Après le vol d’un paramoteur de Greenpeace au-dessus de la centrale du Bugey, un rapport parlementaire s’inquiétait que les installations nucléaires ne soient pas floutées « sur Google Earth ». Après l’évasion de Redoine Faïd du centre pénitentiaire de Réau, la ministre de la Justice s’émouvait que les prisons soient visibles « sur Google Maps ». Depuis quelques jours, Google dissimule la plupart des centres nucléaires et des prisons, comme Apple d’ailleurs.
Alors que Google cherche un compromis entre lisibilité des cartes et dissimulation des zones « sensibles », Apple a la main plus lourde. Google pixellise avec plus (prisons) ou moins (centres nucléaires) d’intensité, si bien que l’on peut encore distinguer les principaux bâtiments, et que le traitement passe inaperçu à petite échelle. Apple préfère flouter fortement — mais pas toujours précisément — pour masquer tous les détails.
Les centres nucléaires et les prisons ne sont pas les seules installations touchées. Plusieurs arrêtés ministériels fixent « la liste des zones interdites à la prise de vue aérienne », parmi lesquelles les bases militaires, auxquelles s’ajoutent moult arrêtés préfectoraux. Mais alors qu’Apple floute une partie de la rade de Brest, Google n’en fait rien, laissant ainsi apparaître la base opérationnelle des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français de l’Île Longue, quoiqu’avec une définition réduite.
S’« il existe une réglementation nationale » permettant « de restreindre l’autorisation de photographie aérienne sur des sites d’importance vitale », explique le rapport de la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires de juin 2018, « il n’existe pas de cadre juridique national ou international sur les photos satellitaires » employées par les sites cartographiques privés.
La contrainte des arrêtés ministériels n’étant pas soutenue par des sanctions, le floutage reste encore largement volontaire. Malgré l’insistance de Nicole Belloubet, qui a envoyé un courrier au siège français dès le 31 juillet, Google n’a pas flouté les prisons avant ce début décembre. Et encore ! Le centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, pour ne citer qu’un exemple, n’est camouflé ni par Google ni par Apple.
Alors que le ministère de la Justice a lancé des travaux sur l’évolution du cadre juridique, « il faut avoir conscience qu’une interdiction éventuelle ne vaudrait qu’en France, expliquent les députés, et n’empêcherait pas la consultation des images depuis un pays tiers ». En Belgique, les bases militaires sont protégées, mais pas les installations nucléaires. Un député socialiste a récemment déposé une proposition de loi pour corriger cet état de fait.
Par Anthony Nelzin-Santos, le 10/12/2018 à 16h30
Pour retrouver cet article et visualiser les photos à titre d’exemple, cliquer sur : https://www.igen.fr/app-store/2018/12/centrales-nucleaires-et-prisons-google-pixellise-apple-floute-106177
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