LA SUISSE PEUT SORTIR DU NUCLÉAIRE

suisse-sortir-nucleaireLe peuple se prononcera le 27 novembre sur la mise hors service des centrales nucléaires en activité en Suisse. Plusieurs arguments militent en faveur de ce choix. Analyse.

Fermer les cinq centrales nucléaires helvétiques! C’est l’objectif de l’initiative «Sortir du nucléaire» dont le sort sera fixé dans les urnes le 27 novembre prochain. Lancée par les Verts avec le soutien du Parti socialiste suisse au lendemain de la catastrophe de Fukushima, cette initiative prévoit de limiter la durée d’exploitation des centrales nucléaires à 45 ans.  

Si elle aboutit, Beznau 1 et 2 seront mises hors service en 2017, Gösgen en 2024 et Leibstadt en 2029. Du côté de Mühleberg, son exploitant a décidé de stopper toute activité à fin 2019. Tant le Conseil fédéral que le Parlement ont rejeté cette initiative. Mais, à en croire les derniers sondages, ses auteurs ont une chance de remporter la bataille populaire face au lobby du nucléaire dont la force a fortement décliné au cours de ces dernières années. Leurs arguments sont convaincants. Les voici:

  1. Mise en service en 1969, Beznau 1 est le plus vieux réacteur en activité dans le monde. Il est arrêté depuis dix-huit mois. Et il n’est pas certain qu’il puisse à nouveau produire de l’électricité. La centrale de Gösgen (en activité depuis 37 ans) ne redémarrera pas avant le mois de février prochain. De même que celle de Leibstadt (ouverte depuis 32 ans), elle nécessitera de nouveaux investissements dans les prochaines années. Le jeu en vaut-il la chandelle? Pour les Verts, la réponse est négative.
  2. Les cinq centrales peuvent produire jusqu’à 40% de la production d’électricité en Suisse. Mais c’est moins actuellement en raison de la fermeture de Beznau 1 et de Gösgen. Pour compenser l’arrêt de toutes les centrales, la Suisse importera davantage d’énergie de l’étranger. Mais elle devra surtout favoriser le développement des énergies renouvelables pour réduire cette dépendance. La fin programmée de la production nucléaire permettra d’accroître les investissements dans ce domaine, contraindra les acteurs politiques et économiques à agir rapidement et accélérera l’adoption des mesures prévues par la stratégie énergétique 2050. D’ailleurs, les objectifs de cette politique prévoient de remplacer l’équivalent de quatre centrales d’ici à 2029.
  3. Selon une étude de la Haute école des sciences appliquées de Zurich, le remplacement de la production nucléaire par des énergies renouvelables et la mise en œuvre simultanée du premier paquet de mesures de la stratégie énergétique 2050 pourraient entraîner la création de 7000 emplois dans le photovoltaïque, la construction de centrales biogaz et d’éoliennes et dans la branche du bois.
  4. L’adoption de cette initiative oblige les exploitants à planifier la fin de toute production. Aujourd’hui, ils peinent à agir en raison de la complexité des partenariats entre exploitants, des contrats de vente d’électricité et des structures de propriété des centrales derrière lesquelles on retrouve des cantons romands et alémaniques.
  5. La production d’énergie nucléaire n’est pas rentable. Selon des estimations, les centrales helvétiques auraient perdu environ 500 millions de francs en 2015 et 2016. D’après Alpiq, la situation ne devrait pas s’arranger au cours des dix prochaines années. C’est pour raison que ses dirigeants ont tenté de céder pour un franc symbolique les actions détenues dans les sociétés anonymes qui exploitent Gösgen et Leibstadt. Approché, le groupe français EDF a décliné l’offre. Dans ce contexte, la question des indemnisations soulevées par Alpiq et Axpo pour cessation d’activités avant terme paraît grotesque.
  6. D’après une étude de l’École polytechnique fédérale de Zurich et de l’Université du Sussex en Grande-Bretagne, les risques d’accidents nucléaires sont systématiquement sous-évalués. Et une catastrophe nucléaire coûte cher. Selon une autre étude, le démantèlement de la centrale de Fukushima au Japon pourrait atteindre environ 20 milliards de francs (sans les dizaines de milliards de dommages aux victimes et à la région touchée) et s’étendre sur une période de trente ans. Face à l’incapacité de la société de faire face à la situation, c’est l’État qui passe à la caisse. Autrement dit, les contribuables. A combien s’élèverait le coût d’une telle catastrophe en Suisse? On peut parier que le montant serait encore plus élevé. Autant donc arrêter toute activité le plus rapidement possible.

La fin de la production d’énergie nucléaire constitue davantage une opportunité qu’un risque pour la Suisse. L’enjeu est autant sécuritaire qu’économique.

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