À l’occasion d’une audition au Sénat le 8 novembre sur l’évolution de la production et de la régulation électriques, le PDG d’EDF Luc Rémont a fait un point d’avancement sur les projets de nouveau nucléaire et précisé son projet de réorganisation du groupe. Qui se fait attendre. Suspendu aux négociations sur les prix de l’électricité avec le gouvernement.
Si les questions de la régulation des prix de l’électricité post-Arenh étaient au cœur des échanges avec les sénateurs le 8 novembre, lors d’une audition de la commission des affaires économiques, Luc Rémont était aussi interrogé sur le nouveau nucléaire. Les deux sujets sont d’ailleurs liés, notamment en ce qui concerne le financement des six nouveaux EPR2. Pour le PDG d’EDF, il n’est «pas possible d’aborder les questions de financement des outils industriels sans aborder la question de modèle économique».
Or pour EDF, ce dernier est lié à la manière dont seront construits les prix de l’électricité à long terme, EDF réclamant, comme ses gros clients industriels, de la visibilité. « Pour le financement des EPR, il faut d’abord avoir de la visibilité, assure-t-il. Il est trop tôt pour donner des éléments de certitude sur les modèles de financement du nouveau nucléaire. » Seule chose qu’il s’autorise à dire : « à ce stade, le groupe EDF n’aura pas les capacités à financer seul ces objets, pour tout un tas de raisons ». À commence par une dette de 65 milliards d’euros.
Pas de Nuward en service en 2030
De toute façon, EDF n’est pas prêt. Pour ce qui est des six EPR2, l’énergéticien est en au stade de la conception détaillée. « Dans tout ce qui définit les objets essentiels du réacteur, on est à 80-90% [de maturité, ndlr.] à ce stade. Nous entrons dans la phase de détail du schéma d’exécution », explique Luc Rémont. Or « le prix d’un objet industriel comme celui-ci dépend de l’objet que l’on construit, du temps que l’on y met et de la structure de financement. Il nous faut encore travailler un peu sur l’objet avec l’ensemble de la filière industrielle, beaucoup travailler sur le temps et sur la structure de financement ».
Bref, avant de définir les modes de financement, faut-il encore savoir exactement combien cela va coûter. EDF est encore moins prêt pour le petit réacteur modulaire Nuward, dont un premier exemplaire était demandé par le gouvernement pour 2030. « Le projet Nuward est dans un stade moins avancé que le projet EPR2 sur la définition des objets à construire, a expliqué Luc Rémont. Nous ne serons pas prêts à le mettre en service en 2030, nous serons prêts à le construire en 2030. »
L’avenir d’EDF lié à la nouvelle réglementation
La réorganisation d’EDF SA promise par Luc Rémont se fait elle aussi attendre. Mais elle se précise. « Les principes de cette transformation du groupe sont de renforcer les métiers qui concourent au succès industriel de ce projet, en commençant par la maîtrise d’ouvrage », c’est-à-dire « de dire ce que le client EDF, en tant que producteur, d’électricité souhaite ».
Pour ce faire, Luc Rémont veut « créer à nouveau au sein d’EDF une grande direction de la construction ». Une telle direction a en effet existé dans les années 1980-90 au moment où EDF a raccordé au réseau jusqu’à quatre réacteurs par an, mais qui en l’absence de construction à l’échelle s’était étiolée à l’intérieur du groupe », rappelle-t-il.
De plus, suite à la demande de l’État de prendre le contrôle de Framatome en 2017 et de la division des turbines Arabelle de General Electric, EDF va aussi être son propre fournisseur de composants. Une autre direction des métiers industriels sera donc créée, ainsi qu’une dédiée à l’ingénierie. En revanche, comme pour le financement des EPR2, Luc Rémont semble attendre qu’un accord avec le gouvernement soit trouvé sur la régulation des prix de l’électricité avant de présenter sa stratégie et la réorganisation du groupe associée, dévoilé partiellement lors d’une précédente audition le 27 juillet.
Par Aurélie Barbaux , publié le 10 novembre 2023 à 05h00
Photo en titre : Luc Rémont, le PDG EDF, était auditionné au Sénat le 8 novembre. © IANNIS G./REA/EDF
https://www.usinenouvelle.com/article/le-financement-du-nouveau-nucleaire-et-la-reorganisation-d-edf-suspendus-aux-futurs-prix-de-l-electricite.N2193703
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