l’Énergie avait également fait pression en envoyant à Mme Simson et trois autres commissaires européens une lettre commune appelant à « la création d’une “alliance industrielle” pour les SMR au niveau de l’UE ».

Il s’agissait, en outre, du message principal de la réunion de l’« alliance du nucléaire » qui s’est tenue en marge de l’ENEF à l’initiative des ministres slovaques et françaises chargées de l’Énergie, Denisa Sakova et Agnès Pannier-Runacher.

Alliance du nucléaire : le financement des petits réacteurs à l’ordre du jour

L’Alliance du nucléaire se réunira de nouveau mardi (7 novembre) à Bratislava en Slovaquie. Le pays hôte souhaite aborder le rôle de la Commission européenne pour accélérer le développement de petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR).

Nouveau paradigme

Avec cette déclaration de soutien de Mme Simson, la Commission européenne semble acter un nouveau paradigme.

« L’année dernière, à la même époque, nous étions plongés dans la crise de l’énergie. Un an plus tard, beaucoup de choses ont changé. Aujourd’hui, la conversation autour de l’énergie nucléaire — non seulement en Europe mais aussi dans le monde entier — a évolué », a-t-elle expliqué.

Selon elle, le nucléaire est dorénavant un moyen d’assurer la « sécurité de l’approvisionnement en électricité » à des prix stables et mesurés, un moyen d’atteindre les objectifs « ambitieux en matière de climat et d’énergie » fixés au niveau européen, ainsi que de conserver un «leadership technologique» permettant de préserver «l’autonomie stratégique de l’Europe en matière d’énergie ».

Des objectifs auxquels les SMR pourraient participer. « Pour toutes ces raisons, depuis 2022, la Commission s’est impliquée dans la mise en place d’un partenariat européen sur les SMR », a indiqué la commissaire européenne.

Depuis plusieurs années, la Commission de Bruxelles a lancé différentes alliances — sur les batteries, le solaire et l’hydrogène entre autres — dans le but d’accompagner le déploiement de filières industrielles en rassemblant gouvernements, chercheurs, et représentants de la société civile autour d’une thématique.

Les travaux peuvent porter notamment sur la définition d’une réglementation appropriée au niveau européen, ainsi que le partage de compétences et de connaissances pour le développement, la maintenance et la construction d’infrastructures.

Pour le solaire par exemple, le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, assurait lors du lancement officiel de l’alliance, qu’elle permettra de « créer des chaînes de valeur complètes pour le solaire photovoltaïque » en Europe afin de « réduire nos dépendances [énergétiques] ».

Concernant le nucléaire, Mme Pannier-Runacher a notamment insisté à Bratislava sur le fait que 300 000 emplois étaient attendus dans la filière d’ici à 2050. Également, fin avril, le président de la filiale SMR d’EDF Nuward, Renaud Crassous, déclarait à Euractiv France qu’il était nécessaire que « les autorités de sûreté et les réglementations nationales acceptent l’équivalence de certaines règles ».

Une alliance pourrait donc aider à fluidifier les discussions sur ce sujet.

En outre, une alliance européenne doit également assurer une place à l’UE dans la compétition mondiale, notamment avec la Chine et les États-Unis.

D’autant que le géant outre-Atlantique est déjà passé à l’attaque sur le Vieux continent officialisant, en Roumanie, la mise en route d’un SMR de technologie américaine avant 2030.

Un petit réacteur nucléaire américain sur le sol européen dès 2029, selon un haut fonctionnaire américain

Les États-Unis visent à déployer le premier petit réacteur nucléaire modulaire de fabrication américaine en Roumanie et en Tchéquie d’ici « 2029 », selon un fonctionnaire américain.

Convaincre Ursula von der Leyen

Afin de mener à bien les ambitions exposées à Bratislava, faut-il encore s’assurer du soutien de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dont l’approbation est nécessaire pour lancer officiellement une alliance des SMR.

Ce projet est « faisable », nous confie avec confiance l’eurodéputé français (Renew) et leader de l’intergroupe parlementaire sur le nucléaire, Christophe Grudler, présent mardi en Slovaquie.

Il faudra également compter avec la réticence des États membres traditionnellement opposés au nucléaire, Autriche et Allemagne en tête.

La France, de son côté, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Selon Mme Pannier-Runacher, l’UE doit assurer son soutien au nucléaire de plusieurs manières.

Technique et politique d’abord, en reconnaissant in fine que le nucléaire doit être traité au même niveau que les énergies renouvelables. Financier ensuite, en facilitant le recours à des financements d’institutions européennes, comme la banque européenne d’investissement ou la banque européenne pour la reconstruction et le développement.

« Les financements européens doivent être alignés entre le nucléaire et les renouvelables », a-t-elle déclaré à Bratislava, au côté de son homologue slovaque, Mme Sakova.

Les intentions de la France sont claires : « construire la feuille de route de la prochaine Commission européenne et mettre en place ces nouvelles politiques publiques », et affirmer que « l’Europe est en train de changer sur la politique nucléaire ».

Nucléaire : bilan et perspectives d’un retour en grâce en Europe

Au terme d’une saison 2022-2023 mouvementée, le nucléaire opère un retour remarqué sur le devant de la scène énergétique européenne. C’est le signe, si l’on en croit le ministère de l’Énergie français, d’un « excellent bilan » diplomatique. Récapitulatif.

Par Paul Messad (source Euractiv France), publié le 09 novembre 2023 à 10h44

Photo en titre : À gauche, la commissaire européenne à l’Énergie, Kadri Simson, à droite, la ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, le 19 juin 2023 à Luxembourg. [Conseil de l’UE / Union européenne.

[Édité par Frédéric Simon]

https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/bruxelles-apporte-son-soutien-a-une-alliance-europeenne-des-petits-reacteurs-nucleaires/

NDLR : Tout cet argent qui ne sera pas investi dans le déploiement des énergies renouvelables… ! Agnès Pannier-Runacher aura au moins gagné un bel avenir politique.