CATASTROPHE NUCLÉAIRE DE FUKUSHIMA : « LE PLUS DANGEREUX DES RADIONUCLÉIDES, C’EST LE MENSONGE »

Michel Jacquemin-Raffestin, spécialiste de Tchernobyl, installé à La Réunion depuis plus de 10 ans, publie un nouvel ouvrage sur une nouvelle catastrophe nucléaire. Le 11 mars 2011, un tremblement de terre puis un tsunami endommagent la centrale de Fukushima. Les cœurs de trois réacteurs entrent en fusion. 10 ans après les conséquences des émissions radioactives sont dramatiques, multiples et étendues bien au-delà de la préfecture de Fukushima ou même du Japon. Le journaliste a mené l’enquête et dénonce « un mensonge d’État« .

Après avoir travaillé sur les conséquences sanitaires et écologiques du drame de Tchernobyl, vous vous intéressez à la catastrophe de Fukushima. Les deux catastrophes nucléaires sont-elles comparables ? En quoi ? 

Ces deux catastrophes nucléaires sont comparables sur plusieurs points, leurs conséquences, entre autres, mais différentes. 

Tchernobyl, c’est la fusion d’un réacteur sur 10 à 15 jours, le nuage va contaminer toute l’Europe. Mais le réacteur est rapidement maitrisé, les soviétiques vont déverser du bore et du sable, construire un tunnel pour bétonner sous le réacteur en faisant venir des ouvriers des mines de charbon. La mentalité de la population communiste soviétique voulait que l’on se sacrifie pour le pays. Les ouvriers qui iront sur le toit pour enlever les morceaux de matières radioactives vont mourir dans des souffrances atroces en quelques jours. 

Fukushima, c’est la fusion de trois réacteurs, deux explosions dues à l’hydrogène, les réacteurs n°1 et le 3. Le n°2 a également failli exploser, ils ont eu de la chance. Six ouvriers ont accepté de se sacrifier pour aller ouvrir les vannes d’aération, sinon, il y aurait eu également une explosion. Mais la contamination est « chronique et pérenne » selon les termes de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). Le Japon est contaminé sur 8% de son territoire. Mais, surtout, le déversement de l’eau dans l’océan Pacifique pollue cet océan et les fonds marins. Fin mai 2011, les poissons pêchés au large de Hong-Kong, (3039 km), étaient contaminés au césium de Fukushima. Plus tard, ce sont les thons pêchés au large de la Californie qui étaient contaminés au césium de Fukushima.

Le point commun est que ces deux catastrophes ont montré que le nucléaire est parfois incontrôlable, comme l’a déclaré le Premier ministre en poste à l’époque, Naoto Kan. Que l’on ne tient pas compte des catastrophes précédentes. De l’inconscience de construire 54 réacteurs dans un pays qui concentre à lui seul 20% des tremblements de terre dans le monde. Et finalement, du peu d’importance que l’on porte aux populations.

Comment interprétez-vous le bilan d’un comité scientifique de l’ONU qui affirme en mars dernier « zéro mort, aucun cancer » directement imputable à la catastrophe ?

Alors, ce rapport est proprement scandaleux avant même d’être mensonger. Et relisez la dernière ligne de ma réponse précédente. Mais ce rapport de l’UNCEAR (Comité Scientifique des Nations Unies sur les Effets des Radiations Atomiques) n’est pas une surprise. C’est leur travail de nier. En mai 2016, le rapporteur spécial du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, Anand Grover, présentait les résultats de sa mission. Pour une fois, les Nations Unies avaient fait leur travail. 

Leurs principales conclusions : « La quantité de césium relâchée suite à l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima est de l’ordre de 168 fois celle relâchée lors du bombardement de Hiroshima. Sans parler du Tellure, du Lanthane, et du Baryum »

Il prend également acte que « l’on ne peut appliquer à Fukushima les mêmes méthodes de maquillage de la réalité mobilisées après Tchernobyl, notamment en ce qui concerne les effets sanitaires désormais identifiés, (aberrations chromosomiques, hausse de la morbidité infantile, hausse du nombre de leucémie) ».

Selon Anand Grover : « on ne peut plus considérer comme négligeable les travaux scientifiques démontrant le lien entre une exposition durable aux faibles doses et le développement des cancers« . Vous comprendrez facilement que cet homme a gentiment été remercié. Il est retourné en Inde, son pays d’origine.

Ce zéro mort est une insulte aux Japonais, les 6 décédés dans les 7 mois qui ont suivis la catastrophe. Ces 6 employés ont reçu une dose entre 309 et 678 mSv, (la limite est de 1mSv pour la population et de 50 mSv pour les travailleurs du nucléaire). L’UNSCEAR a effectivement refusé de reconnaitre que leur décès est dû aux radiations. 

