EDF FAIT DIVERSION AVEC L’EPR CHINOIS

Alors que Flamanville risque de nouveaux retards, EDF se félicite du prochain lancement de l’EPR de Taïshan. Gonflé.

Cela ne fait désormais plus aucun doute, le premier réacteur nucléaire de troisième génération (EPR) en activité sera chinois. Ce mardi 11 avril, le jour même où l’autorité de sûreté nucléaire de l’empire du Milieu donnait son feu vert au chargement du combustible sur le premier des deux EPR en construction dans la province de Guangdong, EDF annonçait qu’un nouveau retard serait à prévoir sur celui de Flamanville. L’électricien aurait en effet découvert  » des écarts de qualité dans la réalisation des soudures « , nécessitant une nouvelle série de contrôles par l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Cruel hasard du calendrier, alors que la France espérait que le lancement de Taïshan redorerait pour un temps l’image de l’EPR tricolore…  

Interrogé le lendemain par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Jean-Bernard Lévy n’a d’ailleurs pas caché sa fierté de voir le réacteur chinois bientôt mis en service. « La décision de la Chine de faire fonctionner l’EPR de Taïshan » ainsi que celle de l’Inde, qui envisage de construire six EPR, vont « dans le sens de la consolidation du produit« , a ainsi péroré le patron d’EDF devant les députés. 

S’il peut s’enorgueillir d’avoir investi 1 milliard d’euros dans le très rentable projet chinois, EDF n’est toutefois pas responsable de la bonne avancée des travaux de Taïshan. Il ne détient en effet que 30 % du projet, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le chinois CGNPC.  » Aujourd’hui sur les trois EPR en construction dans le monde, il existe trois maîtres d’œuvre différents : EDF pour l’EPR français, Areva pour le finlandais et CGNPC pour le chinois « , détaille un consultant. Mais alors que le chantier chinois n’a accumulé « que » 4 ans de retard sur son calendrier initial, le français a déjà emmagasiné 7 ans de retard, et le finlandais (OL3) 10 ans. De là à conclure que les industriels français ne sont pas les meilleurs maîtres d’ouvrage au monde…  

La réputation de la filière française mise en doute

Ce qui est sûr c’est que les multiples déconvenues de Flamanville, et notamment les découvertes de malfaçons sur les cuves en acier produites par l’usine du Creusot (anciennement Areva), commencent à sérieusement ternir la réputation de l’ex-grande filière française du nucléaire. Depuis trois jours, les critiques sont d’ailleurs reparties de plus belle pour dénoncer une véritable crise systémique de la sûreté nucléaire en France.  » L’incompétence ou le laxisme d’EDF en terme de contrôle qualité atteint un nouveau sommet « , tempête notamment Yves Marignac, directeur de Wise-Paris et expert du nucléaire.  

Dans un communiqué publié mardi, l’ASN n’a pas été tendre non plus avec les deux champions de l’atome :  » L’inspection a mis en évidence que l’organisation et les conditions de travail lors des contrôles de fin de fabrication ont globalement nui à la qualité des contrôles. Par ailleurs une surveillance inadaptée de ces prestations par EDF et Framatome n’a pas permis d’identifier et de remédier aux difficultés rencontrées par les intervenants.  » Traduction de ces formules alambiquées :  » Le travail n’était pas méticuleux et les plannings étaient trop serrés ce qui ne permettait pas d’avoir une bonne qualité de service « , précise l’ASN à L’Express. 

À l’avenir, la Chine – qui avec une vingtaine de réacteurs en construction, apparaît comme la terre promise de l’atome civil – continuera-t-elle à faire appel au savoir-faire français ? Rien n’est moins sûr.  

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