Le refrain est répété en boucle : si la France voulait produire son électricité uniquement à partir de sources renouvelables, sa facture d’électricité exploserait. Un argument qui permet de mieux faire accepter les risques et les coûts induits par une filière nucléaire prépondérante.
Or, l’argument ne tient pas. Selon la dernière estimation connue, fournie par la Cour des comptes dans son rapport 2016, la génération d’un mégawattheure (MWh) nucléaire revenait à 62,60 euros en 2014 (et en réalité sans doute davantage si l’on connaissait les véritables coûts de la gestion des déchets et du démantèlement). Cependant, pour faire des comparaisons pertinentes, il ne faut pas regarder le coût du nucléaire existant, mais se demander par quoi on remplacerait un réacteur arrivé en bout de course.
Les coûts d’un système électrique 100 % renouvelables seraient équivalents à ceux d’un modèle fortement nucléarisé, selon l’Ademe
Si, comme le souhaite EDF, on réalise les 100 milliards d’euros d’investissements nécessaires à la prolongation de la durée de vie des réacteurs (avec les dangers que cela représente), le coût de production atteindra 70 euros/MWh, indique encore la Cour des comptes. Mais un jour, il faudra bien se résoudre à remplacer complètement ces réacteurs. Au vu du contrat passé récemment par EDF avec le Royaume-Uni, le coût de production d’un réacteur de nouvelle génération EPR s’élèverait à plus de 110 euros/MWh. En l’absence de développement international dans cette technologie (la production électronucléaire mondiale stagne depuis vingt ans entre 2 300 et 2 600 TWh), il ne faut pas s’attendre à des effets de série importants pour réduire ces coûts.
Des coûts en forte baisse
Face à ces chiffres, la question du remplacement des réacteurs en fin de vie par des sources renouvelables devient pressante. En France, selon une étude de l’Ademe parue en janvier dernier, le coût de production des centrales photovoltaïques au sol se situe entre 64 euros/MWh (dans le sud du pays) et 164 euros/MWh. Après avoir été divisés par six entre 2007 et 2014, ces coûts devraient encore chuter de 35 % d’ici à 2025, indique l’Ademe. Selon les sites, les coûts de l’éolien terrestre varient quant à eux dans une fourchette de 54 à 108 euros/MWh pour les machines classiques et de 50 à 94 euros/MWh pour la nouvelle génération. L’éolien marin reste plus cher (de 123 à 364 euros/MWh), mais pour combien de temps ? En novembre 2016, un appel d’offres pour un parc danois avait été conclu à un prix garanti de 50 euros/MWh. Et le 13 avril dernier, les énergéticiens Dong et EnBW ont remporté un appel d’offres pour des parcs en mer du Nord en annonçant qu’ils vendraient leur électricité directement au prix du marché.
Certes, la production d’électricité renouvelable est variable suivant les heures du jour et les saisons, et il faut donc ajouter aux coûts de production des coûts liés à la gestion de cette variabilité. Mais, en intégrant ce paramètre, l’Ademe avait déjà démontré en 2015 que les coûts d’un système électrique 100 % renouvelables seraient équivalents à ceux d’un modèle fortement nucléarisé. Et ce n’est pas un hasard si, selon un rapport paru le mois dernier, les énergies renouvelables qui nécessitent des investissements modulables dans l’espace et dans le temps au gré de la demande (à la différence des milliards immobilisés par un seul réacteur nucléaire), ont représenté plus de la moitié (55 %) des capacités électriques nouvelles dans le monde l’an dernier.
http://www.alternatives-economiques.fr/a-long-terme-renouvelable-cher-nucleaire/00078767
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