ARMEMENT NUCLÉAIRE. LES PETITES RECETTES DES BOMBES SALES

Sans titreEst-il facile de fabriquer une bombe sale ? Qui possède des ogives nucléaires prêtes à l’emploi ? Peut-on transporter des produits radioactifs dans une simple valise ? Le magazine Time répond à ces questions dans une enquête publiée début avril. Le bilan fait froid dans le dos.

“Jusqu’ici nous avons eu de la chance. Je pense vraiment que c’est seulement une question de temps avant que nous ne voyions exploser une bombe sale.”

Celle qui s’exprime ainsi dans les colonnes de Time Magazine s’appelle Sharon Squassoni, elle dirige le programme contre la prolifération des armes nucléaires au Center for Strategic and International Studies, un think tank américain dédié à la politique étrangère.

Elle répond au magazine américain, qui a consacré sa une du 17 avril 2017 à “La Face cachée de l’uranium”. Sous-titré “Daech veut sa bombe sale et sait où la trouver”, le récit de Simon Shuster, reporter au grand hebdomadaire new-yorkais, fait froid dans le dos.

Des conséquences dévastatrices

La Corée du Nord, qui est désormais suspectée de posséder plus d’une douzaine d’ogives nucléaires et a testé les missiles intercontinentaux qui pourraient les transporter, est aussi l’un des vendeurs les plus actifs sur le marché mondial en ce qui concerne le savoir-faire nucléaire, indique le journaliste.

Le Pakistan, quant à lui, développe des armes tactiques, plus petites et plus transportables que les missiles stratégiques, alors même que dans le pays, la menace extrémiste ne cesse de grandir.”

Mais le danger représenté par les bombes sales croît encore plus vite, explique-t-il. Ces engins, qui utilisent un explosif conventionnel pour disséminer des substances radioactives avec l’effet de souffle, ne posent pas de grand défi technique. Il n’est pas difficile de se procurer des matériaux radioactifs.

Beaucoup d’hôpitaux et d’industries utilisent des matières très radioactives. Si ces substances sont conditionnées autour d’un explosif conventionnel, un engin pas plus gros qu’une valise peut contaminer plusieurs pâtés de maison – et bien plus si le vent est de la partie.”

La bombe agit alors en deux temps : l’explosion initiale fait son lot de victimes, puis la contamination agit à son tour, touchant plusieurs personnes et paralysant la zone touchée. Les conséquences humaines et économiques sont dévastatrices.

Et le journaliste, qui a mené une grande partie de son enquête en Géorgie, le montre : le commerce de matières radioactives est florissant. En particulier dans cette ancienne république soviétique sise au bord de la mer Noire, entre la Turquie, l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Russie, les contrebandiers s’enrichissent grâce au trafic d’uranium et autres matériaux radioactifs. Des trafics menés parfois par de simples ouvriers et des ferrailleurs, comme le décrit l’article, qui s’attache à l’arrestation et aux aveux d’un brocanteur qui cherchait à vendre pour trois millions d’uranium dans une simple mallette plombée.

Sur l’autoroute nucléaire

Car la Géorgie est en plein milieu de “l’autoroute nucléaire”, une route qui part de la Russie, traverse les montagnes du Caucase jusqu’à l’Iran et la Turquie. Et de là, alimente les territoires encore contrôlés par Daech en Syrie et en Irak.

Cette menace a été prise en compte par l’administration Obama et par ses prédécesseurs, explique l’enquête. En douze ans, le gouvernement américain a fourni pour plus de 50 millions de dollars d’aides à la Géorgie pour qu’elle vienne à bout de ce commerce de l’atome : détecteurs de matière nucléaire, entraînement des forces spécialisées, formation et équipements des autorités locales… “Les Américains ont sécurisé toute la frontière autour de la Géorgie”, résume Vasil Gedevanishvili, directeur de l’agence de sûreté nucléaire du pays. Avec à la clé, plusieurs arrestations de trafiquants, notamment en 2016.

La question est désormais de savoir quelle politique va mener son successeur, Donald Trump. Son administration a bien déclaré prendre cette menace très au sérieux”, mais les coupes claires dans les postes diplomatiques sur son nouveau budget risquent d’entamer sérieusement la coopération nécessaire sur le terrain.

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