PAS DE LEVÉE DU CONTRÔLE JUDICIAIRE POUR LES «MALFAITEURS» DE BURE

Cinq militants antinucléaires mis en examen demandaient la levée de leur contrôle judiciaire, une mesure qui les empêche de rester en contact et qu’ils jugent liberticide.

Pas de levée du contrôle judiciaire pour les «malfaiteurs» de Bure

Sans surprise, les militants et militantes antinucléaires resteront privés d’entrer en relation avec une dizaine de personnes et ne pourront pas se déplacer librement d’ici la fin de l’instruction qui les vise. Conformément à l’avis de l’avocat général le 14 novembre, la Cour de cassation a rejeté ce mercredi la levée des contrôles judiciaires de cinq opposants au centre d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo à Bure (Meuse). Il s’agit, précisent les arrêts, d’éviter «toute concertation frauduleuse» entre les différents mis en examen pour «association de malfaiteurs».

Ces derniers sont notamment suspectés d’avoir participé à la préparation de manifestations qui ont tourné à l’affrontement, et d’avoir transporté ou détenu des produits «incendiaires». Alors qu’une partie des mis en cause sont domiciliés non loin du laboratoire de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs de Bure, leur contrôle judiciaire les soumet depuis juin à des interdictions de séjours portant sur les villages de Bure et Saudron, voire pour certains sur deux départements entiers : la Meuse et la Haute-Marne. Impossible, par ailleurs, de quitter le territoire national ou d’entrer en contact avec certaines personnes, proches de la lutte anti-Cigéo, sans violer leur contrôle judiciaire. Cette mesure, particulièrement contraignante, amène ainsi certains d’entre eux à se relayer pour assister à des réunions d’associations et empêche l’un des mis en examen d’entrer en contact avec son avocat, Étienne Ambroselli, lui-même perquisitionné au mois de juin. L’appel engagé contre cette mesure avait été rejeté le 22 août par la cour d’appel de Nancy, ce qui a poussé les militants à se pourvoir en cassation.

«Une peine avant même le procès»

«La vie quotidienne est fortement affectée, se désole aujourd’hui Joël Domenjoud, lui-même mis en examen. On vit dans un département peu peuplé, on mène ensemble une lutte politique depuis des années. Comment savoir si une personne est à un endroit sans entrer en contact avec elle ou avec ses proches, ce qui constituerait un contact indirect ? Mais, comme on n’a l’intention ni de déménager ni d’arrêter de s’investir, cette situation, c’est parti pour très longtemps.»

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Pour la Cour de cassation, le contrôle judiciaire en question n’«interdit pas» aux militants de poursuivre leurs activités associatives et «ne porte pas atteinte» à leur liberté d’opinion. Mais aux yeux des opposants, l’objectif n’est autre que le démantèlement de l’opposition à Cigéo. «Ces mesures liberticides constituent une peine avant même le procès», dénoncent-ils dans un communiqué, promettant d’engager «toutes les procédures nécessaires […] jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme s’il le faut, afin de faire jurisprudence».

Mi-novembre, Libération avait dévoilé les ressorts d’une enquête judiciaire fleuve déployant des moyens colossaux, notamment en termes de surveillance des antinucléaires les plus actifs à Bure et alentour. L’instruction pour «association de malfaiteurs» n’est qu’un des volets de ce contentieux au long cours. De l’aveu même du procureur de Bar-le-Duc, plusieurs dizaines de procédures ont été ouvertes depuis deux ans, essentiellement pour des faits mineurs. Dans une tribune publiée mardi dans plusieurs médias dont Libération, une centaine de soutiens parmi lesquels Jean-Luc Mélenchon, José Bové ou Philippe Poutou réclamaient la fin de la «criminalisation aberrante de cette lutte». Mercredi, c’est la Ligue des droits de l’homme qui a annoncé la mise en place d’une commission d’enquête «sur le traitement judiciaire et les opérations de maintien de l’ordre» déployées dans ce coin perdu de l’est de la France, où l’État voudrait installer un gigantesque complexe d’enfouissement des déchets nucléaires les plus dangereux.

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Par Aurélie Delmas le 28 novembre 2018 à 17:30

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https://www.liberation.fr/france/2018/11/28/pas-de-levee-du-controle-judiciaire-pour-les-malfaiteurs-de-bure_1694785 par Libération que nous vous invitons à consulter régulièrement.