L’Assemblée générale de l’ONU a déclaré le 26 septembre « Journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires ».
Jean-Marie Collin, porte-parole de ICAN France, organisation prix Nobel de la paix 2017 et Jean-François Julliard, Directeur général de Greenpeace France s’expriment à cette occasion.
Prétextant un monde instable, la France est entrée dans une phase de renouvellement de son arsenal nucléaire. Ce programme vise à développer des armes nucléaires plus précises, rapides, prêtes à l’emploi 24h/24h, dont les premières victimes seront les populations civiles et notre écosystème. Les dizaines de milliards d’euros nécessaires à ce renouvellement qui alimentera le risque d’emploi ou d’explosion accidentelle sont de la responsabilité des parlementaires. Mais peu d’entre eux se risquent à remettre en cause un choix dicté par une doctrine aujourd’hui surannée, celle de la dissuasion. L’adoption par l’ONU du Traité d’interdiction des armes nucléaires en juillet 2017 et les mobilisations massives de citoyens pour protéger notre planète doivent appeler les parlementaires à prendre conscience de leur responsabilité pour faire face aux menaces qui pèsent sur notre avenir.
À la merci d’une escalade irrationnelle
La politique de défense de la France a, pour soi-disant objectif, de protéger les Français. Celle-ci repose sur la politique de dissuasion nucléaire, martelée depuis des années comme une composante essentielle du rang international de la France. Cette stratégie consiste à donner les moyens au président de menacer en permanence un État et sa population et de dissuader toute agression d’autres États ; nous sommes ainsi à la merci d’une escalade irrationnelle et irresponsable, dont les conséquences humanitaires et environnementales seraient catastrophiques.
Les survivants d’une telle catastrophe, comme en témoigne la vie des rescapés d’Hiroshima et de Nagasaki ou des personnels et populations des sites d’essais nucléaires, porteront à jamais dans leur chair et celle de leur descendance des séquelles psychologiques et bien souvent physiques et génétiques. Les impacts environnementaux, quant à eux, se poursuivront sur plusieurs générations, tout comme pour les accidents des centrales nucléaires de Tchernobyl ou de Fukushima.
À l’argument « ce ne sont pas des armes d’emploi », nous répondons simplement qu’une détonation nucléaire peut aussi être le fait d’une erreur ou d’un acte de malveillance ; les archives militaires américaines comme françaises nous montrent que jusqu’à présent seul le facteur chance nous a évité un désastre. Quel que soit le lieu de cette détonation, ses effets – environnemental, économique, sanitaire… – seront ressentis sur l’ensemble de la planète.
Une loi de programmation militaire votée sans réel débat
En 2018, les parlementaires ont autorisé une nouvelle loi de programmation militaire. Une dépense publique de 37 milliards d’euros d’ici à 2025, (jusqu’à 6,5 milliards par an) qui seront ainsi consacrés à la dissuasion nucléaire, soit une augmentation d’environ 60 % par rapport à la précédente loi.
Comme trop souvent sur les questions de défense, ce vote est intervenu sans réel débat, et surtout sans prise en compte de l’évolution du monde comme les risques liés aux attaques cyber et terroristes qui rendent encore plus élevé le danger des armes nucléaires alors qu’en parallèle ne cesse de grandir la menace du changement climatique.
Ce vote de la représentation nationale renie également l’engagement de la France à respecter le droit international humanitaire et le traité de non-prolifération nucléaire. Toute utilisation de l’arme nucléaire contrevient en effet aux droits humains et au droit international humanitaire car elle tue, en cas de détonation, sans discrimination les populations civiles comme militaires.
Enfin, ce vote ignore ouvertement le Traité d’interdiction sur les armes nucléaires (TIAN). Adopté par l’ONU en juillet 2017 par une écrasante majorité de 122 pays, il est à l’heure actuelle en cours de ratification. À ce jour 60 États l’ont signé, 15 l’ont ratifié et il entrera en principe en vigueur d’ici à fin 2019, rendant les armes nucléaires illégitimes et illégales. Ce Traité comble une anomalie juridique béante depuis 1945 car il interdit totalement l’emploi, la dissuasion, la possession, la mise à l’essai, le transfert de ce type d’arme de destruction massive, une anomalie qui n’existait plus respectivement depuis 1972 et 1993 pour les armes biologiques et chimiques.
Un choix responsable pour construire un futur viable
L’Assemblée générale de l’ONU a déclaré le 26 septembre « Journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires ». Ce jour ne doit pas faire figure de simple symbole. Il est un appel à prémunir notre planète contre le danger de ces armes de destruction massive. En France, nos élus doivent l’entendre et conduire notre pays à respecter le droit international. En engageant un processus d’arrêt des dépenses budgétaires liées au renouvellement des armes nucléaires, nos élus permettraient d’économiser des ressources significatives qui pourraient être allouées aux investissements dans la transition écologique et les urgences sociales. Un choix responsable pour construire un futur viable pour les générations futures. Une décision qui montrerait la voie pour les autres puissances nucléaires. Une incitation forte pour les parlementaires à agir pour ne pas être les coupables de demain.
Jean-Marie Collin et Jean-François Julliard
https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/Armes-nucleaires-nous-rendons-pas-coupables-devant-generations-futures-2018-09-25-1200971384
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