Pour réussir le pari de la transition énergétique, la France va devoir construire de nouvelles lignes électriques de 400 000 volts, a prévenu le patron de RTE Xavier Piechaczyk, devant les sénateurs. Or, ces immenses ouvrages, qui n’ont pas été construits en France depuis de nombreuses années, restent extrêmement difficiles à enterrer et poseront forcément des questions d’acceptabilité. Alors qu’une course contre la montre est enclenchée, le gestionnaire doit présenter sa nouvelle stratégie d’investissements au printemps 2024.
Les questions d’acceptabilité se posent aujourd’hui pour le développement des parcs éoliens et, dans une moindre mesure, pour les champs photovoltaïques. Elles se poseront demain pour « les nouvelles tranches nucléaires », mais aussi « pour les nouvelles lignes électriques », a prévenu Xavier Piechaczyk, le président du gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE, alors que la France va devoir construire de nouvelles autoroutes de l’électricité sur son territoire.
« Et ça c’est nouveau ! Cela fait de nombreuses décennies que la France n’avait pas développé de nouvelles lignes électriques à très haute tension sur son territoire national », a-t-il rappelé lors de son audition fin octobre au Sénat, sur l’avenir du mix électrique.
Plus de moyens de production… mais aussi plus de réseau !
Pour se désintoxiquer du pétrole, du charbon et du gaz à l’origine d’un réchauffement des températures à l’échelle du globe, l’Hexagone devra s’électrifier rapidement et massivement, via le déploiement des véhicules électriques et des pompes à chaleur, notamment. Elle devra aussi produire bien plus d’hydrogène propre pour décarboner les grands sites industriels… ce qui demandera énormément d’électricité aussi ! Résultat, la consommation de l’Hexagone devrait bondir d’environ 40 % d’ici à 2035, selon le scénario central de RTE. La France n’a donc d’autres choix que de mettre les bouchées doubles sur le développement des énergies renouvelables, étant donné que les premiers réacteurs nucléaires de type EPR 2 n’entreront pas en service avant 2035.
Mais pour s’électrifier vite, les seuls nouveaux moyens de production ne suffiront pas, il faut aussi plus de réseau.
« Je veux que vous entendiez que cette électrification passera par la construction de nouvelles lignes électriques sur le territoire national, y compris des grandes lignes 400.000 volts nouvelles », a appuyé le président de RTE devant les sénateurs.
Les lignes à 400 000 volts très difficiles à enterrer
Cette insistance est loin d’être anodine car ces immenses ouvrages transformeront forcément les paysages de leurs territoires. En effet, même si RTE s’attache à enfouir de plus en plus de lignes électriques (comme le montre son bilan électrique 2022), la technologie souterraine reste exceptionnelle pour les lignes à 400.000 volts, dites de très haute tension.
Ainsi, RTE se prépare d’ores et déjà à construire une seconde ligne à très haute tension aérienne entre la Normandie, place forte de la production d’énergies, et les Hauts-de-France, où les besoins électriques vont exploser entre le développement des méga usines de batteries et la bascule de nombre de sites industriels vers l’ère post-fossiles. Une autre consultation devrait s’ouvrir dans les prochaines semaines pour la construction d’une nouvelle ligne électrique dans la zone de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), autre bassin industriel devant opérer sa transition énergétique.
Des investissements par anticipation risqués
Au total, sur l’ensemble des quatre grandes zones industrialo-portuaires à décarboner, RTE a décidé d’investir, par anticipation, entre 1,5 et 2 milliards d’euros pour le développement et l’adaptation du réseau. Ce qui devrait permettre d’acheminer une capacité supplémentaire d’une douzaine de gigawatts.
« Lorsqu’il le faut, nous prenons des risques financiers pour faire des infrastructures par anticipation. Mais nous ne pouvons pas construire une politique d’investissements que par anticipation car cela pourrait relever de coûts échoués partout et il faut que nous gardions comme boussole que ces coûts fixes finissent dans la facture des entreprises et des ménages », a prévenu Xavier Piechaczyk.
Une course contre la montre
Dans cette optique, au second trimestre 2024, RTE devrait présenter son programme d’investissements à l’horizon 2040, à travers son nouveau schéma décennal de développement du réseau. « Ces investissements seront considérables, nous le savons déjà » a lancé le dirigeant.
Cette publication était initialement prévue au 1er trimestre 2024, mais « nous avons besoin de la PPE [programmation pluriannuelle de l’énergie, ndlr] du gouvernement », a précisé Xavier Piechaczyk. Or ce texte réglementaire est censé découler de la Loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), dont le calendrier ne cesse de glisser… « Nous avons besoin de visibilité et de planification », a martelé le président de RTE, tout en évoquant « une course contre la montre ».
Par Juliette Raynal, publié le 10 novembre 2023 à 6h46
Photo en titre : Un pylône électrique d’une ligne de 400.000 volts, en France (Crédits : Wikimedia Commons)
https://www.latribune.fr/climat/energie-environnement/rte-prepare-les-esprits-a-la-construction-de-nouvelles-autoroutes-electriques-en-france-982800.html
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