Alors que le gouvernement élabore sa feuille de route énergétique pour 2019-2023, le cabinet de Nicolas Hulot ne semble plus très pressé de fixer un nombre de réacteurs à fermer pour atteindre l’objectif de 50% de nucléaire dans la production d’électricité.
Il est urgent de procrastiner (NDLR : art de remettre à plus tard). C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’état d’esprit du gouvernement en matière de baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Début novembre, Nicolas Hulot avait annoncé que la France ne ramènerait pas cette part à 50% en 2025 – contre 75 % aujourd’hui –, contrairement à ce qui est prévu dans la loi de transition énergétique d’août 2015. Et avait ajouté que l’exécutif allait «travailler sur l’échéance de 2030 ou 2035». La deuxième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE, qui doit mettre en musique les objectifs de la loi de 2015 pour les années 2019 à 2023), «va nous permettre de trouver une nouvelle date», indiquait-on lundi au ministère de la Transition écologique et solidaire. En précisant qu’il faudrait alors «probablement modifier la loi» de 2015 sur ce point.
Mais sans évoquer aucune fourchette de date. Ni aucun nombre de réacteurs à fermer pour parvenir à ces fameux 50% d’atome dans le mix électrique. «Ce n’est pas compliqué, il suffit de faire une règle de trois, mais cela dépendra de la date à laquelle on pourra atteindre les 50%», élude-t-on au cabinet de Nicolas Hulot. Comme s’il ne fallait pas d’abord fixer une date, et ensuite tout mettre en œuvre pour atteindre l’objectif fixé. Car c’est bien la procrastination du précédent exécutif qui contraint celui-ci à repousser la date de 2025. Atteindre les 50% d’atome dans le mix électrique d’ici à 2025 était certes un sacré défi dès le départ, dès la loi de 2015. Pour tenir cette promesse, il aurait fallu fermer l’équivalent de 17 à 20 réacteurs sur les 58 actuels, calculait la Cour des comptes en 2016, et 27 à 31 selon Greenpeace. Mais le gouvernement Hollande n’a rien fait dans ce sens. Dans la première PPE, adoptée en 2016 pour trois ans, il n’a fixé aucun calendrier pour l’arrêt de réacteurs et n’a pas commencé à organiser la reconversion industrielle et professionnelle du secteur.
Fermer «17 à 25 réacteurs»
Il se confirme peu à peu que la procrastination sera aussi de mise pendant le quinquennat Macron. Durant les premières semaines qui ont suivi son élection, le Président n’a rien dit sur les moyens de parvenir concrètement à l’objectif de 50% d’atome en 2025. Seul Nicolas Hulot avait osé déclarer publiquement, en juillet, qu’il faudrait pour cela fermer 17 à 25 réacteurs, ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait fait… Tout en annonçant déjà que l’objectif de 50% en 2025 serait «difficile» à tenir. Le 8 novembre, après avoir acté le report de cette date, le ministre avait confirmé sur BFMTV ce nombre de réacteurs à fermer : «Dans un an, je donne rendez-vous et nous aurons une visibilité très claire du nombre de réacteurs que nous allons avoir à fermer […]. Ce sera probablement entre 17 et 25 et ce sera fait dans une échelle de temps qui socialement rendra cela acceptable.»
Sauf que désormais, son cabinet se refuse à s’avancer autant. Tout juste promet-il l’adoption de la nouvelle PPE en décembre 2018, «si tout va bien». Ceci après un débat public sur le sujet, prévu du 19 mars au 30 juin… Comme s’il n’y avait pas déjà eu moult débats sur l’énergie et la transition énergétique ces dernières années.
Où en est la transition énergétique, pendant ce temps ? Nulle part, ou presque. En février, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a alerté sur le retard pris par la France en la matière. Observant que les objectifs de la loi sur la transition énergétique sont «loin d’être atteints», que la trajectoire pour y parvenir «n’est pas la bonne» et que les moyens sont «insuffisants». Rénovation des bâtiments, réduction des émissions de carbone dans les transports, développement des énergies renouvelables, tous les chantiers ont pris du retard… Les énergies renouvelables ont fourni seulement 18,4% de l’électricité consommée en France en 2017, contre 19,6% en 2016 et 18,7% en 2015, selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER).
Coralie Schaub
http://www.liberation.fr/france/2018/03/05/baisse-du-nucleaire-chez-hulot-il-est-urgent-d-attendre_1634015
NDLR : certains prétendent que le gouvernement recule devant le lobby nucléaire : c’est complètement FAUX ! Le gouvernement (et ceux qui l’ont précédé) EST le lobby nucléaire.
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