2 606 travailleurs utilisant des matières nucléaires ont reçu une dose radioactive supérieure à 5 mSv en 2015 en France. Le bilan publié hier (6 septembre 2016) par l’IRSN précise que 14 138 ont été victimes d’une dose supérieure à 1 mSv. 2 travailleurs ont même été victimes d’une contamination radioactive supérieure à 20 mSv et un autre a dépassé les 500mSv. La dose collective externe radioactive délétère que les salarié-es ont subie est en augmentation par rapport à 2014. Areva et EDF sont en tête de ce sinistre podium.
Une contamination externe annuelle supérieure à 20 mSv (limite réglementaire de la « dose efficace » imposée aux travailleurs du nucléaire) a touché 2 travailleurs. Un travailleur de chez Areva (fabrication du combustible) a subi jusqu’à 1,1 mSv de plus de radiation et un autre travailleur d’EDF (réacteur atomique) a subi jusqu’à 3 mSv de plus. Un cas de dépassement de la « limite de dose équivalente aux extrémités » (500 mSv) a en plus atteint un autre travailleur. Les chiffres font froid dans le dos. D’autant qu‘il n’existe pas de contamination radioactive sans effet quelle que soit la dose reçue.
Au total, sur 365 830 travailleurs suivis, ce sont 2 606 travailleurs utilisant des matières nucléaires (usines de conversion et d’enrichissement de l’uranium, fabrication du combustible, centrales nucléaires, retraitement, démantèlement, déchets radioactifs) ainsi que celles liées à la défense nationale et « médical » qui ont reçu une dose radioactive supérieure à 5 mSv en 2015 et 14 138 une dose supérieure à 1 mSv. 1 mSv est la limite annuelle imposée réglementairement à la population par l’industrie nucléaire et ses relais administrativo-politiques.
Selon l’IRSN (1), les travailleurs de l’industrie nucléaire et non directement nucléaire, qui représentent 30 % des effectifs suivis, ont été victimes eux des doses les plus élevées de 1,17 mSv et 1,38 mSv à la moyenne. Et la dose collective de radioactivité reçue (mesurée par dosimétrie externe passive) s’établit à 61,9 h.Sv * pour 2015, contre 56,3 h.Sv en 2014. Une nouvelle augmentation des atteintes à la santé et à la vie.
Mais la moyenne présentée par l’IRSN ne veut rien dire à l’image des statistiques sur les revenus produits à longueur d’année par les experts : la moyenne entre les émoluments d’un patron et le salaire d’un ouvrier de base ne représentera jamais le vécu réel. Une manipulation parmi d’autres pour masquer l’horreur vécue par les victimes et les laissés pour compte. D’autant que toutes les autres activités concernées par l’usage des rayonnements ionisants (applications médicales et vétérinaires, recherche et enseignement, activités industrielles diverses utilisant des sources de rayonnements ionisants) font partie du lot.
Et comme, selon les textes officiels, la dosimétrie individuelle doit être adaptée au poste de travail en permettant l’évaluation « aussi correcte que raisonnablement possible » des doses reçues par le travailleur… « Aussi correcte que raisonnablement possible » : voilà une conception quelque peu non-scientifique et au doigt mouillé dans un domaine où la vie et la santé sont en permanence menacées. Mais comme ce sont les atomistes qui conçoivent les règles et règlements qui leur sont appliqués, pourquoi se gêner.
Bilan aussi tronqué car « le nombre d’analyses est en diminution par rapport à 2014 » constate l’IRSN. Pour l’industrie nucléaire les choses seraient bien plus simple si il n’y a avait plus du tout de contrôle.
C’est à partir d’une surveillance de l’exposition externe des travailleurs réalisée par des dosimètres individuels que la dose de radioactivité délétère atteignant le corps entier ou une partie du corps (peau, doigt, visage) est mesurée. Mais les travailleurs sont aussi exposés à un risque de contamination interne évalué par des examens reposant principalement sur des analyses radiotoxicologiques des urines ou anthroporadiométriques. Examens conduit par les services de santé au travail (dosimétrie opérationnelle) ou en différé après lecture en laboratoire (dosimétrie passive). Seul hic : ces labos sont pour leur grande majorité liés à l’industrie nucléaire civile et militaire : AREVA NC La Hague, CEA Cadarache, CEA DAM Ile-de-France, CEA DAM Valduc, CEA Grenoble, CEA Marcoule, CEA Saclay, EDF Saint-Denis, le Service de Protection Radiologique des Armées (SPRA), et l’Escadrille des Sous-marins Nucléaires d’Attaque (ESNA) de Toulon et DCNS Toulon. Auxquels s’ajoute le laboratoire « Algade » pour la surveillance individuelle liée à la radioactivité naturelle. Petit problème infime : « Algade » était encore, voici peu, un laboratoire d’Areva.
Fait accablant : l’activité des travailleurs renseignée dans la base officielle « SISERI » n’est renseignée par les entreprises du nucléaire que pour 36 % d’entre eux. 64% passent à la trappe. Phénomène qui illustre aussi les méfaits de la sous-traitance menée par les « grands » du secteur que sont Areva, EDF, le C.E.A : « 85 % des entreprises qui ne déclarent pas l’activité réelle des travailleurs ont 5 travailleurs ou moins, et 25 % n’ont qu’un seul travailleur« .
Un bilan qui n’est pas des plus exhaustifs car les rapports de dépistage du radon sur les lieux de travail (telle les mines et anciennes mines ou bâtiments implantés sur des remblais radioactifs miniers) nécessitent évidemment la mise en œuvre d’une surveillance individuelle, « ce qui n’est pas systématiquement le cas » d’après l’IRSN. La mort est parfois bien silencieuse et les victimes surtout muettes.
* h.SV : homme Sivert
http://www.coordination-antinucleaire-sudest.org/
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