Aventurisme et amateurisme caractérisent la gestion de la stratégie d’EDF par son nouveau président J.-B. Lévy. Confronté à l’escalade du coût des investissements à prévoir pour la poursuite jusqu’à son terme de l’exploitation des centrales nucléaires et au projet contesté d’Hinkley Point, l’État a le devoir de concéder aux contribuables le droit de décider de l’avenir de sa filière.
L’attention du public à propos du nucléaire est mobilisée par la controverse sur le bénéfice que pourrait retirer EDF de la construction de deux réacteurs nouvelle génération (EPR) dans le sud-ouest de l’Angleterre à Hinkley Point. Aventurisme du projet selon Mediapart mais aussi amateurisme des décideurs tel que le perçoit l’homme de la rue tant soit peu averti.
Jean-Bernard Lévy nouveau patron d’EDF depuis 2014 nous vient de la télévision, des jeux vidéo et de la musique après sa sinécure de 2002 à 2012 comme directeur général puis président du directoire de Vivendi sous la férule de Jean-René Fourtou issu du monde de la chimie. Cet ingénieur ancien membre du corps des Télécommunications a-t-il toutes les compétences requises pour présider aux destinées ou plutôt au sauvetage d’une industrie nucléaire française en péril ?
En fait, l’enjeu de ce mirifique projet en Angleterre d’un coût annoncé d’au moins 23 milliards d’euros que devrait supporter en grande partie le groupe public aux côtés d’investisseurs chinois concerne tous les français. C’est bien ce que nous rappelle Le Canard Enchaîné en première page de son numéro du 3 août empruntant, à sa manière satyrique, à l’humour anglais cette belle formule prêtée à la nouvelle première ministre britannique, Theresa May, sceptique face aux investisseurs chinois et exprimant ainsi le fond de sa pensée : « Par contre, pour les investisseurs français, je ne suis pas inquiète, ils seront plus de 66 millions à payer le projet ».
Mon propos ici est de soulever cette question d’équité : le gouvernement et le président de la République peuvent-ils soutenir ce projet dont l’échec ne peut être écarté au vu des récents fiascos technologiques et dérives financières remettant sérieusement en cause la fable des succès de la France dans le développement de sa filière nucléaire, sans exiger la plus grande transparence sur l’information financière délivrée par EDF depuis 2013 et, tout particulièrement, en ce qui concerne le projet d’Hinkley Point ? Cela est apparu ne pas être le cas au vu des informations dévoilées grâce à la presse.
A l’appui de ce plaidoyer, rappelons d’un côté, les retards incontrôlés sur la mise en service des nouveaux réacteurs à Flamanville après les déboires d’Areva avec les réacteurs finlandais et de l’autre, la sous-estimation abusive des provisions. Selon la Cour des comptes, il en coûtera à EDF 100 milliards d’euros pour prolonger la durée de vie de ses centrales (le grand carénage) auxquels devront s’ajouter 74 milliards d’euros, selon Bruxelles, pour le démantèlement de ses réacteurs. A ces coûts abyssaux devront s’ajouter celui de l’enfouissement profond des déchets nucléaires sur le site de Bure (Meuse) dont le montant est déjà estimé à 25 milliards d’euros. EDF déjà endettée à hauteur de 37,4 milliards d’euros est bien incapable de faire face à de telles charges alors que l’heure de vérité a sonné pour son président en exercice !
Nous contribuables, éternels vaches à lait, sommes exposés aux risques de la faillite d’EDF incapable d’ajouter de la dette à la dette comme avec son projet d’Hinkley Point et, à ce titre, devons être représentés majoritairement au conseil d’administration par des personnalités choisies non seulement pour leurs compétences mais aussi avec la même exigence pour leur indépendance face aux lobbies politiques et corporatifs. Notre pays est malade de ses compromissions entre public et privé avec l’assentiment des politiques de tous bords au mépris de l’intérêt général. Seul cet état de fait explique la dérive actuelle que connaît EDF dans la gestion de sa stratégie.
https://blogs.mediapart.fr/louis-bulidon/blog/180816/edf-en-peril-letat-doit-rendre-des-comptes-aux-contribuables
Commentaires récents