Malgré la rencontre-réconciliation en juin dernier entre Donald Trump et Kim Jong-un, la Corée du Nord n’a pas fait le moindre pas vers la dénucléarisation. Le dictateur joue un scénario à la pakistanaise, convaincu que la communauté internationale s’usera et lui laissera, à terme, conserver ses bombes.
C’était il y a tout juste un an. En octobre 2017. Donald Trump, outré par le nouvel essai nucléaire nord-coréen, quelques jours plus tôt, et les sorties de Kim Jong-un le traitant de « vieux débile », expliquait qu’il n’était plus temps de discuter avec Pyongyang. « Les présidents ont parlé avec la Corée du Nord pendant vingt-cinq ans. […] Ça n’a pas marché. Les accords ont été violés et les négociateurs américains ont été ridiculisés », twittait le président américain. « Désolé, mais une seule chose va marcher ! » lâchait-il encore, dans un message qui laissait entrevoir la possibilité d’une action militaire contre le régime.
Menace sur les États-Unis
La Corée du Nord, désormais potentiellement capable d’atteindre le territoire des États-Unis avec un missile balistique intercontinental (ICBM ) équipé d’une ogive nucléaire, était désignée comme l’ennemi numéro un de Washington. La « patience stratégique » des précédentes administrations américaines était à bout. Pyongyang allait devoir plier et immédiatement dénucléariser son arsenal. Sinon, le pays serait annihilé.
Octobre 2018. Malgré la rencontre-réconciliation avec le président américain en juin dernier, Kim Jong-un n’a pas fait le moindre pas vers la dénucléarisation. La « menace » nord-coréenne n’a aucunement faibli. Et la dictature a même, selon l’AIEA et les services de renseignement américains, accéléré au fil de 2018 sa production d’ogives nucléaires.
Trump « amoureux » de Kim
Et pourtant, Donald Trump, qui s’apprête à retrouver une seconde fois Kim Jong-un en face-à-face, n’a plus de mots assez doux pour le jeune dictateur. Il serait même « tombé amoureux » du tyran, qui lui écrirait de « belles lettres ». Il flatte son « intelligence » et a désormais pleinement « confiance en lui » et en sa volonté de dénucléariser… à terme.
Quel formidable tour de passe-passe aurait donc réussi Kim Jong-un ? Un ensorcellement ! Comprenant que le président américain était plus obsédé par les apparences que par les résultats concrets, l’homme fort de Pyongyang a multiplié les flatteries, lâché de vagues promesses et des concessions peu douloureuses.
Nouveaux missiles
En mai 2018, son armée a fait exploser des tunnels du site de Punggye-ri, où elle avait réalisé ses essais nucléaires, mais n’a pas laissé d’inspecteurs internationaux venir vérifier l’ampleur des destructions des installations déjà très endommagées par le test de septembre 2017. Au cours de l’été, le pays a commencé à démanteler la base de Tongchang-ri, d’où il avait tiré d’anciennes générations de missiles à propulsion « liquide ». Mais ces engins ne sont plus sa priorité depuis que ses ingénieurs se concentrent sur le développement de missiles à combustion « solide » pouvant être tirés depuis des lanceurs mobiles plus difficiles à repérer.
Lors de son dernier sommet, en septembre, avec le président sud-coréen Moon Jae-in, Kim Jong-un a évoqué un démantèlement du complexe nucléaire de Yongbyon, où il a produit le plutonium de ses bombes atomiques et enrichit de l’uranium. Cette destruction serait une initiative significative mais ne paralyserait pas complètement le programme nucléaire nord-coréen. Le pays produisant déjà, selon les services de renseignements étrangers, de l’uranium enrichi sur plusieurs autres sites secrets.
Surtout, le jeune dictateur a expliqué qu’il n’ordonnerait ce démantèlement de Yongbyon que si Washington faisait d’abord d’importantes concessions.
Les embargos qui fâchent
Officiellement, Pyongyang souhaite que Washington déclare formellement la fin de la guerre entre leurs deux nations. Pour l’instant, la relation entre les deux pays s’organise dans le cadre d’un simple armistice signé en 1953 à l’issue de la guerre de Corée. Mais, en coulisses, c’est la levée des sanctions qui obsède Kim Jong-un.
Depuis qu’il a annoncé à son peuple que la nation disposait de la force de dissuasion nucléaire, il cherche à réorienter sa politique vers le développement économique, mais les multiples embargos mis en place par le Conseil de sécurité de l’ONU le paralysent. Il envisage un scénario « à la pakistanaise », convaincu que la communauté internationale s’usera et lui laissera, à terme, conserver ses bombes s’il évite toute nouvelle provocation. Qui demande encore à l’Inde, au Pakistan ou à Israël de dénucléariser ?
Jouant donc les tyrans assagis, le dirigeant nord-coréen renoue des liens avec les grandes capitales voisines, qui sont ravies de faire semblant de croire à sa sincérité.
Le président chinois, Xi Jinping, à qui Kim Jong-un a rendu visite trois fois depuis le début de l’année, est attendu prochainement à Pyongyang, où il garde une certaine influence, notamment économique. Moon Jae-in, le président sud-coréen, dont les parents avaient fui le Nord, enchaîne, de son côté, les déplacements de l’autre côté de la frontière et n’hésite plus à plaider, en Europe et aux États-Unis, pour une levée des sanctions si douloureuses pour la dictature. Il a même suggéré à Kim Jong-un d’inviter le pape François sur ses terres, où les chrétiens sont systématiquement persécutés.
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