Une réunion avec les autorités locales et les responsables du nucléaire russe devrait avoir lieu le 2 novembre. La piste d’un accident de centrale semble écartée.
Un mois après que plusieurs autorités de sécurité nucléaire occidentales aient détecté la trace de ruthénium 106 dans l’atmosphère, attribuant l’origine de cette pollution radioactive à la région russe de l’Oural, Moscou commence à allumer des contre-feux sans toutefois, pour l’instant, convaincre. Dans une déclaration diffusée ce week-end, le géant public Rosatom a affirmé que les «installations de l’industrie nucléaire en Russie ne peuvent pas être considérées comme une source des rejets». Le groupe souligne également «l’absence d’observations concernant le fonctionnement de l’équipement ainsi que des violations des conditions sécuritaires dans toutes ses entreprises».
Dans la mesure où cet élément artificiel n’est normalement pas présent dans la nature, la question de son origine s’était vite posée
Début octobre, plusieurs stations européennes de mesure de la radioactivité atmosphérique avaient mesuré des traces anormales de ruthénium 106, notamment en Norvège, en Suisse, en Autriche, en Italie, en Allemagne, et plus récemment en France. À un niveau très bas. En France, les taux détectés par la station de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire de La Seyne-sur-Mer – 7,7 micro-becquerels par mètre cube d’air – étaient plusieurs milliers de fois plus faibles que les niveaux d’alerte, ne comportant aucun risque pour la santé et l’environnement, assure l’IRSN. Mais dans la mesure où cet élément artificiel n’est normalement pas présent dans la nature, la question de son origine s’était vite posée.
La région russe de l’Oural a été rapidement montrée du doigt par l’IRSN et son homologue allemand, le BfS. Les hypothèses d’un accident survenu lors d’opérations de retraitement de combustible nucléaire, ou d’une incinération accidentelle d’une source radioactive médicale, ont été soulevées. Le ruthénium 106 est notamment utilisé en curiethérapie pour soigner certaines tumeurs oculaires. En revanche, l’absence dans l’atmosphère de tout autre élément radioactif à côté du ruthénium 106 tend à écarter la piste d’un accident de centrale.
Un site d’information local fait état d’une «panique dans la population», précisant que des conseils ont été prodigués tels que «se laver le visage avec de l’alcool»
«La situation radiologique autour de toutes les installations de l’industrie nucléaire russe est dans la norme et correspond au rayonnement naturel de fond», confirme Rosatom. Sur place, dans l’Oural, la réalité est plus complexe. Le vice-gouverneur de la région de Tcheliabinsk, Oleg Klimov, a pour sa part confirmé l’existence de ruthénium 106 dans l’atmosphère, précisant que les doses étaient 200 fois «inférieures aux normes admissibles». De son côté, l’Institut fédéral de météorologie et d’environnement, Rosgidromet, a déclaré que les mesures relevées à Saint-Pétersbourg – 115,4 micro-becquerels par mètre cube – étaient «quatre fois inférieures aux doses admissibles». Dans un entretien à la presse locale, le vice-gouverneur de Tcheliabinsk a indiqué avoir convoqué les responsables de Rosatom pour une réunion le 2 novembre. Un site d’information local, Novii Den, fait état d’une «panique dans la population», précisant que des conseils ont été prodigués tels que «se laver le visage avec de l’alcool, fermer les fenêtres et rester à son domicile».
C’est dans la région de Tcheliabinsk qu’est implanté le complexe nucléaire Maïak, de sinistre réputation. C’est là que le 29 septembre 1957, un accident est survenu à la suite d’une panne du système de refroidissement d’une cuve de déchets radioactifs. L’explosion avait projeté à un kilomètre d’altitude plus de deux millions de curies de produits radioactifs. Aujourd’hui encore, les conséquences sanitaires de cet épisode font l’objet, sur place, d’une omerta. La ville forteresse d’Oziorsk qui abrite la centrale n’est accessible qu’avec un laissez-passer et les très rares activistes qui y travaillent font l’objet de harcèlement policier. Des responsables de Maïak sont également attendus à la réunion convoquée par les autorités locales, le 2 novembre prochain.
Article de Pierre Avril, notre correspondant à Moscou
http://plus.lefigaro.fr/page/pierre-avril
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