Des centaines de dossiers de pièces nucléaires ont été falsifiés à l’usine du Creusot. Le cas du générateur de vapeur destiné à la centrale de Gravelines incite l’ASN à renforcer ses contrôles.
« L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) veut renforcer ses procédures de contrôle et celles des industriels de manière à être en mesure de détecter à l’avenir d’éventuelles falsifications« , a expliqué mercredi 18 janvier son président Pierre-Franck Chevet, lors des vœux à la presse. « Une réflexion en interne est en cours avec les industriels et nous ferons des propositions dans ce sens à la fin du premier semestre« . Cette annonce intervient alors qu’Areva est contraint d’éplucher la totalité des 6000 dossiers des pièces produites par son usine du Creusot (Saône-et-Loire) pour les centrales nucléaires. Au départ, les soupçons pesaient seulement sur 400 dossiers « barrés » (portant deux barres manuscrites) que l’usine de forge archivait tout en délivrant des papiers différents à son client, avec des procédures d’essais mal renseignées ou incomplètes, des valeurs rassurantes, des chiffres arrondis… Un audit de 2015 avait révélé la supercherie, qui concernait notamment la cuve de l’EPR de Flamanville (Manche), dont l’acier n’avait pas la qualité réglementaire.
Deux millions de pages à éplucher
Malheureusement pour Areva, au moment de remplacer le générateur de vapeur du réacteur 5 de la centrale de Gravelines (Pas-de-Calais), l’ASN, prise de nouveaux soupçons, a souhaité vérifier le dossier, pourtant non barré, de la nouvelle pièce forgée entre 2010 et 2015. Patatras… les résultats des essais mécaniques avaient été modifiés pour une pièce, la virole supérieure (voir image ci-dessous), une gaine qui enveloppe le haut du générateur. ).
Les résultats des tests mécaniques d’une virole d’acier destinée à un générateur de vapeur pour le réacteur 5 de Gravelines ont été falsifiés comme le montre ce document de l’ASN.
« Le risque est que l’acier résiste moins bien à la propagation d’une fissure » explique Rémy Catteau, directeur des équipements sous pression nucléaires, notamment en cas de stress sismique ou de chocs thermiques. Dès lors, le générateur de vapeur ne pourrait plus refroidir correctement le combustible, au risque de perdre la maitrise de la réaction nucléaire. Résultat ? Le réacteur 5 de Gravelines est toujours à l’arrêt, Areva a testé la qualité de l’acier concerné et vient d’envoyer ses conclusions à l’ASN, qui seule décidera si le nouveau générateur de vapeur –qui a mis 5 ans à être forgé– peut être installé. Les conséquences de ces falsifications risquent d’être lourdes pour Areva et EDF, l’exploitant. « L’audit, qui devra dépouiller et analyser plus de 2 millions de pages devrait durer un an minimum « , explique Pierre-Franck Chevet. En espérant qu’il n’y aura pas d’autres » Gravelines 5″. L’ASN contrôle la méthodologie employée et sa mise en œuvre, à l’aide d’une dizaine de membres de son personnel. Cette équipe devrait être augmentée alors que l’ASN a vu son personnel augmenter de 70 personnes.
Article de Rachel Mulot Chef du service Enquêtes au magazine Sciences et Avenir
http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/l-autorite-de-surete-nucleaire-veut-mieux-controler-le-risque-de-falsification-des-pieces-de-centrales_109876
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