L’État vient de dévoiler les orientations de la future PPE. Mais « la donnée la plus structurante » manque à l’appel : les scénarios de demande, indispensables pour déterminer le futur mix électrique, seront révélés après le débat public.
Lundi 5 mars, la Commission nationale du débat public (CNDP) a validé les conditions du débat sur la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui aura lieu du 19 mars au 30 juin. À cette occasion, la CNDP a dévoilé le dossier du maitre d’ouvrage qui « donne la vision qu’a l’État des questions qui doivent être traitées par la prochaine PPE et d’après lui soumises au débat ». En l’occurrence, l’objectif est « d’interroger les citoyens sur la façon d’atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en recueillant leur avis sur ce qui a fonctionné ou non dans la politique de l’énergie, et ce qui pourrait être amélioré », explique le dossier du maitre d’ouvrage.
Des besoins de production déterminés par la demande électrique
La question centrale du débat est « la répartition de la production d’électricité entre filières (le mix électrique) en France », explique le ministère de la Transition écologique, ajoutant que celui-ci « a vocation à se transformer profondément dans les années à venir » pour atteindre trois objectifs clés : 40% d’électricité renouvelable en 2030, la fermeture des centrales au charbon d’ici 2022 et la réduction de la part du nucléaire à 50% à l’horizon 2025. La nouvelle PPE « précisera en particulier le cadre de l’évolution du parc nucléaire », explique le dossier.
Pour y parvenir, la PPE s’appuiera sur des scénarios d’évolution de la consommation d’énergie. « Pour satisfaire la demande d’électricité de façon pérenne, le rythme de fermeture des réacteurs nucléaires doit être cohérent avec l’évolution de la demande », rappelle le dossier. Et le ministère de la Transition écologique d’expliquer que « la consommation est la donnée la plus structurante pour dimensionner le mix électrique à moyen ou long terme ». En effet, même si les exportations peuvent permettre d’écouler un surplus de production, « les besoins de production envisagés dans les différents scénarios dépendent en premier lieu de la consommation ». Ces scénarios de demande seront élaborés par le ministère de la Transition écologique. Mais le débat public devra se dérouler sans ces hypothèses fondamentales, puisque les scénarios ne « seront finalisés qu’à l’été 2018 »…
Travailler sur les variantes de deux scénarios « enveloppe«
À ce stade, le ministère ne donne donc que des éléments de cadrage et se contente de citer les deux scénarios de RTE qu’il avait placés au cœur des échanges en janvier dernier lors d’une réunion de travail sur le futur mix électrique. Les autres scénarios du gestionnaire du réseau de transport d’électricité ont été écartés d’emblée car ils sont jugés incompatibles avec les objectifs climatiques, explique-t-on au ministère de la Transition écologique.
Le premier scénario (appelé « Ampère« ) prévoit de réduire la part du nucléaire au rythme du développement des renouvelables. Dix-huit réacteurs nucléaires seraient fermés (en comptant les deux de Fessenheim (Haut-Rhin)) en 2035 et les capacités de production renouvelable tripleraient pour atteindre 149 GW (dont 67 GW d’éolien et 48 GW de photovoltaïque). Le nucléaire représenterait alors 46% du mix électrique. Le second (« Volt« ) propose de développer les renouvelables au rythme des débouchés économiques. En 2035, 11 réacteurs nucléaires seraient fermés (en comptant Fessenheim), date à laquelle l’éolien atteindrait 50 GW et le photovoltaïque 36 GW. Le nucléaire représenterait encore 56% du mix électrique. Ampère et Volt « constituent des scénarios « enveloppe » dont l’analyse pourra servir de base pour la construction des scénarios qui seront finalement retenus dans la nouvelle PPE », précise le ministère qui « sera à l’écoute des retours du public sur les variantes » de ces deux scénarios.
De nombreuses hypothèses font encore débat
Mais le ministère ne cache pas que « ce choix a été contesté« . Certains font valoir que ces deux scénarios ne permettent pas de réduire la part du nucléaire à 50% à l’horizon 2025. En outre, « l’objectif de neutralité carbone ne doit pas être cherché au niveau du secteur électrique seul mais de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre françaises« , avancent les opposants. Ces derniers expliquent qu’une approche globale permet de maintenir des capacités de production au gaz, d’autant que celui-ci peut devenir renouvelable. Mais, pour le gouvernement, « l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 est particulièrement ambitieux et va nécessiter des efforts maximums dans tous les secteurs en production comme en consommation ». La production électrique doit donc réduire ses émissions de CO2.
Surtout, les hypothèses de demande font encore l’objet de nombreux débats. « Beaucoup d’hypothèses techniques (baisse des consommations des appareils électro-ménagers, taux de pénétration des équipements électroniques…) sont consensuelles, mais il reste certains débats par exemple sur l’évolution du nombre de personnes par foyer », explique le dossier. De même, le rythme de développement du véhicule électrique, de remplacement de chauffage au fioul par des pompes à chaleur ou de développement de l’électricité dans l’industrie sont encore débattus. Autant d’incertitudes qui permettent aux uns d’annoncer une hausse de la demande (EDF) et aux autres de prévoir une baisse (RTE, Ademe et négaWatt). Bref, la question reste ouverte et le public devra donner son avis sur la future PPE sans boussole.
Philippe Collet, journaliste, rédacteur spécialisé
https://www.actu-environnement.com/ae/news/programmation-energie-ppe-debat-public-consommation-scenarios-30784.php4
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