Le débat sur le climat est devenu mondial, mais c’est presque silencieusement que les 3000 pages du « paquet européen énergie climat 2020-2030 » se négocient depuis mars 2014 au travers des démarches complexes entre Conseil, Commission et Parlement. Et le Nouvel An ne pousse-t-il pas de surcroît à prêter peu d’attention aux résultats d’une étape importante, le Conseil UE du 18 décembre 2017 ?
L’Accord de Paris nous mobilise sur le carbone avant même que nous n’ayons assez expliqué au citoyen de chaque continent les interactions entre climat, ressources, compétitivité, démographie, croissance et décroissance… : enjeux parfois convergents, parfois antagonistes !
L’Union européenne voulait dès 2014 centrer ses contraintes sur le carbone, après 10 ans de règles et subventions visant en même temps à créer un marché intérieur basé sur la concurrence, réduire la facture pétrolière, garantir la sécurité d’approvisionnement, promouvoir éolien et solaire, pérenniser la croissance de la décennie 98-2008… : tout n’est pas toujours « gagnant-gagnant » même si chaque sujet a ses groupes d’intérêt et ses avocats !
Depuis Rio et après l’échec à Copenhague d’une extension du modèle de Kyoto, le défi du climat a permis à l’Europe de constituer un réservoir de confiance : elle a su construire l’Accord de Paris, puis le One Planet Summit avait à peu près préservé les principes de la subsidiarité, appris à faire cohabiter des leaderships et des réflexes très différents en matière d’agriculture, de charbon national, de nucléaire, de démographie, de vision des voies et moyens de la compétitivité…
Il faut relire le burden sharing des engagements de réduction du carbone de 1990 à 2012, sans oublier que 1990 est aussi l’année de l’unification allemande. Malgré l’atout nouveau du numérique, la clarification ne sera pas simple, d’abord parce qu’il faudra dire loyalement au citoyen européen que l’action pour le climat coûte, mais ne se traduira pas forcément par des délocalisations : tâche difficile, comme le montre le faible écho de l’appel à calculer « l’empreinte carbone » formulé depuis 4 ans à la fois par la Cour des comptes et le WWF . Bref, la taxe carbone aux frontières de l’UE proposée par le Président Macron à la Sorbonne va être un combat rude, mais essentiel.
De nouveaux travaux académiques reviendront sur une question fascinante : comment l’Europe a-t-elle pu de 2007 à 2009 élaborer son « paquet 2010-2020« , le « 3×20« , sans intégrer les bouleversements techniques et géopolitiques qui marquent ces 3 années ? Et comment la France a-t-elle à ce moment consolidé ses investissements humains et économiques dans le pétrole et le parapétrolier, mais fragilisé ceux de l’électricité et du ferroviaire ?
Une des causes est bien sûr la difficulté de corriger des trajectoires multilatérales « arrêtées » 10 ans plus tôt dans un contexte différent : on l’a revu avec les critiques adressées à N. Hulot sur « 50 % nucléaire« , sujet qui renvoie à la présidentielle de 2007 ! Difficulté classique, mais surmontable si on peut organiser à temps débats et réévaluations, à l’image du cheminement suédois depuis le référendum organisé après l’accident de TMI .
Dans le « 3×20« , une erreur grave a été de garder l’hypothèse d’une poursuite de l’escalade du prix du baril en pensant qu’elle allait rendre vite rentables sans subventions toutes les énergies renouvelables : nous étions heureux de croire que l’Europe aurait ainsi une énergie décarbonée compétitive, que les activités intensives en énergie se redévelopperaient en même temps que des emplois locaux remplaceraient des importations d’hydrocarbures… Erreur, mais l’UE rediffuse, elle aussi en 2017, l’ étude d’impact de sa « roadmap 2050 » basée sur une hausse du baril après 2014 !
Récemment encore, je pensais pour ma part comme beaucoup d’autres que la réévaluation nécessaire en 2018 pour le « paquet 2020/2030 » se recentrerait sur le carbone : bien mauvaise analyse puisque le Conseil du 18/12 écrit : « Member states must continue to meet and maintain their binding 2020 renewable energy target by and beyond 2020. If a country was to drop below its 2020 baseline, it would be obliged to take additional measures within one year to close that gap« . (NDLR : Les États membres doivent continuer à respecter et à maintenir leur objectif 2020 en matière d’énergies renouvelables contraignantes d’ici 2020 et au-delà. Si un pays devait tomber en dessous de son niveau de référence 2020, il serait obligé de prendre des mesures supplémentaires dans un délai d’un an.)
Nous voilà bien loin de la volonté de limiter au sujet du carbone les règles européennes contraignantes ! On sait pourtant aussi que « 23 % d’EnR en 2020 » est une des promesses françaises les plus décalées par rapport à celles des autres pays, les plus chères en carbone et en subventions en l’absence de croissance et sans doute les plus discutables, les baisses de coût de production et de stockage des EnR électriques étant pour l’essentiel attendues dans 5 ou 7 ans.
La contradiction est à résoudre vite, en vérifiant la position des nouvelles autorités en Allemagne, Autriche et Italie, en accélérant les actions « sans regret« , investissements dans les DOM et les TOM, interconnexions visées à la Sorbonne, utilisation de l’électricité pour décarboner industries, chauffage-climatisation, transports collectifs et individuels…
Bref, il est urgent de mieux exprimer d’un côté les objectifs communs durables et d’un autre ce qui relève des pilotages et financements nationaux, mais aussi de s’assurer que chacun des acteurs a les éléments qui lui sont nécessaires pour former son jugement.
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