Mais la non-reconnaissance officielle d’un lien entre l’irradiation et la survenue du cancer en septembre 2016 de Monsieur Masao Yoshida, le directeur de la centrale, resté volontairement dans un milieu hautement radioactif, en pleine connaissance de cause, est véritablement une insulte à la mémoire de ce héros. Il est décédé en juillet 2013.C’est également nier les déclarations du gouvernement japonais qui le 17 décembre 2015 reconnaissait le premier cancer d’un ouvrier dû aux radiations, il avait été exposé à 19,8 mSv. 

C’est également nier les 202 cancers de la thyroïde chez les enfants reconnus par le Japon. Le docteur Hisako Sakiyama explique que les cancers observés chez les enfants ont une incidence plusieurs dizaines de fois supérieure à la normale. Dès août 2011, les examens montraient des traces radioactives dans la thyroïde de 45% des enfants de Fukushima. 

Après enquête, quelles sont vos conclusions ? Elles sont différentes de celles des autorités…

Si vous me parlez des conclusions des autorités japonaises, mes conclusions vont plus loin. Des personnes vont vivre sur des terres contaminées et recevoir des faibles doses sur une longue période, je pense que ce sont des milliers de cancers qui vont se déclarer dans les années à venir.

Les autorités japonaises reconnaissent, les leucémies, les cancers des enfants, mais les études ne sont faites que pour la préfecture de Fukushima, et pour les cancers dus à l’iode radioactif. 

Rien n’est fait pour le césium, aucun examen anthropogammamétrique n’est réalisé. Or, le césium, qui a les mêmes propriétés que le potassium se met dans les muscles, le foie le pancréas, et le principal, le cœur. Le professeur Michel Fernex qui s’est rendu au Japon a été surpris de rencontrer des professeurs de médecine qui ne connaissaient rien aux travaux du professeur Belarus, Youri Bandhazevsky, et qui étaient surpris de trouver des infarctus du myocarde chez de jeunes enfants, ça c’est le césium. À 200 km de Fukushima, l’ACRO, (Association Contre la Radioactivité dans l’Ouest), a analysé 12 sacs aspirateurs, ils étaient tous avec une charge de 600 B/kg, donc les personnes qui vivent dans ces maisons vont avoir un cancer dans les années à venir.

Je rappelle que le journal Le Monde annonçait : le 05 juin 2013 « Des cancers de la thyroïde confirmés chez des mineurs de Fukushima » ; le 19 juillet 2013 « Fukushima : 2000 travailleurs exposés à un cancer de la thyroïde », 28 février 2013 : « Un risque de cancer accru près de la centrale de Fukushima ». 

Arrivé là, je pense que vous avez compris, mes conclusions sont très différentes de celles des organismes internationaux tels que l’UNSCEAR, l’AIEA et l’OMS, qui travaillent tous main dans la main. 

Je vous rappelle l’accord OMS/AIEA signé en 1958 stipulait à l’article 151 :  » La solution la plus satisfaisante serait de voir monter une génération qui s’accommoderait de l’ignorance et de l’incertitude« . 

10 après la catastrophe, le Japon a finalement annoncé le rejet après traitement de plus d’un million de tonnes d’eau issue de la centrale dans l’océan. Quelles seront les conséquences ? La Réunion pourrait être concernée? 

Alors là, c’est une vaste plaisanterie. Le Japon relâche de l’eau radioactive depuis 10 ans. Cela va donc enfin être officiel le 13 avril. Rien de plus. 

Le journal Le Point publiait un article le 2 avril 2011 : « De l’eau radioactive s’écoule dans l’océan ». Le 7 février 2016, on pouvait lire un article publié par Le Nouveau Paradigme : « Fukushima : 5 ans après, 1/3 des océans gravement contaminés ». Le 12 août 2017, Ouest France : « Fukushima veut se laver dans le Pacifique ». Le 13 août 2019, RFI : « Le Japon veut déverser l’eau de Fukushima dans le Pacifique ». Le 15 septembre 2019, LCI : « Le Japon s’apprête à rejeter à la mer de l’eau contaminée ; stockée dans plus d’un millier de citernes » etc… donc rien de nouveau. 

L’homme continue de polluer la planète et personne ne bouge, contrairement au changement climatique qui permet de lever des impôts et taxes supplémentaires.

Je ne pense pas que La Réunion soit concernée, mais, qui sait ? Je ne connais pas les courants marins entre l’océan Pacifique et l’océan Indien.

Quelles leçons doivent être tirées de ces catastrophes nucléaires ?

Que le plus dangereux des radionucléides n’est ni l’iode, ni le césium, ni le strontium, mais le MENSONGE !

Lors de la publication de ce fameux rapport de l’UNSCEAR, tous les médias français, hormis Le Monde, on fait le même titre : PAS D’EFFETS NÉFASTE. C’est une honte !

Les mêmes qui depuis 10 ans font des articles sur les dangers de Fukushima, qui ont fait des articles sur les cancers des enfants, sur le décès de Monsieur Masao Yoshida, mentent à présent sur les conséquences sanitaires de cette catastrophe.

Qui ordonne une telle censure ? Oui, le plus dangereux, c’est le mensonge !

Par PB, publié le samedi 8 Mai 2021 à 18h20

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