Dans un long entretien, Noam Chomsky aborde les principales tendances du scénario politique international actuel, l’escalade militariste de son propre pays et les risques croissants de guerre nucléaire…
…La guerre nucléaire n’est pas à écarter
Noam Chomsky n’est pas du genre à se laisser porter par des modes académiques ou intellectuelles ; son raisonnement radical mais serein cherche surtout à éviter les emportements, et c’est peut-être pourquoi il se montre réticent à présager au haut-parleur la souvent annoncée décadence de l’empire [américain]. » [Les USA] ont 800 bases [militaires] autour du monde et investissent dans leur armée autant que le reste de la planète entière. Aucun autre pays n’est à ce niveau, avec des soldats combattants sur les quatre coins de la terre. La Chine a une politique principalement défensive, elle n’a pas de programme nucléaire important, bien que celui-ci puisse croître dans le futur ».
Le cas de la Russie est différent. C’est le principal caillou dans la botte de la domination du Pentagone, parce qu’elle « a un système militaire énorme ». Le problème est que ces deux pays sont en train d’accroître leurs systèmes militaires, « tous deux agissent comme si la guerre était envisageable, ce qui est une folie collective ». Chomsky considère que la guerre nucléaire est irrationnelle et qu’elle ne pourrait arriver qu’en cas d’incident ou d’erreur humaine. Néanmoins, il coïncide avec William Perry, ex-secrétaire de Défense, qui a déclaré récemment que la menace d’une guerre nucléaire était aujourd’hui plus importante que lors de la Guerre froide. Chomsky estime que le risque se concentre autour de la prolifération d’incidents qui mettent en cause les forces armées des puissances nucléaires.
« Nous sommes passés très près de la guerre de très nombreuses fois« , admet-il. Un de ses exemples favoris est l’incident survenu lors de la présidence de Ronald Reagan, lorsque le Pentagone a décidé de tester les défenses de l’Union Soviétique en simulant une attaque contre ce pays.
« Le problème c’est que les Russes ont pris l’exercice très au sérieux. En 1983, le système de défense automatisé des soviétiques a détecté une attaque de missile étatsunien. Le protocole prévoyait dans ces cas-là que l’information soit directement remontée au haut commandement et de lancer une contre-attaque. Un soldat devait transmettre cette information, Stanislas Petrov, mais il a décidé qu’il s’agissait d’une fausse alarme. C’est grâce à lui si nous sommes tous vivant et capables d’en parler aujourd’hui. »
Il affirme que les systèmes de défense des États-Unis souffrent de graves erreurs, comme l’a confirmée l’information diffusée il y a quelques semaines au sujet d’une situation qui s’est déroulée en 1979, quand l’armée américaine a détecté une supposée attaque massive de missiles provenant de Russie. Alors que le conseiller à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski décrochait son téléphone pour appeler le président James Carter et lancer une attaque en représailles, une autre information annonçant qu’il s’agissait d’une fausse alerte est arrivée. » Il y a des douzaines de fausse alertes chaque année », assure-t-il.
Dernièrement, les provocations des États-Unis sont constantes. « L’Otan effectue des manœuvres militaires à 200 mètres de la frontière avec l’Estonie. Nous ne tolérerions jamais un tel comportement à la frontière mexicaine. »
Le cas le plus récent est l’affaire de l’avion russe qui bombardait des forces djihadistes en Syrie abattu fin novembre. « Une partie de la Turquie est presque entourée par le territoire syrien et l’avion russe l’aurait traversée pendant 17 secondes, et il a été abattu. Une énorme provocation à laquelle la Russie n’a fort heureusement pas répondu par la force, mais elle a tout de même envoyé son système antiaérien le plus avancé –qui permet d’abattre des avions de l’OTAN- dans la région« . Chomsky rappelle que des provocations ont aussi lieu en mer de Chine, de façon presque continue.
L’impression que donnent ses analyses est que si les puissances agressées par les États-Unis agissaient avec la même irresponsabilité que Washington, notre sort serait scellé.
http://www.legrandsoir.info/face-au-moment-le-plus-critique-de-l-histoire-de-l-humanite-la-jornada.html
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