L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE PASSE LES GÉNÉRATEURS DE VAPEUR DES CENTRALES AU PEIGNE FIN

ASN générateursC’est la suite des scandales Areva, la découverte de défauts de fabrication sur la cuve de l’EPR de Flamanville puis sur 18 réacteurs en France. Leurs générateurs de vapeur présentaient des taux de carbone trop élevés. L’ASN reprend tous les dossiers de fabrication à zéro et reconnait « des doutes« .

À l’automne 2016 près d’un tiers du parc nucléaire français était à l’arrêt, avec consigne à EDF de soumettre 18 de ses réacteurs à des tests de pression poussés, et de transmettre à l’Autorité de Sûreté Nucléaire la preuve, dossiers à l’appui, que ses générateurs de vapeur ne présentaient pas de risque. Parmi eux trois réacteurs de Dampierre en Burly dans le Loiret, deux à Saint Laurent des Eaux dans le Loiret-Cher, et deux à Chinon, en Indre-et-Loire. La découverte de taux de carbone trop élevé dans l’acier utilisé pour les fabriquer posait un problème de sûreté que personne n’avait imaginé à l’époque de la construction des centrales françaises.

Des doutes sur tout et on vérifie tout

C’est au départ un défaut de fabrication détecté sur la cuve de l’EPR de Flamanville qui avait alerté l’ASN, le gendarme du nucléaire, chargé de contrôler la sûreté des installations. La découverte qu’Areva, le fabricant français, avait multiplié les irrégularités et les défauts de conception, dans son usine du Creusot. Une usine dans laquelle ont été fabriqués, aussi, les générateurs de vapeur des centrales françaises. Tout a donc été repris, et une trop forte concentration de carbone dans le forgeage des pièces a été mise au jour. Trop de carbone, c’est une fragilité accrue, sur ces pièces soumises à de très fortes pressions, à l’intérieur du circuit primaire du réacteur. Des éléments de sûreté majeurs, donc, qu’il a fallu vérifier, soumettre à des tests de pression, et passer au crible. C’est ce que l’Autorité de Sûreté Nucléaire a demandé à EDF, avant d’autoriser le redémarrage de tous les réacteurs concernés, à l’exception de celui de Fessenheim en Alsace.

Un sous-traitant japonais pour l’un des réacteurs de Dampierre en Burly

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Certes l’ASN considère que les éléments transmis par EDF ont permis d’autoriser le redémarrage, à condition de soumettre les générateurs de vapeur à une moindre pression. Mais elle a décidé de reprendre un par un et dans le détail tous les dossiers de fabrication. Une mission longue et délicate, qui doit aboutir fin septembre 2017 à la publication d’un premier rapport. L’enquête est lourde et mobilise les techniciens de l’ASN, d’autant qu’Areva a fait appel, pour certains de ses générateurs, à un sous-traitant japonais, JCFC (Japan Casting and Forging Corporation) qui a fabriqué une partie de ces générateurs trop chargés en carbone. Ceux qui semblent présenter le plus d’incertitudes en termes de sûreté. Ils équipent douze réacteurs en France, dont le numéro 3 à Dampierre en Burly. Celui-ci a été le dernier à obtenir l’autorisation de redémarrer, en décembre 2016.

Cet incident des générateurs de vapeur, incident dit « générique » parce qu’il concerne l’ensemble du parc nucléaire français, ces irrégularités, ont éveillé la méfiance de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, d’où cette reprise à zéro des dossiers de fabrication. « Avant d’autoriser le redémarrage on a vérifié l’état des grosses pièces sur ces générateurs de vapeur » explique Christian Ron, chef du pôle réacteurs à la division Orléans de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. « On a été suffisamment rassurés pour autoriser le redémarrage, mais on s’est demandé et les autres pièces, et les petites pièces ? On a donc obligé Areva à faire une revue de tout son matériel. On va aussi travailler un peu plus sur la justesse des documents qui nous sont transmis, on demande à EDF de s’intéresser de très près au sujet« . Christian Ron qui reconnaît une forme de sidération devant l’ampleur du sujet : « En fait le problème de l’EPR nous a permis d’aller sur beaucoup de champs, on ne pouvait pas imaginer à l’époque, à la construction des centrales, que quelqu’un arriverait à faire défaut sur du nucléaire, les enjeux étaient trop importants. Maintenant on a des doutes sur tout… Et comme on a des doutes sur tout, on vérifie tout« . Un vocabulaire de défiance et de fermeté vis-à-vis d’EDF et d’Areva, qui marque sans doute un tournant dans le contrôle de la sûreté nucléaire.

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